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Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le nouveau coach mouscronnois est fort éloigné du moule traditionnel.

A Mouscron, les supplications de l’assistant Gil Vandenbrouck (qui a refusé jusqu’au bout le poste de T1 pour le reste de la saison) et les hésitations de Daniel Leclercq ont profité à un entraîneur pas comme les autres. A un homme qui a eu une carrière de footballeur très discrète mais fait du boulot très intéressant comme coach. Paul Put (49 ans) est d’ailleurs fort apprécié dans le milieu. Wilfried Van Moer et Guy Thys (qui faisait partie du jury de la Pro License) l’avaient autrefois désigné comme coming-man du football belge. Robert Waseige, Walter Meeuws, René Vandereycken, Aimé Anthuenis et HugoBroos l’ont aussi complimenté publiquement.

Quand il fut viré de Geel après avoir fait monter ce club en D1 (contre toute attente), il reçut des coups de fil de soutien de Georges Leekens, de Luka Peruzovic, de Broos, de Meeuws, de Waseige, d’Anthuenis. Et quand des inspecteurs de l’UEFA débarquaient au Heysel pour vérifier que le programme de la Pro License était bien respecté, c’était Paul Put qu’on envoyait au front pour faire les démonstrations pratiques. Trond Sollied était lui aussi sous le charme de cet entraîneur.

En 1999, après un match Geel-Gand qui était le premier de Put en D1, le Norvégien avait lâché :  » Tout mon respect pour Paul Put. Quand on montre ce qu’il a montré aujourd’hui, on ne peut pas échouer en première division.  » Réaction de Put à l’époque :  » Je n’irai pas jusqu’à dire que j’en ai attrapé une érection, mais un compliment pareil, venant d’une personnalité pareille, ça fait plaisir « . Plus tard, Sollied a prouvé qu’il n’avait pas lancé des paroles en l’air : quand il fut transféré à Bruges, il proposa à Paul Put d’intégrer le staff du Club. Put est un personnage à part. Ses succès en foot (une montée en D1, deux demi-finales de Coupe de Belgique, une qualification européenne) ne sont pas ses premières réussites professionnelles. Portrait !

A la table des stars du film

La première passion de Paul Put, c’était la mode. Son idole ? Gianni Versace. Il nourrissait une véritable fascination pour le couturier italien. Aujourd’hui encore, il est souvent habillé Versace presque des pieds à la tête : chaussures, chaussettes, sous-vêtements et tout le reste ! Il est même parvenu à se faire inviter dans la villa de Versace à Los Angeles. La mode, il voulait en faire un métier. Mais son père l’en dissuada et lui fit comprendre qu’il y avait mieux pour réussir : le monde du film.

Paul Put ouvre une première vidéothèque, puis une deuxième… et va en posséder jusqu’à une cinquantaine. Il visionne des films aux quatre coins du monde, achète pour moins de 20 euros des cassettes qu’il loue ensuite, une centaine de fois, pour 3 euros. Faites le compte : à 26 ans, il s’offre une première Porsche. Ça tombe de tous les côtés. Il achète des productions pour ses vidéothèques, pour des cinémas, pour la télévision. Il visionne en première loge, parcourt le monde, visite les Etats-Unis, le Mexique et tous les grands pays du film. Il s’arrête à Los Angeles, à Mexico, à Cannes, à Milan, partage la table de Michael Douglas, Sylvester Stallone, Kim Basinger, Mel Gibson, DemiMoore (ne cherchez plus pourquoi il a prénommé sa fille Demi !). Il séjourne dans un hôtel de luxe en même temps que les Rolling Stones. Tout est bon pour faire son beurre : films d’action, d’horreur, X. Il est même invité au… château Playboy !

Il est repéré par SuperClub, méga chaîne de vidéothèques, et en devient un des barons. La gloire… puis la galère. SuperClub tombe en faillite et Paul Put perd tout : ses actions (près de 500.000 euros) ne valent subitement plus rien. Il doit tout reconstruire, lance un nouveau projet avec un associé… qui disparaîtra à Puerto Rico avec l’argent du duo. Put en a marre, est dégoûté, ne trouve même plus la force d’aller voir le dernier James Bond et change radicalement de cap : retour au foot. Il n’a toujours pas digéré d’avoir échoué dans sa carrière de joueur, alors il va essayer de se venger comme entraîneur.

Discrétion et ambition

Paul Put n’a jamais cherché à se positionner sous les spots. On le lui a parfois reproché, on lit régulièrement qu’il est terne, sans relief, renfermé. Cette description ne le dérange pas :  » Bluffer, crier, gesticuler comme certains confrères, c’est trop facile et ce n’est pas mon truc. Ma devise, c’est d’être discret dans le succès et grand dans la défaite. En se transformant en une bête des médias, on se crée vite une image qui marque, mais ça ne dure jamais « .

Autre reproche : sa gentillesse naturelle, qui passe parfois mal dans ce monde où il faut savoir montrer les crocs sur les terrains d’entraînement.  » Je sais, on me dit que je suis trop gentil, mais je constate que mes joueurs viennent me manger dans la main et traverseraient un mur pour moi. Ma façon de travailler fonctionne, pourquoi devrais-je la modifier ?  »

Ce manque apparent de relief ne l’empêche pas de viser haut, de croire en lui :  » Aujourd’hui, je sais que je suis prêt pour un grand club. Je sais que je n’entraînerai jamais le Bayern, mais j’ai peut-être le niveau d’une équipe comme Schalke 04. Et en Belgique : Anderlecht ou Bruges « .

Croyances et superstition

Paul Put a ses grigris, des petites manies qu’il n’abandonne jamais. Si une diseuse de bonne aventure vient vers lui, il ne fuit pas mais l’écoute attentivement – cela lui est arrivé plus d’une fois ! Avant chaque match de son équipe, il faut qu’on allume une bougie chez lui. La corvée fut longtemps pour sa mère (il vécut sous le toit de ses parents jusqu’à l’âge de 40 ans, perdit son père au moment de la montée en D1 avec Geel et sa mère au moment où il signa à Lokeren), c’est aujourd’hui sa compagne qui s’en charge. Autres rituels immuables en phase de préparation de match : il refuse qu’on le dérange – quel que soit le prétexte – quand il couche son équipe sur papier, va courir une heure dans le bois, écoute de la musique dans sa voiture en allant au stade et exige que ses joueurs prennent une soupe quatre heures avant le coup d’envoi. Il avoue une fascination pour certaines sciences occultes et croit aux signes.  » Les gémeaux ont des capacités de leader, ils transportent la bonne humeur, ont le contact facile et passent pour des épicuriens : je me reconnais dans cette description « .

Grands principes foot

Paul Put (qui a pris la succession de Meeuws à Tielen, de Jan Ceulemans à Ingelmunster et de Leekens à Lokeren !) n’a pas attendu d’être en D1 pour réussir de bons résultats. Il hissa Tielen, modeste équipe de D2, en demi-finale de la Coupe de Belgique. Il fit monter Geel en D1 alors que ce club se battait depuis près de 15 ans pour ne pas basculer à l’étage inférieur. Et il qualifia Ingelmunster pour le tour final de D2 alors qu’au moment de son arrivée, trois mois plus tôt, cette équipe était descendante. La passion est là !  » Ma compagne me demande parfois si je ne suis pas fou quand je rentre à 2 heures du matin après un match perdu et que je m’installe dans le salon pour visionner la cassette « . Une passion qui le poursuit jusque dans son sommeil :  » Je me réveille parfois en nage, après avoir rêvé de foot. On peut tordre les draps « .

L’Anversois est un vrai perfectionniste, presque un obsédé :  » Quand je regarde un match à la télé, ce n’est pas affalé sur mon divan avec un paquet de chips et un verre de vin. Un Real-Juve, je le suis avec une concentration extrême, avec un bic et un carnet « . S’il dirige un noyau multilingue, il traduit consciencieusement en français et en anglais toutes ses fiches d’entraînement, exige que son discours colle parfaitement dans ces langues et supprime tout risque d’approximation.

Le discours de Paul Put n’est jamais plat quand il parle des choses du foot. Il évite les lieux communs, ce qui en fait un bon client pour les médias spécialisés. Il a confié ses grands principes et la façon dont il voit le football et le métier d’entraîneur à la revue néerlandaise De Voetbaltrainer. On y apprend qu’il s’inspire beaucoup d’autres sports, et notamment du cyclisme pour ce qui concerne l’alimentation. A Lokeren, il avait par exemple imposé le petit-déjeuner en commun :  » C’est ce repas qui fournit l’énergie pour la matinée et je ne voulais pas voir arriver des joueurs au dernier moment avec le ventre creux. Arriver tôt au stade favorise aussi la concentration et cela me permet de parler au calme à ceux qui en ont besoin « . Cette obligation de prendre le petit-déjeuner ensemble était aussi dictée par la présence de nombreux Africains dans le noyau : il fallait les rendre ponctuels et disciplinés.  » Il faut aussi être psychologue avec eux, ne jamais les attaquer en public par exemple, car ils sont généralement fort fiers « .

Les séances… vidéo sont une facette importante de son travail. Put en programme deux par semaine. La première est consacrée à son équipe : elle lui permet de prouver à certains joueurs qu’ils ont raté telle ou telle chose, ou qu’ils n’ont pas appliqué telle ou telle consigne ( » C’est nécessaire parce que l’autocritique n’est pas la qualité première des footballeurs ! « ), de mettre le doigt sur les erreurs de trajectoires, de décomposer les buts encaissés, etc. La deuxième est axée sur l’adversaire : les hommes dangereux, le jeu de passes, les phases arrêtées, les points sur lesquels il va falloir l’attaquer.

Put essaye d’appliquer le même système de jeu d’un bout à l’autre de la saison car  » ça aide les joueurs si on limite les corrections  » et a son idée sur les changements en cours de rencontre :  » On ne peut faire des changements tactiques que si on possède un banc fort. Et si on est obligé de changer beaucoup de choses pendant un match, ça veut dire qu’on n’a pas bien travaillé en semaine « .

Autre constante chez le nouvel entraîneur de Mouscron : le travail en fonction de pics de forme et une place importante accordée à la récupération. Un principe tiré du cyclisme aussi. Il est conscient qu’on ne peut pas maintenir un noyau à son meilleur niveau physique pendant une saison complète et bosse donc en fonction d’objectifs précis. Il insiste aussi beaucoup sur les répétitions :  » Johan Cruijff a raison quand il dit que, si ça ne marche toujours pas après 100 répétitions, il faut en faire 200 « . Il affirme par ailleurs qu’au contraire d’ EmilioFerrera, qu’il a relayé au Lierse, il préfère les automatismes offensifs aux automatismes défensifs. Le foot vers l’avant est effectivement une des marques de fabrique de Paul Put. Parmi ses priorités défensives : conserver à tout moment un défenseur en plus que le nombre d’attaquants adverses en zone défensive, interdiction pour les deux backs de monter ensemble et obligation pour le gardien de savoir jouer des deux pieds.

Les Hurlus se retrouveront-ils dans ces grands principes ?

PIERRE DANVOYE

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