RENAÎTRE avec Defour

Si l’explorateur du jeu liégeois est au top d’une popularité sans faille, ce n’est pas le fruit du hasard.

Sans son capitaine Steven Defour, indispensable explorateur du jeu liégeois, le Standard n’est pas le même. Blessé au pied en début de saison, face au FC Malinois, il a cruellement manqué aux siens lors des grandes batailles de la Ligue des Champions. Son apport aurait peut-être permis aux Principautaires d’arracher la deuxième place de leur poule. L’absence du petit stratège se fit encore plus ressentir en championnat quand il fallait recharger la locomotive jusqu’à la gueule entre deux gares européennes…

Sans lui, la ligne médiane tanguait et le reste se désintégra petit à petit avec un bastion défensif mal protégé, une division offensive de plus en plus isolée, un jeu trop bas, etc. Defour fait bel et bien partie de la race des Rouches devenus des  » indispensables  » à leur époque car son impact dépasse largement le cadre du terrain ou des vestiaires. Il jouit d’un prestige considérable auprès des supporters et de la direction. Au c£ur de la tempête, Defour était le chaînon manquant à… 21 ans à peine.

 » Axel est plus tranquille avec Defour derrière lui « 

 » Oui, c’est remarquable mais l’âge n’explique rien « , avance Jean Thissen qui a connu quelques caractères bien trempés au sein d’une génération qui a conquis trois écussons nationaux (1969, 70 et 71).  » A mon avis, Steven a toujours été un leader. C’est un don qu’on a ou pas. Il a assis tranquillement son style, sa façon de voir les choses en partant du terrain. C’est là, d’abord, qu’il a montré l’exemple avant d’acquérir une légitimité plus globale ne pouvant être mise en doute. Au Standard, on apprécie les joueurs qui vont au charbon. Il ne calcule pas et travaille d’abord pour les autres. Sa seule présence permet comme par enchantement au Standard de mieux jouer. Dès son retour, il y a eu un effet direct : la ligne médiane a retrouvé une partie de son lustre. Avec lui dans son dos, Axel Witsel peut jouer plus haut, s’infiltrer entre les lignes adverses, être plus près des attaquants et même marquer. Ce n’est quand même pas un hasard si Witsel reprend son envol au moment où Defour retrouve enfin sa place sur la pelouse. Axel est plus tranquille avec Defour derrière lui. Quand Axel décroche trop bas, il doit accomplir des tâches défensives qui ne lui conviennent pas. Ainsi, Witsel n’est pas un récupérateur ou un pare-chocs. Il ne sait pas tackler. Ce n’est pas son truc. Quand il le fait, il le fait mal et au mauvais endroit.

Mais je patienterais encore un peu avant de comparer Defour à Wilfried Van Moer. A mon avis, Kitchie et Paul Van Himst sont les deux meilleurs joueurs de l’histoire du football belge. Ils ont été des valeurs indiscutables du football européen. Defour n’arrive pas encore au niveau de Van Moer mais il n’a que 21 ans. Van Moer était à son top à 24 ou 25 ans. A 20 ou 21 ans, je ne sais pas si Van Moer affichait déjà le même potentiel. La force de travail est peut-être identique mais Van Moer y ajoutait un apport offensif très important. Et, de plus, le championnat de Belgique ne constitue plus une référence l’échelle européenne. Mais je comprends et je partage l’estime des gens pour Defour. Le capitaine du Standard peut devenir un joueur exceptionnel par son abattage, ses frappes sur balles arrêtées, son charisme, ses décisions justes au bon moment. Il devra perfectionner le reste : jouer plus haut, percuter plus souvent.  »

 » Il a tout de suite compris comment respirait ce club « 

 » Defour prend évidemment de la place dans le vestiaire. Au début de son règne, il a dû composer avec de fortes personnalités comme Sergio Conceiçao, Oguchi Onyewu, Igor de Camargo, moi-même… « , dit Milan Jovanovic.  » Il fallait oser confier le brassard de capitaine à un aussi jeune élément. On a vite compris que c’était une grande idée. Michel Preud’homme a voulu marquer un changement d’époque. Le Standard avait opté pour un profond rajeunissement des cadres après Conceiçao et il était primordial de responsabiliser la nouvelle vague. Preud’homme fit un choix gagnant. Mentalement, c’était un beau coup car tout le monde était gagnant : le club, le joueur et l’effectif. Le Standard a investi sa confiance en lui et Defour a largement justifié tout cela. Cela l’a renforcé dans son importance et dans son développement. J’ignore s’il se serait révélé à ce point à Genk. Je ne crois pas car personne ne l’aurait bombardé capitaine à son âge. Or, c’était bien ce qu’il fallait faire quand on voit le chemin qu’il a parcouru. Il a mûri à grande vitesse.

Intelligent, il a tout de suite compris comment vivait et respirait ce club. Je ne reviendrai pas sur ce qu’il représente sur le terrain. Il ne lâche jamais rien. Quand quelqu’un craque, il est le premier à se porter à son secours. Au joueur s’ajoute un homme positif qui s’entend bien avec tout le monde. Polyglotte, Steven est le lien idéal entre les francophones, les néerlandophones, ceux qui parlent anglais, etc. Il est à l’aise avec tout le monde. Sa force de travail lui permettra d’atteindre les sommets. Ce n’est pas pour rien que son nom a été cité au Real Madrid ou à Manchester United. Zinédine Zidane lui a quand même remis son Soulier d’Or… Et je suppose qu’ Alex Ferguson n’envoie pas un mot d’encouragement à un joueur qui ne l’intéresse pas. Steven mérite ces attentions. A ce niveau-là, on ne trompe personne ; on ne lance pas de fleurs si cela ne se justifie pas. En Belgique, les gens sont parfois sceptiques alors que les atouts de Defour sautent aux yeux. Il a son style propre en tant que capitaine. C’est un rassembleur. Quand il a quelque chose à dire, il le dit. Steven ne doit pas crier, c’est naturel. J’aime discuter avec lui car tout est très sensé. C’est enrichissant. J’ai été sidéré par son courage lors de sa blessure et de sa longue absence. La presse évoqua même la possibilité d’une fin de carrière, c’est tout dire…

Il s’est battu et a tout donné pour rejouer en janvier. Je l’ai vu travailler : c’était impressionnant. Defour est un très grand professionnel. Il vit pour son métier et se réalise dans le football. Son retour est décisif mais on ne peut pas tout cacher ou expliquer par le seul Defour. Même s’il est solide et important, on ne peut pas lui imposer de porter tout le poids d’une équipe. C’est trop lourd, inhumain. Steven nous aide, à nous de le soutenir. Un de ses secrets, c’est sa disponibilité sur le terrain. Defour ne se cache pas. Il est là, se montre et tout semble plus clair, plus ordonné, plus limpide. Il suscite vraiment le respect. « 

 » On peut affronter des orages avec lui « 

Manu Ferrera a fréquenté Defour au quotidien durant près de deux saisons et a donc vu grandir le capitaine du Standard sous Michel Preud’homme :  » Sa maturité exceptionnelle pour un jeune m’a épaté plus d’une fois. Et quand on fait preuve d’une telle justesse de raisonnement dans des problèmes bien précis sur le terrain, cela se retrouve en dehors. Après son transfert au Standard, Defour a été menacé, inquiété, insulté, etc. Mais il est resté calme alors que cela chauffait fameusement autour de lui. On peut affronter des orages avec lui. Et ce fut le cas à l’occasion de son premier retour à Genk. Tout le stade l’attendait. Il a eu droit à des bordées de coups de sifflets. Pourtant, il s’acquitta assez calmement de sa tâche. Ce jour-là, tout le monde a compris que Steven avait l’étoffe d’un leader. Le caractère d’un meneur d’hommes. On nous avait dit que c’était déjà le cas en équipes de jeunes à Genk mais, là, il le prouvait en D1. Defour a été transféré dans un gros fracas médiatique. Il était attendu comme le Messie au Standard. Quand Preud’homme a pris la succession de Johan Boskamp, Steven n’était pas titulaire à part entière. On l’oublie mais il s’installa plus d’une fois sur le banc des réservistes (NDLA – trois fois). A sa place, d’autres auraient pété un câble. Pas Steven.

Il ne lui reste plus qu’à réussir un dernier examen : l’équipe nationale. Ce sera décisif pour la suite. Defour a prouvé pas mal de choses en D1. C’est bien, mais il faut posséder d’autres cartes de visite pour le top niveau européen. Les clubs belges ne peuvent plus que rêver d’un très long parcours en Ligue des Champions. Notre D1 attire de moins en moins les regards. Dans ce contexte, si Jovanovic est devenu un nom sur la scène internationale, c’est aussi, et peut-être surtout, grâce à son équipe nationale qui s’est qualifiée pour la Coupe du Monde. Sans la Serbie, Jova n’aurait probablement pas suscité l’intérêt de grands clubs italiens et anglais. Pour en arriver là, Defour ne peut pas se contenter de la D1 et de quelques bons matches européens. Or, pour le moment, il est barré en équipe nationale. Il a parfois été décalé sur la droite mais cela ne lui convient pas. Le Standardman devra arracher sa place dans l’axe. Ce serait sa plus belle campagne de promotion auprès des clubs qui s’intéresseront à lui. Sans cela, ce sera plus dur.  »

 » Pas le plus grand, le plus beau ou le plus fort mais le plus indispensable « 

Pour les supporters, Defour est intouchable. Pour fêter son retour, ils lui ont réservé des ovations réservées aux plus grands de l’histoire du club.

Jérôme (du PHK) témoigne :  » C’est un gars simple, proche des supporters pour lesquelles la vie n’est pas facile. Il faut bosser dur pour nouer les deux bouts. Steven en fait autant sur le terrain. Nous tenons avec lui l’héritier de ces joueurs qui ont transformé Sclessin en enfer. Nos parents aimaient venir ici pour cette ambiance. Mais pour entretenir la légende et le feu de Sclessin, nous avons besoin de joueurs comme Steven. Avec lui, rien n’est jamais terminé avant le coup de sifflet final. Il réveille sans cesse l’équipe, pousse tout le monde. Defour est aussi disponible et accepte le dialogue avec les supporters. Il s’identifie totalement au Standard. Il n’y a pas beaucoup de cas comme lui en D1.  »

Président des Reds Champions, Alain Dassy partage le même point de vue :  » Nos membres ne jurent que par Defour. Il n’est pas le plus grand, le plus beau ou le plus fort. Mais il est le plus indispensable. C’est le stabilisateur de notre équipe. Jova est le plus populaire chez nous. On voit pas mal de vareuses frappées à son nom. Mais même les fanas de Jova soulignent que le plus important, c’est Defour. Il faut être aveugle pour ne pas voir que Witsel est transfiguré depuis son retour. Et Wilfried Dalmat, qui était à la rue, a retrouvé ses jambes de sprinter parce que Defour a l’art de le servir en profondeur. Chez nous, tout le monde a ses explications en ce qui concerne les problèmes du Standard : le départ d’Onyewu et la blessure de Defour. On s’est interrogé quand il a été nommé capitaine. Il a succédé à Conceiçao qui était un meilleur joueur que lui, plus complet probablement. Mais le Portugais était un caractériel qui pensait d’abord à lui quand cela chauffait. Defour est plus humain, plus sensible, plus compréhensif, plus ouvert au dialogue.

C’est finalement le style Defour qui a été le plus performant. Il est le chaînon indispensable. Sans lui, le Standard a besoin de chance pour gagner mais, avec lui, il faut de la malchance pour être battu. Pour nous, Defour est un capitaine extraordinaire. Sans lui, la remontée du Standard au classement général n’aurait pas été possible. Nous devinons que son pied le fait encore souffrir mais il se bat pour le Standard. D’autres auraient probablement reporté la date de leur retour. Ce petit bonhomme n’a pas tremblé face à ses responsabilités et c’est pour cela qu’il signera une grande carrière. Les supporters apprécient son sens du sacrifice, Pour nous, c’est un dieu. La cause est perdue cette saison, mais Defour nous a rendu l’espoir. Pour le titre, c’est probablement fini mais la troisième place offre un billet pour les poules de l’Europa League. Si on y arrive, ce sera en grande partie grâce à lui. « 

Ambassadeur et spécialiste en relations publiques…

La popularité de Defour s’explique aussi par sa disponibilité. Le nouveau directeur de la communication, Sacha Daout, découvre que les artistes du ballon rond sont encore plus courtisés par les médias que les hommes politiques. D’autant qu’il est aussi un rassembleur de communautés ? Daout :  » Tout à fait. Certains hommes politiques feraient bien de s’en inspirer. Steven est un Belge dans toute la noblesse du terme. Néerlandophone, il découvre les richesses de l’autre grande communauté.  »

Frédéric Leidgens, directeur commercial est sur la même longueur d’onde :  » Il m’est arrivé de lui demander de m’accompagner à des rencontres avec nos sponsors, etc. C’est un peu inhabituel pour les joueurs, mais Steven est curieux de tout et s’intéresse à ce que les gens font dans la vie. Les échanges sont riches et sympathiques. C’est un ambassadeur qui est à l’aise avec tout le monde. Je ne vois jamais que des sourires et de la bonne humeur autour de lui. Pour nous, Steven est un magnifique ambassadeur.  »

par pierre bilic – photos : reporters/ gouverneur

« Steven devra encore jouer plus haut, percuter plus souvent. (Jean Thissen) »

« Il ne lui reste plus qu’à réussir un dernier examen : l’équipe nationale. (Manu Ferrera) »

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