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RETOUR D’ENFER

Le renard ardennais a marqué dimanche en championnat pour la première fois depuis 363 jours. Avant de monter au jeu face à Waasland Beveren, il totalisait… une minute sur le terrain cette saison. Reconstruction de son année noir charbon et de sa renaissance :  » Je suis là, je suis vivant et je suis content.  »

L’attaquant luxo avait la banane dimanche en fin de soirée. Il avait rejoué. Enfin. Et trouvé le chemin du but. Enfin. Un bête penalty mais il l’avait lui-même provoqué. Et quand le public, juste après sa transformation, a chanté  » Oh oh, oh, Renauuuud Emooond « , il a savouré. Pas encore rhabillé, il avait les idées qui se télescopaient au moment de commenter son match.  » J’y croyais presque plus « , mais aussi  » J’ai jamais rien lâché, je suis vivant et je suis content.  » Après tout, c’est normal d’avoir la tête à l’envers quand on sort de l’enfer. Retour arrière.

Le Standard de Liège, Waasland Beveren etRenaud Emond ont trouvé un accord : le jeune attaquant belge vient de signer un contrat de cinq ans avec notre club.

Lu sur le site officiel, fin août 2015. AxelLawarée, toujours là, y croit :  » Nous le suivions depuis un certain temps et nous étions attentifs à sa belle progression. Nous pensons maintenant que c’est le bon moment pour lui de franchir un palier et nous sommes ravis qu’il ait décidé de relever le challenge proposé par le Standard alors que d’autres grands clubs belges étaient également intéressés. Il est jeune, il est belge, il connaît notre compétition et il marque des buts.  »

Tout est vrai, à ce moment-là en tout cas. Quelques mois plus tôt, le joueur a expliqué ce que le Standard évoque pour lui :  » Sclessin, c’est particulier. Par exemple parce que c’est là que j’ai marqué mon tout premier but en D1, avec Waasland Beveren. C’était de la folie. Pour l’anecdote, je me souviens que le commentateur de la RTBF prononçait mal mon nom. La preuve qu’on ne me connaissait pas encore.  »

A l’époque déjà, début 2015, on citait son nom du côté de Sclessin. Réaction :  » Si l’intérêt du Standard est bien réel, ça fait plaisir à entendre. Pour un Wallon, c’est le top.  » Et puis, le Standard a su dribbler une fameuse concurrence. Quand il fait signer Emond, il acquiert un buteur qui a aussi été désiré par Anderlecht, Bruges et Genk. IvanSantini ne s’est pas encore imposé, MohamedYattara est en clash avec Yannick Ferrera, donc c’est clair : ça peut être la saison de Renaud Emond. Il débarque au meilleur moment.

LES CHIFFRES QUI TUENT

Entre-temps… comment dire ? Emond au Standard, c’est la perdition, l’oubli, le gros accident, la voie sans issue. Quelques chiffres et dates éloquents qui résument bien son enfer avant la délivrance de dimanche dernier.

19 buts en 56 matches de championnat pendant 2 ans et quelques semaines avec Waasland Beveren.

25 rencontres jouées la saison dernière avec le Standard, mais presque exclusivement des bouts de matches : 5 fois remplacé, 17 entrées en cours de partie, 3 rencontres complètes (dont une contre des amateurs au premier tour de la Coupe).

Dernier match complet en championnat le 4 octobre 2015.

111 minutes jouées cette saison… toutes compétitions confondues : 31 en Supercoupe, 34 en Coupe, 46 en championnat.

21 (bouts de) matches de championnat depuis son arrivée et seulement 3 buts.

Dernier but en match officiel avant dimanche : le 25 octobre 2015 (à Charleroi).

RECONSTRUCTION D’UNE VRAIE GALÈRE

Voici la ligne du temps de son année en enfer. Avec des instantanés de déprime, des affronts, des phrases chocs. Et quand même aussi, de temps en temps, l’une ou l’autre raison de sourire.

En septembre 2015, Renaud Emond est à fond dans le truc et optimiste à mort. Il lâche :  » Si possible, je veux marquer à chaque match. J’ai marqué beaucoup avec Waasland Beveren et je me dis que j’aurai plus d’occasions au Standard.  » On lui fait remarquer qu’il manque peut-être de body, il répond :  » J’ai d’autres qualités, comme ma présence devant le but. Je sais toujours où le ballon va retomber.  »

Fin septembre, il marque son premier but en championnat. Et, donc, fin octobre, son deuxième et tout dernier dans un match à enjeu. Au début, il joue chaque semaine, mais presque jamais un match entier. Bon à savoir : il a été transféré entre le licenciement de SlavoMuslin et l’arrivée de Yannick Ferrera, qui n’a donc pas eu son mot à dire. Et on n’a jamais vraiment l’impression qu’il entre dans les plans du nouveau coach.

Renaud Emond a des raisons de sourire un peu en décembre. Son temps de jeu est en chute libre, le nombre de minutes qu’il passe chaque week-end sur le terrain diminue continuellement. Mais les lecteurs de Sudpresse le désignent Sportif de l’Année en province de Luxembourg. Derrière lui, il y a du beau monde : Thomas Meunier, l’athlète JulienWatrin, les autres footeux Timothy Castagne et Frank Defays, …

HORIZON BOUCHÉ

A partir de fin janvier, il commence à ne plus être repris systématiquement. En mars, il lance encore :  » J’ai l’intention de m’imposer au Standard « . Et il ajoute qu’il vit  » mal  » sa situation.  » Ce n’est pas à moi de juger si je mérite mieux ou non. J’ai un contrat de cinq ans, je veux que ça marche.  » Il reçoit un beau lot de consolation : un quart d’heure sur la pelouse en finale de la Coupe contre Bruges. Pour le reste… Seulement deux apparitions en play-offs 2.

Dès la reprise, on comprend que ça continuera à être compliqué pour lui. Il y a sa brève relégation dans le noyau B. Ferrera se décharge de la responsabilité quand on l’interroge sur le sujet :  » Posez la question à d’autres que moi.  » La direction lui reproche cette décision. Qui a tranché ?  » Ferrera a dit à Emond que la décision venait d’en haut « , nous dit DidierFrenay, dont l’agence gère la carrière de l’Ardennais. L’entraîneur aurait aussi dit :  » Je veux bien assumer beaucoup de choses mais quand même pas des décisions que je n’ai pas prises.  »

Franco Iovino, qui représente le joueur, et Philippe Emond vont trouver Bruno Venanzi. Ils enregistrent discrètement la conversation, pensant que ça pourra toujours leur servir s’il y a un clash. Des clubs sont intéressés, le Standard ne le retient pas. Mais Renaud Emond, encouragé par son père, décide de rester. Quitte à rester dans la galère. Son nom circule à Beveren, à Lokeren, à Courtrai, à Mouscron et même à Saint-Etienne. Il reste donc.

Son horizon ne se débouche pas quand il retweete une déclaration qu’Ivan Santini, juste transféré à Caen, nous fait :  » Voir Emond et Yattara dans le noyau B, ça me sidère. Ils ne méritent pas ça. S’il y a bien un mec au Standard qui travaille bien et beaucoup, c’est Emond. Donne-lui cinq matches d’affilée et il te plantera plein de buts « .

 » ÇA ME TOUCHE ÉNORMÉMENT  »

Il a marqué plusieurs fois en campagne de préparation mais ça n’a pas suffi pour Yannick Ferrera. Il score encore une fois lors du tout dernier match de ce coach, en amical contre Marseille. On est en septembre et ses malheurs continuent. Il n’est pas inscrit sur la liste des joueurs qui disputeront l’Europa League. AleksandarJankovic ne semble pas croire davantage en lui, dans un premier temps.

Il y a, toujours sur Twitter, début septembre, ce post émouvant :  » Je tiens à remercier du fond du coeur toutes les personnes qui me soutiennent ! Ça me touche énormément.  » Un message conclu par une immense boule rouge.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

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