J’émerge à peine de la trêve des confiseurs durant laquelle je n’ai guère footballé dans ma tête, ni confisé d’ailleurs. Aussi ai-je un certain mal à renouer via cette chronique avec le monde du sport,… c’est finalement Laurent Voulzy qui me fournit le biais ! En cherchant quoi vous blablater, j’écoute distraitement Septième vague, son dernier album où il reprend une douzaine de chansons créées jadis par d’autres. Et ça m’afflige ! D’ordinaire, les rengaines du doux crollé à lunettes ne provoquent pas mon affliction : mais son interprétation du Light my fire des Doors me donne à songer à un Jim Morrison qui se serait dopé aux sucres d’orge jusqu’à l’overdose.

J’essaie alors de me convaincre qu’il est question de cyclisme quand Voulzy chante A bicyclette, mais en vain : si le Lolo ado pédalait comme il bêle, ses chances étaient nulles de draguer victorieusement Paulette, alors qu’il était en compète avec des gars dotés de l’organe d’ Yves Montand ! Puis, je cherche à me consoler en écoutant la reprise du Santiano d’ Hugues Aufray, mais c’est pire encore : j’espérais retrouver le rythme d’enfer, l’esprit d’équipe, un collectif de mecs solidaires souquant comme des bêtes pour gagner une transat,… c’est comme si je tombais sur une ribambelle de mousses mous, efféminés, absolument incapables de hisser haut quoi que ce soit !

Finalement, seule La Madrague me botte plutôt, je découvre un joli texte que je n’avais jamais écouté attentivement durant l’ère Bardot : mais qui me donne surtout l’envie de réentendre la version originelle, plaisamment lascive, de BB. la mythique ! Et c’est à ce moment précis que ma pensée, loufoque peut-être, recolle au ballon rond : je me dis que ce serait chouette si, en foot comme en musique, nous pouvions parfois disposer d’une version nouvelle d’une £uvre ancienne !

Par exemple, on déciderait de jouer une nouvelle fois (dans tous les sens du mot jouer), avec des interprètes contemporains, la finale RFA-Hollande du Mondial 1974 ! On reprendrait les ballons, les godasses, les lois du jeu et les costumes d’époque. On adopterait les mêmes dispositifs, les mêmes stratégies sur balle arrêtée. Et surtout, surtout, grâce aux ordinateurs et tout et tout, on sélectionnerait les 22 acteurs d’aujourd’hui d’après des critères hyper pointus : selon les similitudes individuelles (techniques d’abord, morphologiques si possible…) qu’ils présenteraient avec leurs 22 homologues de voici 30 ans. Chose indispensable, on leur ferait ensuite visionner des tas de cassettes pour qu’ils s’imprègnent du rôle, puis ils s’y entraîneraient comme des forçats : évidemment payés grassement, sans quoi on ne débaucherait que des sous-fifres… J’ignore encore si ça ferait marrer les plus jeunes, ou si ça leur donnerait une vague idée de ce que fut la finale 1974. Mais je sais déjà que ça permettrait aux plus vieux de mon âge, délicieusement, d’y aller à fond dans la nostalgie : en décrétant systématiquement que la copie ne vaut pas l’original, que le clone ne vaut pas le créateur du rôle ? Comparaison n’est pas raison…

Et que pourrait donner le casting de pareille superproduction ? Je ne suis pas un compioutère, mais je verrais bien Vincent Kompany dans le rôle de Franz Beckenbauer, voire Walter Baseggio dans celui de Wim van Haneghem. Philipp Lahm collerait parfaitement au profil de Paul Breitner, Torsten Frings à celui de Rainer Bonhof. J’imagine assez Dirk Kuyt incarner son compatriote Johnny Rep. Par contre Jaap Stam, qui n’est pas sans rappeler Georg Schwarzenbeck, évoluerait dans le camp allemand ! Avec sa gauche patte facile, le Japonais du Celtic Shunsuke Nakamura ferait un Wolfgang Overath tout à fait crédible. A condition de s’allonger les tifs, Willy Sagnol serait assez proche de Wim Suurbier. Et ainsi de suite.

Mais je n’ai pas personnellement réponse à tout de but en blanc : j’ai beau me torturer les méninges, je n’ai toujours pas trouvé de copies qui m’agréent, fussent-elles pâles, pour Gerd Müller, Robbie Rensenbrink ou Johan Cruijff ! L’ordinateur fera ça mieux que moi et vos suggestions sont les bienvenues… quoique les vrais bijoux soient rigoureusement inimitables. Faudra le rappeler à Voulzy.

par Bernard Jeunejean

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