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Retour au port

Seize ans après avoir signé son premier contrat professionnel au Germinal Beerschot, JVD a sans doute paraphé à l’Antwerp le dernier contrat de sa carrière de joueur.

Mars 2002. Jelle Van Damme fait parler de lui pour la première fois. L’arrière droit de 18 ans, qui s’entraîne avec le noyau A du Germinal Beerschot, part en stage à l’Ajax Amsterdam jusqu’au terme de la saison. Le club hollandais manque de défenseurs gauchers et Ronald Koeman, le coach, a été séduit par le jeune joueur du club satellite belge. Trois mois plus tard, le gars originaire de Lokeren signe un contrat de trois ans avec le champion des Pays-Bas.

Un an plus tôt, le Germinal Beerschot était allé chercher Van Damme en Espoirs à Lokeren. Il était libre de transfert car il n’avait pas de contrat. A l’âge de 14 ans, il avait même arrêté de jouer au football à Beveren pour faire de la course cycliste. Il avait commencé en débutants mais s’était rapidement aperçu que ce n’était pas une bonne idée. Sociable, il préférait les sports d’équipe et puis, il adorait le football. En Minimes, à Lokeren, il avait inscrit plus de 100 buts en une seule saison. Il était donc revenu à Daknam pour y jouer en Scolaires provinciaux en tant que médian gauche. Ce n’est qu’en Espoirs qu’il avait reculé en défense.

Au moment de quitter le Germinal Beerschot pour l’Ajax, Van Damme est déjà entré au jeu à quelques reprises en équipe Première. Il a même été titularisé une fois. Franky Van der Elst, l’entraîneur, dit de lui que c’est un jeune talentueux qui a une bonne mentalité et un style de jeu énergique. Jelle, qui a quatre frères et soeurs, est un garçon de bonne famille. Ses parents se sont séparés lorsqu’il avait 12 ans et il vit avec sa mère. Il est supporter du Club Bruges  » et certainement pas d’Anderlecht « , ajoute-t-il.

Il n’aimait pas l’école. Il a suivi des cours d’agriculture et de jardinage à Saint-Nicolas puis est devenu professionnel au Germinal Beerschot.

Menaces

A Amsterdam, il découvre un autre monde. Le gamin qui, il y a peu de temps encore, avait arrêté de suivre des cours de musique parce qu’il devait payer lui-même la cotisation, et qui peignait pendant les vacances pour pouvoir se payer un scooter, peut désormais se permettre de rouler en Mercedes Sportcoupé et en Porsche Carrera. Au début, il se demande où il est tombé. Sur le terrain, ses nerfs lui jouent des tours et les grandes gueules d’Amstellodamois ne le ratent pas : dès qu’il rate un contrôle ou une passe, il se fait insulter. Mais il se bat et finit par s’adapter.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ses débuts dans le football hollandais ne passent pas inaperçus. A un certain moment, le club reçoit même une lettre de menaces qui lui est adressée. Lors du match contre Feyenoord, son adversaire direct, Pierre van Hooijdonk, a été exclu pour lui avoir donné un coup, et devant la commission de discipline, Van Damme l’aurait accablé. Il devient la cible des supporters de Feyenoord tandis qu’au sein du noyau dur de l’Ajax, il est de plus en plus apprécié. Au Kuip, on lui jette des pièces de monnaie, des briquets, de la bière et des sorts mais ses prestations sont bonnes. Il livre notamment un excellent match à l’Inter Milan, en Ligue des Champions.

Sa deuxième saison est toutefois plus difficile. Il ne peut pas rivaliser avec Maxwell, qui a dû faire face au retour de Wesley Sneijder dans l’entrejeu et est redescendu d’un cran. Il n’est plus titulaire et craint de perdre sa place en équipe nationale. Alors, il perd patience. Il veut jouer et trouve son salut en Angleterre. Le jeu physique doit mieux lui convenir que le football académique de l’Ajax, selon lui. Il est convaincu qu’il y sera plus apprécié.

Créatine

Après deux ans et demi à l’Ajax, Jelle Van Damme signe un contrat de quatre ans à Southampton, qui paye 3,75 millions d’euros pour acquérir ses services. Le jeune Waeslandien habite pendant deux mois chez un équipier, l’international anglais James Beattie, avant de s’installer dans un superbe penthouse à cinq minutes du stade. Il installe un billard et une batterie chez lui, où son jeune frère lui rend régulièrement visite. La vie est belle, il peut se présenter au stade quinze minutes avant l’entraînement et il sent qu’on croit vraiment en lui. Les joueurs s’entendent bien, il aime le style de jeu et la vie à l’anglaise. Il fait de la musculation et prend de la créatine pour acquérir de la masse musculaire, et lorsque Graeme Le Saux se blesse, il saisit sa chance. En décembre, hélas, il se blesse à son tour à la cheville gauche et les choses se compliquent. Il est opéré, on lui fait des infiltrations, il prend des anti-inflammatoires, reprend trop tôt, doit être réopéré… Il en conclut que le club a failli lui bousiller la cheville. De plus, cette saison-là, Southampton descend.

Le Werder Brême lui offre une porte de sortie. Le grand club allemand le loue pour une saison au prix de 500.000 euros. Après être entré à une demi-heure de la fin de son premier match de championnat, il est titularisé en Ligue des Champions à Bâle mais il prend rapidement un carton jaune et échappe de peu à l’exclusion en fin de première mi-temps. L’entraîneur le remplace. Il inscrit son premier but en Bundesliga face au Borussia Mönchengladbach mais une blessure à l’aine et de nouveau problèmes à la cheville le mettent hors-jeu.

C’est le début de la fin de son aventure allemande. Il habite toujours à l’hôtel et admettra plus tard qu’il ne s’y est jamais senti comme chez lui. La mentalité ne lui convient pas. Pour lui, les Allemands sont trop distants, trop froids, trop secs, trop acrimonieux. A la fin, il se sent même rejeté. Il est malheureux et ne vit plus vraiment pour le football. Ses proches lui manquent. Ils sont tous tatoués sur son corps mais rien ne remplace leur présence physique. Dès qu’il le peut, il prend la Chrysler 300CC avec numéro de plaque personnalisé que le club a mise à sa disposition et rentre à Lokeren. Il est prêt à faire un effort financier pour retrouver le bonheur, la stabilité, le plaisir de jouer et se sentir bien dans sa peau. C’est à Anderlecht qu’il va trouver son bonheur.

Elke

Il signe un contrat de quatre ans au Stade Constant Vanden Stock et dit qu’il veut aller jusqu’au bout de son engagement. Il veut rejouer comme à l’Ajax, dont le style de jeu est similaire à celui d’Anderlecht. Mais pour lui, ce n’est pas évident. Dès son premier match, il est exclu pour deux cartes jaunes. Et lors du deuxième, il est responsable d’un but encaissé. Il n’a plus l’habitude de jouer autant de matches par semaine et ne suit pas physiquement. Il se retrouve sur le banc et est la cible d’un public exigeant. Parfois, quand il fait une mauvaise passe, il se fait siffler. On ne sait plus très bien s’il est arrière gauche, défenseur central ou médian gauche. On n’est pas non plus certain qu’il soit assez fort pour Anderlecht. Avec sa puissance physique et sa mentalité de gagneur, il devrait plutôt jouer à Bruges.

Mais tout finit par s’arranger. Sa polyvalence devient un atout et la puissance dont il fait preuve dans l’entrejeu (il marque même des buts) s’avère finalement très utile à un club qui prône pourtant un football académique. Il met également l’ambiance au sein du groupe car, dans le vestiaire comme sur le terrain, il en fait toujours un peu plus que les autres. Un jour, Mbark Boussoufa ouvre son casier et manque de tomber à la renverse quand un pigeon s’en échappe. En septembre 2008, le maillot de JVD est celui qui se vend le mieux à la boutique d’Anderlecht.

Entre-temps, c’est aussi à Anderlecht qu’il a trouvé l’amour. Après un match, il rencontre Elke Clijsters dans la salle des joueurs. C’est le coup de foudre. Ils se marient et ont rapidement un fils, Cruz Leo, qu’ils appellent ainsi en hommage à Leo LeiClijsters, père de Kim et Elke, décédé d’un cancer de la peau à l’âge de 52 ans. L’ancien international, qui a remporté la Coupe des Vainqueurs de Coupe avec Malines en 1988, a aussi droit à un tatouage sur le corps de Van Damme.

L’année 2009 est également celle de son premier flirt avec le Standard. Van Damme demande même à ne pas être repris pour le match de Coupe d’Europe face à Sivaspor et, après Anderlecht-Standard, où Axel Witsel vient de casser la jambe de Marcin Wasilewski, il entre dans le vestiaire visiteur et demande  » pour rigoler  » s’il doit rester là ou reprendre le car avec les Liégeois.

Galaxy

Pourtant, ce n’est pas au Standard qu’il signe mais aux Wolverhampton Wanderers, qui versent 3,25 millions d’euros à Anderlecht. Jelle Van Damme revient en Premier League, le championnat et le style de football qu’il a toujours appréciés. Il avait d’ailleurs déclaré en quittant Southampton qu’on l’y reverrait. Mais dès la préparation, il se rend compte qu’il a commis une erreur. Il sent que l’équipe est trop légère, qu’elle va lutter pour son maintien et que ça ne va pas l’aider. Il s’aperçoit aussi qu’en ville, il n’y a rien à faire, qu’il ne va pas s’adapter, qu’il n’y est pas heureux, que sa femme enceinte et son fils lui manquent.

Il dit qu’Anderlecht restera toujours son club, qu’il garde le contact avec les joueurs et l’entraîneur. Contre Tottenham, on lui reproche d’être à la base de deux buts adverses et la semaine suivante, face à Aston Villa, il est dans la tribune. Avec ses tatouages, Van Damme est un dur au coeur tendre, il ne peut pas rester là. Il constate qu’il est impossible de rentrer à Anderlecht. Luciano D’Onofrio aimerait le faire venir au Standard mais pas à n’importe quel prix. Luc Devroe, alors directeur sportif du Club Bruges, trouve un accord avec The Wolves et affirme que le joueur lui a donné sa parole à l’aéroport de Birmingham mais Van Damme dément et, peu après, fin novembre, il signe un contrat de quatre ans au Standard. En décembre, il est papa pour la deuxième fois. Cette fois, c’est une fille : Cleo.

Au Standard, il se sent directement comme chez lui. Il devient rapidement capitaine et affiche l’esprit Standard : il se donne à fond et devient une des figures de proue du club. Il y reste cinq ans, remporte deux Coupes de Belgique et traverse quelques tempêtes avant de signer pour deux ans à Los Angeles Galaxy. Dans sa vie privée aussi, il y a du changement : Elke et lui se séparent. En 2014, déjà, ils ont fait un break mais deux ans plus tard, ils sont arrivés à la conclusion que leur mariage avait vécu et ils se séparent à l’amiable. En Major Soccer League, Van Damme fait du bon boulot. Son style agressif plaît au public. Au début de la deuxième saison, en mars, il prolonge son contrat, succède à Robbie Keane en tant que capitaine et déclare se sentir très bien dans ce club chaleureux. Il veut remporter des trophées et y rester le plus longtemps possible.

Great Old

Mais la réalité dépasse les déclarations d’intentions. Peu après la mi-août, l’ex-Diable Rouge (31 sélections) signe un contrat de deux ans à l’Antwerp. Los Angeles Galaxy est mal classé tandis que le Great Old revit. Il explique qu’il revient plus tôt que prévu pour Luciano D’Onofrio, pour le club, pour les fans et pour ses enfants. Il est convaincu qu’avec sa mentalité et son style de jeu, rien ne peut lui arriver au Bosuil. Il veut encore jouer pendant deux ou trois ans à l’Antwerp  » puis ce sera bon comme ça « . Par le passé, il a déjà déclaré à plusieurs reprises ce qu’il voulait faire à l’issue de sa carrière : conduire un tracteur, récolter le maïs l’été parce que, quand il était petit, il allait souvent aider à la ferme et qu’il a toujours été fasciné par cette vie. Mais il reconnaît aussi que la vie prend parfois des tours inattendus. Il est bien placé pour le savoir.

par Christian Vandenabeele – photos Belgaimage

Van Damme s’est fait tatouer Lei Clijsters, son ex-beau-père.

Courses cyclistes, cours de jardinage, musique, peinture : sa jeunesse n’est pas celle d’un vrai footballeur.

Dans le vestiaire comme sur le terrain, il en fait toujours un peu plus que les autres.

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