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Rencontre avec Lior Refaelov, le roi de la Croky Cup: « Je veux aider le club à retrouver sa place au sommet »

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

À l’aube de sa quatrième finale de Coupe de Belgique, Lior Refaelov raconte ses années belges, son intégration au football de Vincent Kompany et ses secrets pour rester, au mitan de la trentaine, l’un des joueurs les plus décisifs des pelouses belges. Rencontre avec l’un des patrons du championnat.

Si vous voulez parler de Coupe de Belgique, difficile de trouver un interlocuteur plus indiqué que Lior Refaelov. Arrivé sur le sol belge en 2011 pour participer à la reconstruction de Bruges, puis intégré au projet grandiloquent de l’Antwerp, l’Israélien a remporté le trophée chez ses deux précédents employeurs, en inscrivant à chaque fois le but décisif en finale. Désormais vêtu de mauve, le Soulier d’Or 2020 rêve évidemment tout haut d’accomplir la passe de trois, cerise sur le gâteau d’une carrière déjà copieuse.

Dans le large espace consacré aux familles des joueurs au sein du Lotto Park, le numéro 11 passe devant l’objectif avec le professionnalisme et l’aisance de ceux qui se baladent avec autant de facilité sur les tapis rouges que sur les rectangles verts. Chevelure soignée, look impeccable et parfum immanquable s’installent ensuite dans le canapé, entre un entraînement et un voyage express jusqu’à la sortie de l’école, pour dérouler le fil d’une première année bruxelloise riche en rebondissements. Lior le buteur, Rafa le patron de vestiaire et Refaelov le professionnel se succèdent au fil des questions, dans un dialogue toujours empreint de maîtrise technique.

On essaie de jouer de la manière dont on le veut, peu importe qui on retrouve en face.  » LIOR REFAELOV

Lior, ça fait maintenant un peu plus de dix ans que tu es arrivé dans le championnat belge. Tu te souviens de ce qui t’a convaincu, à l’époque? Parce que tu étais convoité dans pas mal d’autres championnats…

LIOR REFAELOV : Je me souviens que Bruges était le club qui m’avait montré le plus d’intérêt. Vincent Mannaert et Bart Verhaeghe étaient en train de reconstruire le club. Ils étaient d’abord venus me voir à Barcelone, où je passais mes vacances pendant l’été. Plus tard, ils sont encore venus jusqu’à Tel Aviv. Ils ont fait beaucoup d’efforts pour me convaincre, et ça m’avait plu. J’ai vu leur motivation, mais j’ai aussi très vite compris la qualité de leur projet en vue de construire une grande équipe. Mon instinct me disait d’opter pour Bruges, et je l’ai suivi.

« J’apprends encore des choses »

Dès ton arrivée, à une période où Anderlecht dominait le football belge, on disait de toi que tu étais un joueur qui avait le style des Mauves. Pourtant, il a fallu longtemps pour que tu finisses par y signer. Tu t’es vite senti à la maison en arrivant?

REFAELOV : Au cours de toutes ces années, j’ai seulement connu Anderlecht en tant que rival. Le club m’a vite marqué, parce que c’était un adversaire de grande qualité. Quand j’ai eu l’opportunité de signer ici, je me suis directement fixé un objectif: je veux aider le club à retrouver sa place au sommet, à redevenir le numéro un du pays.

La saison passée, en fin de phase classique, Anderlecht est venu jouer un de ses meilleurs matches de la saison au Bosuil, avec une victoire 1-4 sous tes yeux. C’est là que tu as réalisé que l’équipe avait le potentiel pour rejouer les premiers rôles?

REFAELOV : Le potentiel du club, je pense qu’il était clair pour tout le monde. Derrière ça, il y avait la vision de Vincent Kompany, son expérience comme joueur de Manchester City pendant des années… Il a travaillé avec l’un des meilleurs coaches du monde, aussi. Je voulais sentir cette vision, cette philosophie, la toucher de plus près. Pas seulement pour y jouer, mais aussi pour élargir mes connaissances sur le jeu avec une nouvelle approche. Même maintenant, j’apprends encore des choses que je n’avais jamais vues en dix ans en Belgique.

C’était quoi, le discours de Vincent Kompany pour te convaincre?

REFAELOV : ( Il sourit) C’est marrant parce que l’autre jour, je me suis rappelé que juste avant que je signe, Vincent m’a dit: « Tu vas voir, ce sera la saison la plus efficace de ta carrière ». On est sur la bonne voie. En tout cas, je réalise qu’il avait raison.

Même avec ton expérience, ta carrière, ton Soulier d’Or… Rencontrer Kompany, ça restait impressionnant pour toi?

REFAELOV : Oui, définitivement. C’est une icône en Belgique. Il a joué dans le meilleur championnat du monde, dans ce qui était à certains moments le meilleur club du monde. Il a ce charisme, cette personnalité… C’est impressionnant. Même si on a presque le même âge, je dois dire que j’étais un peu excité quand il m’a appelé. L’entendre me dire qu’il me voulait dans son équipe, c’était quelque chose.

« L’objectif principal doit être de dérouler notre jeu »

Ça n’a pas directement roulé pour toi, dans les premières semaines. Qu’est-ce qui a pris le plus de temps: Refaelov devait comprendre Anderlecht, ou Anderlecht devait comprendre Refaelov?

REFAELOV : Au début de saison, j’ai dû m’habituer à un système de jeu différent de ceux que j’avais connus ces dernières années à l’Antwerp, mais je pense que ce n’était pas seulement moi. Toute l’équipe a eu besoin d’un peu de temps pour comprendre ce que Vinnie attendait de chacun de nous. Aujourd’hui, quand on regarde notre équipe, on voit que ce n’est pas un seul joueur qui fait que notre équipe fonctionne bien, mais c’est le collectif qui fait la différence.

En quoi cette force collective est différente de ce que tu as connu auparavant?

REFAELOV : Même si notre adversaire bloque trois joueurs importants, on peut en trouver un autre qui va faire la différence. C’est ce qui nous rend forts, avec cette faculté de se concentrer sur notre mission et de se battre les uns pour les autres. Ça peut ressembler à un cliché mais j’ai connu beaucoup de vestiaires dans ma carrière, et je dois dire que celui-ci est très sain. Très calme. Il n’y a pas trop d’egos, pas de joueurs qui veulent s’accaparer toute la gloire. Sur le terrain ou dans le vestiaire, tout le monde comprend les règles. Tout ça, c’est très important pour le flow de l’équipe.

Lior Refaelov:
Lior Refaelov: « Pour moi, personnellement, gagner la Coupe avec Anderlecht après l’avoir fait avec Bruges et avec l’Antwerp, ce serait une consécration. »© KOEN BAUTERS

C’est une ambiance naturelle ou bien c’est un travail qui a été fait par le staff pour créer cette atmosphère?

REFAELOV : Il ne faut pas oublier que le manager, c’est Vincent Kompany. Tu n’as pas vraiment l’opportunité de montrer trop d’ego parce que si chacun commence à montrer le sien, personne ne pourra en avoir plus que lui, par rapport à tout ce qu’il a accompli. À partir de là, tout est déjà plus simple.

Qu’est-ce qui est si spécifique dans votre jeu, par rapport à ce que tu as connu auparavant en Belgique?

REFAELOV : Dans chaque période du jeu, même quand on n’a pas le ballon ou qu’on doit défendre en bloc bas, on a toujours la possibilité de marquer des buts. C’est une chose sur laquelle on travaille beaucoup sur le terrain d’entraînement. La façon dont Vincent nous a présentés cette idée de jeu, c’était très impressionnant. On a encore une marge de progression, mais c’est quelque chose que je suis très heureux d’apprendre, et avec lequel je prends beaucoup de plaisir: comment être dangereux à chaque seconde d’un match.

Ça te donne la sensation d’aborder chaque match avec la volonté d’imposer vos idées sur le terrain?

REFAELOV : Personnellement, j’adore ça. C’est très important pour moi qu’on essaie de jouer de la manière dont on le veut, peu importe qui on retrouve en face. Bien sûr qu’il ne faut pas négliger l’adversaire, qu’il faut se méfier de ses forces et tenter d’exploiter ses faiblesses, mais l’objectif principal doit être de dérouler notre jeu, de montrer la philosophie d’Anderlecht à chaque fois qu’on monte sur le terrain.

« J’ai une dette envers les supporters d’Anderlecht »

Avec la finale de la Coupe, tu vas avoir l’opportunité de remporter un premier trophée avec Anderlecht.

REFAELOV : Depuis le début de la saison, on parle de gagner la Coupe. C’était l’un de nos objectifs. Parce que si on regarde en arrière, c’était un tout nouveau vestiaire cet été, et donc un nouvel Anderlecht à reconstruire. Si tu regardes notre onze de base actuel, il y a six ou sept joueurs qui jouent leur première saison au club. Ça nous a coûté une qualification européenne, et aussi pas mal de points lors de la première partie du championnat. Pour ça, la Coupe est arrivée au bon moment. En plus, je pense que ça fait longtemps que le club n’a plus remporté ce trophée. Même arriver en finale. La dernière fois, je pense que c’était contre moi ( il sourit).

La dernière victoire, c’était en 2008.

REFAELOV : Oui, donc ça fait vraiment longtemps.

C’est un peu de ta faute, ça.

REFAELOV : ( Il se marre) C’est vrai. J’ai une dette envers les supporters d’Anderlecht. Je leur en dois une. J’espère que ce sera cette année. Pour moi, personnellement, gagner la Coupe avec Anderlecht après l’avoir fait avec Bruges et avec l’Antwerp, ce serait une consécration.

Ce sera ta quatrième finale. Lors des trois précédentes, tu as systématiquement marqué. C’est quoi ton secret pour briller dans les grands matches?

REFAELOV : Dès qu’on commence à taper dans un ballon, quand on est tout petit, c’est ce genre de match qu’on rêve de jouer, avec 40 ou 50.000 personnes dans les tribunes. Avant le coup d’envoi, tu sens vraiment la tension qu’il y a dans l’air. Ce que j’essaie de faire, et qui me rend peut-être différent, c’est tout simplement de ne pas changer ma routine. Si tu te laisses submerger par les émotions que génèrent le match, ça peut te geler les jambes. C’est un vrai travail mental de rester calme dans ces circonstances, de tout faire le plus normalement possible. Et c’est la clé, parce que les émotions vont te prendre de l’énergie. Parfois, tu as tellement envie d’être bon que ça peut être contre-productif, te mettre dans la merde pour le match. Ce n’est pas une question de volonté. Au contraire, c’est peut-être même parce que tu en veux trop. Dans ces moments-là, tu dois te focaliser sur ta routine. Avec l’expérience, c’est plus facile.

Ma mission, c’est d’incarner mais aussi de transmettre les idées de Vinnie.  » LIOR REFAELOV

Ton expérience, on en a beaucoup parlé quand on a annoncé ta signature à Anderlecht. Par moments, on avait presque l’impression que les gens oubliaient que tu venais avant tout pour jouer.

REFAELOV : Je suis venu ici pour avoir un rôle important dans le vestiaire, mais aussi un rôle important sur le terrain. Ma mission, c’est non seulement d’incarner mais aussi de transmettre les idées de Vinnie aux autres.

Tu es devenu plus important dans le vestiaire que dans tes clubs précédents?

REFAELOV : ( Il réfléchit) Je pense que ça fait environ cinq ans que j’ai un rôle plus ou moins semblable dans tous mes vestiaires. Déjà dans le vestiaire de l’Antwerp, je faisais partie des personnalités les plus présentes avec des gars comme Faris Haroun ou Ritchie De Laet. Ici, c’est pareil avec Hendrik Van Crombrugge, Wesley Hoedt, Josh Cullen aussi. On essaie de diriger l’équipe dans une bonne direction, et d’être un bon relais entre les messages du staff et le reste du vestiaire. Il faut essayer de ne pas laisser de place au doute, aux egos… On sait que tout le monde pense avant tout à lui, que tout le monde veut réussir, mais notre mission c’est de mettre dans la tête de chacun que la priorité de tous, ça doit être notre succès collectif.

Lior Refaelov:
Lior Refaelov: « Juste avant que je signe, Vincent m’a dit: Tu vas voir, ce sera la saison la plus efficace de ta carrière. »© KOEN BAUTERS

Tu es quel genre de leader? Plutôt celui qui hausse le ton, ou le patron tranquille qui calme tout le monde?

REFAELOV : Ça dépend qui tu as en face de toi. Les plus jeunes, ça ne sert à rien de leur crier dessus en les prenant de haut. Avec eux, j’essaie de parler de façon plus calme, souvent en face-à-face, en essayant de chercher la meilleure façon de les toucher. Quand on n’est pas d’accord avec un autre joueur plus expérimenté, par contre, il est possible que le volume monte un peu plus haut ( il rit). Donc, ça dépend vraiment de qui est en face de toi et du message que tu veux faire passer.

Tu aimes cette sensation d’être aussi important hors du terrain?

REFAELOV : Je pense que ça fait partie de moi. Je crois pouvoir dire que je comprends un peu le football ( il sourit), et j’essaie surtout d’aider les joueurs autour de moi à devenir meilleurs.

« Je suis devenu très strict au niveau de l’hygiène de vie »

Tu leur parles de ton hygiène de vie? Parce que même à 35 ans, tu restes toujours très performant sur le terrain.

REFAELOV : Ces cinq dernières années, je me suis vraiment focalisé sur trois choses importantes: la façon dont je dors, la façon dont je mange et la façon dont je m’entraîne. Je suis très sérieux par rapport à ça, et je pense que c’est ce qui m’aide à rester si performant. J’essaie de mettre toutes les chances de mon côté.

Qu’est-ce qui a changé il y a cinq ans? Tu as eu un déclic en passant dans la trentaine?

REFAELOV : Quelque chose comme ça. Ce n’est pas comme si avant, je sortais tous les soirs hein ( il sourit). J’ai toujours eu une bonne hygiène de vie mais depuis cinq ans, je suis devenu vraiment strict à ce sujet. J’ai été beaucoup plus précis sur la gestion de chaque aspect. Le football en général va dans cette direction, donc il faut la suivre.

Quand tu es arrivé à l’Antwerp, ça n’allait pas vraiment dans cette direction de grande discipline collective sur tous ces aspects…

REFAELOV : À l’Antwerp, particulièrement avec Bölöni, on avait une équipe beaucoup plus âgée. Je pense que notre âge moyen était autour de trente ans. À partir de là, Bölöni nous donnait beaucoup de liberté pour choisir ce qu’on voulait faire pour préparer au mieux le match du week-end. Après, quand Ivan Leko est arrivé, ce n’était plus pareil. Il aime tout contrôler, donc la discipline est devenue beaucoup plus stricte. Ici, avec Vinnie, c’est un peu une combinaison des deux: il aime contrôler toutes les données des entraînements, nos pourcentages de masse graisseuse, mais il est aussi capable de nous laisser une certaine liberté. Chacun d’entre nous est traité de façon différente par rapport à la charge d’entraînement, par exemple.

Tu rêves quand même parfois d’un nouveau but en finale de Coupe de Belgique, ou bien ça perturberait trop ton sommeil?

REFAELOV : C’est notre grand objectif maintenant. Et franchement, même si on gagne le trophée sur un auto-but, pas de problème pour moi ( il rit). Je serai extrêmement fier.

Finale 2015: Bruges - Anderlecht
Finale 2015: Bruges – Anderlecht© BELGAIMAGE

Le roi de la coupe

Face aux Gantois, Lior Refaelov disputera sa quatrième finale de Coupe de Belgique. Un rendez-vous qu’il n’a jamais vécu dans l’anonymat, puisque ses trois premières apparitions à ce stade de la compétition se sont systématiquement conclues avec un but au compteur. Flash-back.

Finale 2016: Bruges - Standard
Finale 2016: Bruges – Standard© BELGAIMAGE

Finale 2015: Bruges – Anderlecht

Le stade Roi Baudouin accueille un Topper surchauffé. Dans tous les bons coups, le maestro israélien du Club dépose l’ouverture du score sur le pied droit de Tom De Sutter, puis croit s’offrir une deuxième passe décisive en mettant sur orbite un José Izquierdo finalement signalé hors-jeu. L’égalisation d’ Aleksandar Mitrovic a des airs de prolongations, avant que Lior ne dégaine une volée du pied gauche hors de portée de Silvio Proto et synonyme de sacre brugeois.

Finale 2016: Bruges – Standard

Un an après, les Brugeois se mettent à rêver de doublé quand Refaelov, encore lui, répond à l’ouverture du score liégeoise de Jean-Luc Dompé. L’Israélien envoie une merveille de coup franc dans le coin du but de Víctor Valdés, mais le dernier mot reviendra finalement à Ivan Santini au bout d’une dernière demi-heure disputée en infériorité numérique par le Club suite à l’exclusion d’ Abdoulay Diaby.

Finale 2020: Antwerp - Bruges
Finale 2020: Antwerp – Bruges© BELGAIMAGE

Finale 2020: Antwerp – Bruges

La finition mêle jusqu’au-boutisme et désespoir. Il faut dire qu’on ne donnait pas cher des chances de l’Antwerp lors de cette finale particulière, disputée dans un stade Roi Baudouin à huis clos le 1er août, pour la reprise du football après des mois de pandémie. Privé de ses recrues et des joueurs dont le contrat s’est conclu le 30 juin, Ivan Leko bâtit tant bien que mal une équipe compétitive, et peut compter sur un tacle rageur de Refaelov pour pousser un ballon de Simen Juklerød au fond des filets et inscrire l’unique but d’un titre aux airs de surprise majuscule.

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