Respect à Prof Jean-Marie Philips

Le foot a son jargon, qui évolue comme tous les jargons. Des expressions meurent, exemple de mort l’autre jour : je lâche devant quelques footballeurs d’environ 25 ans qu’untel serait bientôt un buteur patenté. Stupeur, tous les gars restent bouche ignorante et bée. Sauf un, mon propre rejeton(!), qui m’interroge :  » Un buteur pas tenté par quoi ? » Une fraction de seconde, je me suis demandé si je devais pleurer, si l’admiration en foot était encore ce qu’elle était, ou si elle passait désormais par les images plutôt que par les mots… Une fois la fraction passée, j’ai décidé de ne pas chialer : ce n’était jamais qu’une toute petite mort comme la vie en fabrique des tas, ce n’était pas pire que les courriels qui font mourir les lettres à La Poste, je n’allais quand même pas faire grève pour si peu. Les buteurs ne seront plus jamais patentés, mais ça n’empêchera pas la moyenne de buts de demeurer ce qu’elle est depuis près d’un demi-siècle…

Surtout que d’autres mots naissent. Le dernier célèbre nous venant à l’esprit ? Box-to-box évidemment, débarqué des Iles pour se retrouver surexploité en un an sur le continent,… j’ai même rencontré un box-to-box en Diablotins ! Ceci dit, le soufflé commence déjà à retomber, le box-to-box ne fera pas d’aussi vieux os que le patenté, j’en prends les paris pour une raison simple : le premier correspond souvent à tout et n’importe quoi ; le second définissait d’un mot joli, désormais suranné, une qualité précise.

En ce moment, si j’en crois ce que je hume, un petit mot qui a, mine de rien, le vent footeux en poupe, c’est le mot respect : le plus souvent prononcé à l’anglaise, allez savoir pourquoi, en articulant le ect comme pour Anderlecht… Il se pratique lors des causeries comme lors des commentaires en direct. L’écran repasse une action, le causeur de service ré-évoque un joueur venant de réussir un but superbe ou un geste technique hors du commun : et là où il ponctuait hier son intervention en disant magnifique, superbe, chapeau ou chapeau bas,… il ponctue aujourd’hui en disant Respekt ! Sémantiquement, je n’arrive pas à m’y faire, je trouve ça cucul : même si c’est via Wikipedia que j’essaie de savoir ce qu’est le respect, j’y découvre qu’il est lié à la dimension humaine de n’importe quel zig, à une considération pour son parcours moral : mais l’admiration n’est pas le respect ! Alors, d’accord à la limite pour respecter chez Paolo Maldini sa fidélité au même club durant 20 ans, mais pas d’accord pour respecter une frappe en pleine lucarne ! Cool, Ben, ça passera comme le box-to-box…

… Box-to-box qui m’amène à Guillaume Gillet, si j’en crois ma perception à moi du vocable. Gillet bosse en perte de balle jusque devant son box, tout en s’en allant régulièrement buter jusque dans le box d’en face : s’il n’en reste qu’un, c’est lui, bien plus que Jan Polak, jadis acquis comme tel ! J’enchaîne encore, Gillet me ramène évidemment au péno à Mouscron voici dix jours, péno banal et polémique comme il s’en siffle (ou pas) des masses chaque week-end. Ce qui ne fut pas banal par contre, ce qu’on n’entend pas des masses, c’est cette déclaration  » S’il y a simulation, c’est que j’ai bien joué  » : fini de dire que Jonathan Legear est le gaffeur mauve de service quand il cause ! M’est avis qu’en ce moment, le GG du Parc Astrid en a plutôt marre d’être un des rares francophones du onze, ce qui fait qu’avec le Jona, les interviews à chaud, il s’y colle obligeamment plus souvent qu’à son tour : plus tu t’y colles, plus tu t’habitues, plus tu blablates machinalement pour faire plaisir,… et le train-train te joue un jour un tour ! Pas fastoche en foot d’être simultanément intéressant et langue de bois ! Cela me rappelle Bertrand Crasson jadis, avec les ouvriers…

J’enchaîne une dernière fois, Gillet m’amène à Jean-Marie Philips : lequel, de par sa fonction, devait réagir comme il a réagi à cette espèce d’aveu de simulation qui, en soi, ne vaut pas un fromage. Mais je voulais vous dire – et ça n’engage que moi – que Philips m’épate souvent : il en prend plein la gueule pour toute l’URBSFA, mais sans jamais se débiner des interviews ; il répond avec une rigueur peu banale aux attaques les plus frontales, mais ne se fait pas faute de stigmatiser lui-même les manquements de l’Union. Pas de langue de bois, un zeste d’humour corrosif qui n’est pas pour déplaire, le Jean-Marie nouveau est arrivé,… et on gagne au change ! Quand j’entends Philips argumenter, j’en arrive souvent à penser qu’on ferait mieux d’engueuler la FIFA au lieu de croire le boxon circonscrit chez nous. Et rapport aux sept nains, puisqu’il paraît que le surnom de François De Keersmaecker est Joyeux, Jean-Marie Philips devrait plutôt s’appeler Prof. Mais un bon. Un qui en a. Respect.

par bernard jeunejean

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