Remember BLONDEL

A Mouscron, tout le monde se demande déjà s’il est le nouveau Pieroni. Mais ce 9,5 (comme il se définit) a d’autres références.

Des craintes avaient surgi, dans la Cité des Hurlus, lors du départ de Georges Leekens et de l’exode annoncé de plusieurs joueurs majeurs. Mais les dirigeants frontaliers ne sont pas restés les bras croisés. Après l’engagement de Marc Schaessens, et avant d’autres arrivées probables, le jeune attaquant Patrick Dimbala (21 ans) a signé un contrat de trois ans. Voici quelques semaines, nous avions réalisé une petite enquête dans les divisions inférieures, afin découvrir qui serait le nouveau Luigi Pieroni. Aujourd’hui, du côté de Mouscron, on espère pouvoir placer un nom sur le point d’interrogation.

Alors, est-ce vous, le nouveau Luigi Pieroni ?

Patrick Dimbala : Je ne le pense pas. Luigi Pieroni est un véritable buteur. Ce n’est pas tout à fait mon cas. Je suis un attaquant et je marque souvent, mais je n’ai pas un sens du but aussi aiguisé que le futur avant-centre d’Auxerre. Vous ne m’entendrez jamais déclarer que je vise le titre de meilleur buteur du championnat la saison prochaine, ce serait complètement fou de ma part.

Le nouveau Mbo Mpenza, alors ?

Je m’en rapproche sans doute plus, en tout cas. Beaucoup de personnes me disent que j’ai un peu le même style. Je suis rapide, solide sur mes appuis. On verra, lorsque je serai intégré dans le jeu mouscronnois, comment cela se passera. A ce moment-là, il sera peut-être possible d’effectuer des comparaisons.

Que représente pour vous ce transfert à Mouscron ?

D’abord, une excellente nouvelle. C’est un club qui a joué les premiers rôles cette saison, puisqu’il a terminé dans le Top 5. Mais c’est surtout un club où les jeunes reçoivent une chance et ont l’occasion de progresser. Regardez Jonathan Blondel, voici deux ans, ou Luigi Pieroni cette saison. C’est un club sain et ambitieux. Sous le maillot des Hurlus, lorsqu’on affronte Beveren ou le Cercle Bruges, c’est pour gagner. Lorsqu’on affronte Anderlecht, ce n’est pas pour éviter de prendre un 5-0. Et puis, je travaillerai avec Philippe Saint-Jean, que j’ai bien connu lorsque j’étais en sélection. Sa présence fut déterminante dans mon choix, car je suis persuadé qu’il peut m’apporter beaucoup. Je travaillerai enfin sous la direction d’un coach qui me fera confiance à 100 %. Ce fut trop rarement le cas jusqu’à présent. Seul Manu Ferrera m’a soutenu à Alost. Avec Philippe Saint-Jean, je sais que je serai jugé sur mon talent et rien d’autre. La saison prochaine sera pour moi une saison de vérité : je veux couper les ponts avec le passé et tout recommencer à zéro.

 » On m’a toujours cherché des poux  »

Un coach qui vous fasse pleinement confiance, c’est ce qui vous a manqué jusqu’ici ?

Exactement. A Gand, j’ai d’abord travaillé sous la direction de Patrick Remy. Je ne peux pas dire qu’il n’avait pas confiance en moi, mais je me suis retrouvé dans une équipe qui jouait en 4-3-3 alors que je suis plus à l’aise en 4-4-2. Cela m’a bloqué. Lorsque je m’étais enfin habitué, Herman Vermeulen a pris le relais. J’ai de nouveau dû m’adapter à un autre système. Ensuite, ce fut Jan Olde Riekerink. Dès le premier jour, j’ai compris qu’il ne pouvait pas me voir en peinture. Il m’a sorti quantité d’excuses pour justifier ma mise à l’écart. Du style : – Tuesmeilleurquecelui, maisil aime plus sonmétier que toi ! Quelle hérésie ! En entendant cela, je devenais fou. J’étais présent tous les matins à l’entraînement et je me suis toujours donné à fond. Si j’avais invoqué une maladie imaginaire pour être dispensé des entraînements, j’aurais compris de tels propos, mais cela n’a jamais été le cas. Je ne pourrai jamais oublier toutes ses remarques. On m’a toujours cherché des poux à Gand. Mentalement, c’était lourd à supporter. Lorsque je rentrais à la maison, et que je voyais ma mère et ma copine, je ne savais pas quoi leur dire. J’ai côtoyé Alexandros Kaklamanos au stade Otten. Un très bon attaquant. J’avais envie de jouer avec lui, mais ce n’était pas possible parce que dans le système de jeu utilisé, il n’y avait qu’un seul avant de pointe, alimenté par deux ailiers. Jan Olde Riekerink a voulu m’expliquer que le Grec était le meilleur buteur et que, pour cette raison, il devait avoir la préférence. Il y avait toujours une bonne raison pour ne pas m’accorder une chance. Parfois, j’étais titularisé malgré tout, mais j’avais toujours l’impression qu’au moindre faux pas, je retournerais sur le banc. C’est difficile de se motiver dans ces conditions. Heureusement que j’avais l’équipe nationale pour me remonter le moral durant cette période-là. Gaby Mudingayi est passé par les mêmes tourments. Il avait été sélectionné en équipe nationale A, mais n’entrait pas dans les plans de Jan Olde Riekerink à Gand. Comment pouvez-vous expliquer cela ? Et après, le coach hollandais a encore eu le culot d’affirmer que, si Gaby était arrivé à ce niveau, c’était grâce à lui. N’exagérons pas, tout de même…

Ces six derniers mois, vous avez joué à Courtrai tout en étant toujours sous contrat avec Gand…

J’ai été prêté, en effet, pour la deuxième partie du championnat. Comment suis-je arrivé à Courtrai ? Cela aussi, c’est une longue histoire. Jan Olde Riekerink a quitté La Gantoise, mais j’avais épuisé tout mon crédit là-bas. Le public lui-même commençait à me siffler. J’étais condamné et il valait mieux que je change d’air. Zulte-Waregem fut le premier à se manifester. Je n’y étais pas opposé, mais Charleroi semblait aussi intéressé. Entre la D2 et la D1, mes préférences allaient clairement vers la D1. J’ai donc fait patienter Zulte-Waregem, et finalement, Charleroi a engagé… Victor Ikpeba. Les Zèbres cherchaient un buteur et je n’en suis pas vraiment un. Au bout du compte, alors que j’avais refusé la D2, je me suis retrouvé en… D3, à Courtrai. Je ne pensais pas descendre aussi bas, mais le principal, c’est que je m’y amuse bien. J’ai retrouvé Manu Ferrera, que j’avais appris à apprécier à Alost. Je me suis refait une santé, j’ai repris du plaisir à la pratique du football et au bout du compte, j’ai peut-être reculé pour… mieux sauter.

 » Je veux vivre comme un pro  »

Votre contrat avec Gand s’achève donc au 30 juin ?

Pas du tout, j’étais encore sous contrat pour deux saisons. L’Excelsior a donc dû trouver un arrangement. Lequel ? Je l’ignore, et à la limite, je ne veux pas le savoir. L’essentiel, c’est que je sois libéré. Je ne veux plus avoir affaire avec les gens de Gand. J’ai signé pour trois ans à Mouscron et je regarde désormais devant moi.

Devoir assurer la succession de Luigi Pieroni, et peut-être de Mbo Mpenza, ne vous effraie pas ?

Vous savez, si Luigi Pieroni n’avait pas été transféré, je ne serais peut-être pas allé à Mouscron. Donc, quelque part, je dois être heureux de pouvoir lui succéder. Philippe Saint-Jean a pensé à moi parce qu’il m’avait connu en équipe nationale. C’est donc un bon présage. On risque d’effectuer des comparaisons ? Cela ne me stresse pas. Lorsque Cédric Roussel a quitté Mons, les attaquants qui lui ont succédé ont dû essuyer des critiques. C’est ridicule. Un attaquant est tributaire de ses partenaires. Si l’équipe tourne, et qu’il reçoit de bons ballons, il y a de fortes chances qu’il puisse les propulser dans le but. Je ne songe pas à la succession de Luigi Pieroni. D’abord, je devrai me battre pour gagner mes galons de titulaire. Je compte mettre tous les atouts dans mon jeu. J’irai habiter à Mouscron, pour ne pas devoir me farcir tous les jours la route depuis Bruxelles, et m’éviter des fatigues inutiles. J’observerai les plages de repos indispensables et je vivrai comme un véritable professionnel.

Cela n’a pas toujours été le cas jusqu’ici ?

Sur le terrain, je me suis toujours donné à 100 %. Mais j’ai peut-être trop considéré le football comme un jeu, et je négligeais certains aspects importants, comme les étirements d’après entraînement. Lorsque la séance était terminée, j’étais toujours le premier à partir. Je suis décidé à modifier mon comportement.

Pas assez égoïste

Philippe Saint-Jean vous a interrogé sur votre envie de progresser…

Nous avons eu une longue discussion, en effet. Je lui ai répondu que j’avais faim. Très faim. En équipe nationale Espoirs, j’ai côtoyé des joueurs qui, aujourd’hui, sont des valeurs sûres de D1. Certains sont même devenus internationaux A. Je les envie. Regardez Thomas Buffel : j’ai joué avec lui, lors de mon premier match avec l’équipe nationale Espoirs, que nous avons gagné 3-1 contre la Bulgarie, au stade Arc-en-ciel de Waregem. Regardez Grégory Dufer, aussi. Je suis très content de ce qui lui arrive. Il le mérite. Mais, lorsque je vois où il est arrivé, alors que moi-même je dispute actuellement le tour final de D3, je me dis que j’ai un sacré retard à combler.

Avez-vous tendance à être trop vite satisfait après un bon match ?

Satisfait, non. Je sais que je n’ai pas livré des prestations à la mesure de mon talent. En deux années à Gand, je n’ai peut-être livré qu’un seul bon match : contre Genk, la saison dernière. On avait gagné 2-0 et j’avais explosé. Alexandros Kaklamanos était suspendu. En son absence, j’avais saisi ma chance. Le problème, c’est que ce match était le dernier du premier tour. Après, il y a eu la trêve hivernale : plusieurs semaines d’interruption, et lorsque la compétition a repris, j’étais malade. Je n’ai plus joué pendant quatre mois et je suis seulement revenu dans l’équipe pour les trois derniers matches de championnat. Certains entraîneurs ne m’ont pas fait confiance, mais la chance n’a pas toujours été à mes côtés non plus.

Selon Manu Ferrera, outre des qualités de buteur, vous avez aussi de grandes qualités de passeur…

On m’a souvent reproché d’être trop altruiste. A maintes reprises, je me suis déjà fait engueuler par l’entraîneur parce qu’arrivé en position de tir, j’avais cédé le ballon à un partenaire qui a… loupé la cible. Je dois apprendre à devenir plus égoïste. Mais c’est mon caractère : si je fais marquer un partenaire, je suis aussi heureux que si j’avais marqué moi-même. Je ne suis pas un n°10. Plutôt un n°9,5. J’adore avoir le ballon au pied et dribbler. J’incite souvent mes partenaires à s’appuyer sur moi, pour des une-deux par exemple. J’aime avoir un autre attaquant à mes côtés : si l’on se comprend bien, l’un part à gauche et l’autre à droite, c’est très déroutant pour les défenseurs adverses. Si je joue seul en pointe, toute l’attention se focalise sur moi, et c’est plus difficile.

A 22 ans en septembre, c’est un nouveau départ que vous prenez ?

Exactement. En deux années à Gand, je n’ai pas connu beaucoup de joies. Je ne dirai pas que ce furent deux années perdues, car j’ai beaucoup travaillé et j’ai progressé. Traverser une période difficile, cela peut se révéler utile. Mentalement, je suis beaucoup plus fort que par le passé. C’est dans des conditions difficiles qu’on se forge le caractère. Je peux comparer cela à l’expérience qu’a vécue Jonathan Blondel à Tottenham. Tout le monde disait qu’il avait perdu son temps là-bas, mais lorsqu’il est revenu à Bruges, on l’a découvert transformé. J’espère que ce sera mon cas également.

Daniel Devos

 » Lorsque je vois où en est Dufer, je me dis que j’ai un SéRIEUX RETARD à COMBLER « 

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