Réquisitoire

Paré devant, le Sporting reste fébrile derrière. L’appel aux anciens conférera-t-il stabilité à ce secteur ?

Un own-goal de Samuel et une exclusion de Denis Odoi à Louvain, un Silvio Proto passif sur le but de Bursaspor au Parc Astrid, une perte de balle d’ Olivier Deschacht qui entraîne le 2-2 contre Mons, Marcin Wasilewski et Cheikhou Kouyaté roulés dans la farine par Leonardo devant l’AEK, trois clean sheets à peine, jusqu’ici, face à Lokeren, Courtrai et La Gantoise : la défense du RSCA n’est manifestement pas à l’abri de tout reproche depuis le début de la saison.

A sa décharge, on signalera qu’elle a subi un sérieux lifting cet été. Alors qu’elle était articulée durant des mois autour du quatuor Marcin Wasilewski (puis Guillaume Gillet)- Ondrej MazuchRoland Juhasz-Olivier Deschacht, elle avait fait place à trois nouvelles têtes à la reprise : Denis Odoi, Samuel et Behrang Safari, qui entouraient le seul rescapé, Roland Juhasz. A dater du match face au Kavé, Wasyl et Olivier Deschacht ont à nouveau incorporé le quatre arrière, tandis que Cheikhou Kouyaté, lui, était passé entre-temps de la ligne médiane à ce secteur. Jusqu’à sa sortie du terrain à Gand, dimanche passé, où il fut relayé dans l’axe par Wasyl, encore lui. Cette configuration new look sera-t-elle synonyme de solidité ? Rien n’est moins sûr car les manquements restent nombreux. Une analyse poste par poste.

BACK DROIT : Denis Odoi à défaut de mieux

Ils étaient trois à briguer ce rôle la saison passée : Gillet, Wasilewski et Nemanja Rnic. Un chiffre resté identique aujourd’hui, vu que ce dernier a cédé sa place à Denis Odoi. A cette nuance près que l’ex-Canari est nettement plus proche d’un statut de titulaire que le Serbe. Même s’il subsiste toujours des lacunes dans son jeu.

GUILLAUME GILLET a dépanné au back durant la longue indisponibilité de Wasyl mais cette mission n’a jamais été sa tasse de thé. Le propos, cette saison, était de le faire monter d’un cran, voire deux, dans l’équipe. Comme face à l’AEK et La Gantoise, où il occupait le couloir droit dans le 4-2-3-1 cher à Ariel Jacobs. A une seule reprise seulement, le coach a dérogé à cette règle : lors du déplacement à l’OHL, quand le Liégeois a dû doubler Odoi, exclu suite à une intervention trop appuyée sur Diederik Devriese. A Louvain, l’ex-Eupenois n’avait guère été heureux dans ses entreprises et s’était vu gratifier d’un 4 dans nos colonnes. Dans une attribution plus offensive, en revanche, sa note a toujours été 6 au minimum. Contre les Grecs et devant les Buffalos, il fut d’ailleurs l’un des hommes les plus en vue au Sporting.

DENIS ODOI a été transféré à l’entre-saison pour solutionner le problème à l’arrière droit. Malgré le million et demi d’euros dépensés pour son retour au RSCA, où il militait déjà en classes de jeunes, les avis sont mitigés. Certes, il avait fait de bons matches sur cette portion de terrain avec Saint-Trond, mais il s’était aussi distingué dans d’autres fonctions là-bas, comme demi défensif et offensif, entre autres. Et même comme arrière central. Il ne s’était donc pas spécialisé en tant qu’arrière-aile avec, comme conséquences, des lacunes certaines en matière de positionnement. Devant ses ex-potes de Louvain, il avait néanmoins fait montre d’un bel esprit d’initiative, tout en régalant le public de l’une ou l’autre transversale pleinement réussie. De quoi lui valoir une place dans le noyau élargi des Diables Rouges.

MARCIN WASILEWSKI a été récompensé par un nouveau contrat de deux ans suite aux efforts surhumains qu’il avait fait pour revenir au premier plan après sa double fracture ouverte tibia-péroné le 30 août 2009. Avec lui, la direction anderlechtoise est sans doute allée trop vite en besogne car Wasyl , en dépit de son retour en Première chez les Mauves ainsi qu’en sélection polonaise, est loin de son niveau d’antan. Sa puissance de bison n’est plus ce qu’elle était et, surtout, il ne fait plus peur. Avant, l’homme jouait des coudes pour imposer sa loi. Aujourd’hui, c’est lui qui tend la main pour relever un adversaire. Une scène devenue rarissime, au demeurant, car le temps semble révolu où il carburait quasi à la moyenne d’une carte jaune par match. A présent, c’est à peine s’il met le pied et son regard de tueur n’est plus qu’un lointain souvenir. Le Sporting, conscient qu’il n’est plus le même, eût aimé s’en séparer pendant la trêve. Mais son salaire a refroidi les divers candidats-acquéreurs. Relégué sur une voie de garage au départ de la compétition, Wasyl s’est battu pour revenir dans le parcours. Ce qui est tout en son honneur, même s’il inspire davantage l’admiration que la crainte. A défaut de récupérer sa place de prédilection au back, il peut cependant s’avérer une bonne alternative dans l’axe en l’absence de Kouyaté et d’Ondrej Mazuch. Car il y est quand même plus fiable que Samuel.

DÉFENSE CENTRALE : Cheikhou Kouyaté, la surprise

D’une campagne à l’autre, Victor Bernardez a été remplacé par Samuel, une version soi-disant améliorée du Hondurien en matière d’intransigeance et de relance. Après deux mois, le Brésilien est déjà aux abonnés absents, son nom n’étant plus repris sur la feuille de match depuis belle lurette. Puisque Ondrej Mazuch est indisponible suite à des problèmes aux adducteurs, c’est Cheikhou Kouyaté qui a été posté au côté de Juhasz jusqu’à sa sortie à Gand, suite à une commotion cérébrale. Auparavant, le Sénégalais avait constitué une agréable surprise dans ce rôle, même s’il n’avait visiblement pas encore assimilé tous les contours de sa nouvelle mission. La preuve sur le but de l’AEK quand Leonardo lui a fait un grand pont.

SAMUEL a débuté la saison de la pire manière pour un nouveau venu : par un auto-but à OHL. Et sur le but victorieux des Louvanistes, son marquage était inexistant sur Patrick Amoah. Le Brésilien a, toutefois, des circonstances atténuantes à faire valoir : à Sao Paulo, il pratiquait l’individuelle sur un des attaquants adverses. Au Sporting, c’est en zone qu’on défend. Sauf sur coup franc, où chacun tient l’homme qui lui a été désigné. Difficile de s’y retrouver dans ces conditions. A défaut de maîtriser toutes les subtilités défensives, on aurait pu attendre une étincelle de lui sur le plan offensif. Mais là aussi, c’est bernique. Une passe à trois mètres, ça va encore. Mais plus loin, c’est déjà plus problématique. Pur gaucher, le transfuge du Werder Brême (où il n’a pas disputé le moindre match en 2011) a également entraîné, au départ, un repositionnement de Roland Juhasz sur sa droite. Une nouvelle donne pour le Hongrois, qui a toujours joué à gauche dans l’axe central, tant en sélection nationale qu’au Sporting où il a eu tour à tour, à sa droite, Nicolas Pareja, Mazuch ou Kouyaté.

CHEIKHOU KOUYATÉ, c’est un peu la révélation derrière, au même titre que Fernando Canesin devant. Rien ne prédestinait le longiligne joueur à occuper cette place. Théoriquement, il aurait dû faire l’affaire devant la défense, avec Lucas Biglia. La percée de Sacha Kljestan et les problèmes de l’arrière-garde en ont cependant décidé autrement. A Bursaspor, pour une première, il s’en était déjà tiré comme un grand. Depuis lors, il n’a fait que confirmer ses bonnes dispositions. On le savait bon de la tête, en raison de sa taille. Mais là où il a épaté toute la galerie, c’est sur le plan de la vitesse. Hormis l’Athénien Leonardo, qui n’est évidemment pas le premier venu, il est déjà allé rechercher à la course tous ceux qui l’avaient dépassé ou avaient pris l’un ou l’autre mètre à ses partenaires. Novice dans ce rôle, il lui reste à se bonifier sur quelques points. Sa relance dans la  » ruelle  » reste approximative. Face à l’AEK, il a tenté à trois reprises un service vers l’avant, plein axe, et chaque fois le ballon a été intercepté. Du coup, il a souvent tendance à rabattre le ballon vers Silvio Proto. Une scène qui s’est produite à douze reprises à Gand, au grand dam du public local. Reste que Kouyaté n’hésite pas non plus, avec son grand compas, à remonter le ballon, histoire de créer le surnombre dans l’entrejeu. Avant son retrait du terrain, il en avait d’ailleurs donné un aperçu à Gentbrugge. Son entreprise y avait été couronnée de succès mais paraît risquée en cas de perte de balle. Car c’est un trou béant qui s’offre alors à l’opposant. Mais au moins le joueur a-t-il le mérite de sortir balle au pied de la défense pour offrir une solution à ses partenaires. C’est quand même le moins qu’on puisse attendre d’un défenseur à Anderlecht.

ROLAND JUHASZ est finalement resté au Parc Astrid malgré une cour assidue de la part des Glasgow Rangers durant le dernier mercato. Tant mieux pour le Sporting car, sans son concours, personne ne s’érigerait en patron derrière. La direction, qui a tout fait pour le retenir au RSCA, ne s’y est pas trompée. Même s’il est acquis, désormais, que ses mois y sont comptés. Pro jusqu’au bout des ongles, le Hongrois a tourné la page et se donne à nouveau corps et âme pour le Sporting. Depuis qu’il a retrouvé sa place favorite à gauche dans l’axe, ses prestations vont crescendo. Dommage que son passing ne soit pas à la hauteur de ses qualités de couvreur. Mais s’il en était ainsi, il n’accuserait évidemment pas six années de fidélité au Parc Astrid.

BACK GAUCHE : Olivier Deschacht à l’usure

Pour compenser son manque de gauchers, Anderlecht a acquis cet été des éléments répondant à ce critère. Samuel en était un pour la défense centrale et Diogo et Behrang Safari constituaient deux autres solutions, pour le poste de back cette fois. Les deux épousent, malgré tout, des profils sensiblement différents. Le Brésilien est bon offensivement mais laisse des boulevards dans son dos, tandis que le Suédois a commis quelques erreurs derrière et n’a pas apporté suffisamment devant. Du coup, c’est good old Olivier Deschacht qui, libéré de ses pépins physiques, est revenu dans le parcours. Non sans fracas.

OLIVIER DESCHACHT, comme d’habitude, a joué son Caliméro pour retrouver grâce. Il n’en était pas à son coup d’essai. Par le passé déjà, il s’était ému chaque fois que les dirigeants lui mettaient un rival dans les gencives. Comme Michal Zewlakow en 2002, Fabrice Ehret en 2004 , Jelle Van Damme en 2006, Triguinho en 2007 ou encore Jan Lecjaks la saison passée. Pourquoi faire appel à tous ceux-là alors que lui faisait parfaitement l’affaire ? A l’analyse, Oli les a tous eus à l’usure. Zewlakow a été transbahuté à droite, Ehret a fait long feu, Van Damme a été poussé d’un cran vers l’avant, Triguinho ne s’est jamais adapté et Lecjaks a d’emblée signé son arrêt de mort par un own-goal lourd de conséquences au Partizan Belgrade. Avec Diogo et Behrang Safari, c’est avec des joueurs d’un autre calibre qu’il a dû composer. Car l’un est titulaire chez les U20 brésiliens et l’autre est le back gauche de l’équipe nationale suédoise. Le compte de Diogo a été vite réglé, puisqu’à l’image de Samuel il ne fait plus partie des priorités. Pour le Nordique d’origine iranienne, c’est différent, car le gars ne se laisse pas facilement démonter. Oli a eu beau ventiler ses états d’âme via Twitter et clamer à qui veut l’entendre qu’il a toujours rêvé d’évoluer en soutien de Milan Jovanovic, ses propos ont fini par agacer. Son concurrent Safari d’abord, avec qui il a eu un échange verbal houleux au Club Bruges alors que le Scandinave était sur le terrain et lui réserviste. La direction ensuite, qui en a eu marre de ses jérémiades par presse ou réseaux sociaux interposés. Aussi, s’il est revenu dans le parcours, Oli a été privé de son brassard de capitaine l’espace d’une semaine. Herman Van Holsbeeck lui a remonté les bretelles, avec ordre de ne plus trop broncher et de faire dorénavant contre mauvaise fortune bon c£ur.

BEHRANGSAFARI a été placé au milieu gauche à son arrivée mais est manifestement tout, sauf un clone de Jelle Van Damme. Il a fait comprendre qu’il était titulaire au back en sélection suédoise et que c’est pour cette raison qu’on l’avait embrigadé. Du coup, le staff l’a positionné là tant qu’Olivier Deschacht n’était pas opérationnel. Défensivement, il a déjà soufflé le chaud et le froid. Notamment sur un manque de marquage total sur la phase qui a valu à Bursaspor d’inscrire son but au Parc Astrid. Par moments, il a tendance également à laisser des courants d’air entre son opposant et lui. Offensivement, on ne peut pas dire non plus qu’il ait déjà été très inspiré. La construction n’est manifestement pas son fort.

DIOGO, lui, aura été un cas dès le premier match d’entraînement au FC Knokke. Aligné derrière Jordan Lukaku dans le couloir gauche, il précéda les trois quarts du temps le frangin de Romelu, abandonnant derrière lui un demi-terrain dans lequel les provinciaux pouvaient s’engouffrer à loisir. Aujourd’hui, il n’a toujours pas saisi toutes les implications de son poste et s’y familiarise tant bien que mal en Réserve. Ce n’est pas du tout gagné pour lui mais la direction, échaudée par l’épisode Triguinho, a fait montre de prudence en ne lui faisant parapher qu’un contrat d’un an. Idem pour Samuel d’ailleurs. C’était sans doute une sage décision…

PAR BRUNO GOVERS – PHOTOS: REPORTERS

Deschacht a été tancé par la direction, qui en a marre de ses jérémiades.

Avant, Wasyl jouait des coudes pour imposer sa loi. Aujourd’hui, c’est lui qui tend la main pour relever un adversaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire