RELIGION JAUNE

Il a été le confident de Lance Armstrong avant de se faire lâcher en 2005 : quelle revanche.

Le Tour survit à tout. A Strasbourg, c’est la panique : exit Ivan Basso, Jan Ullrich, Paco Mancebo, qui figurent trop clairement dans les calepins du docteur espagnol Eufemanio Fuentes. Pas non plus d’ AlexandreVinokourov, qui ne peut prendre le départ car la plupart de ses coéquipiers de l’équipe Astana sont aussi exclus. Plus tard, trois de ces coureurs seront finalement disculpés, ce qui causera un énorme scandale. Comment en est-on arrivé à devoir se passer d’un coureur aussi sympathique et combatif, alors qu’il est complètement innocent ? Trois semaines plus tard, on peut dire que les observateurs se sont lourdement trompés.

Pourtant, la première semaine n’est pas folichonne. Six étapes présentent le même schéma : une échappée qui prend cinq ou six minutes, reprise par les équipes des routiers sprinteurs. Les étapes pyrénéennes ne paraissent pas assez costaudes pour creuser des écarts significatifs. Les favoris le savent et adoptent une attitude attentiste. Menchov, Landis et Leipheimer semblent les plus forts, avec un avantage minime sur Evans et Sastre.

L’étape vers Montélimar aurait pu être décisive. De manière incompréhensible, Landis constate que son équipe Phonak ne peut pas contenir les blocs de CSC et de T-Mobile et semble offrir son maillot jaune sur un plateau : une échappée avec Oscar Perreiro Sio prend presque une demi-heure sur le peloton. L’Espagnol n’est pourtant pas le premier venu, 10e du Tour en 2004 et 2005 et bon grimpeur. Mais si Landis sait qu’il tente le coup de poker, ses concurrents de chez CSC et T-Mobile se mordront les doigts d’avoir laissé filer Perreiro. Le plan de Phonak semble lui réussir et on croit assister à une victoire prématurée de Landis lors de la montée à l’Alpe d’Huez, suite à laquelle il reprend le maillot jaune. Tout le monde semble s’accommoder de la domination de l’Américain, 30 ans, ancien équipier et ami de Lance Armstrong. Mais le mercredi l’incroyable se produit : un coup de fringale touche de plein fouet Landis, qui n’avance littéralement plus sur la route de La Toussuire. Lâché par ses concurrents, dont Perreiro et Sastre, on se demande comment il va se remettre de tant d’efforts. Le lendemain, il donne une leçon de bravoure au monde entier et démarre dès la première ascension pour avaler les cols et grignoter son retard. Dans le dernier contre-la-montre, Landis parachèvera le travail face à des adversaires beaucoup moins doués que lui dans ce genre d’exercice.

La victoire d’un Mennonite

Ce n’est pas un hasard de voir Landis sacré sur les Champs-Elysées. Des victoires à Paris-Nice, au Tour de Géorgie et au Tour de Californie étaient des signes avant-coureurs pour celui qui a grandi dans une famille de Mennonites. Des religieux qui refusent toute influence moderne : pas de télé, pas de radio, pas de contact avec le monde extérieur, etc. Pour réaliser son rêve, il a dû fuir cette vie contre le gré de ses parents. Il commence par le mountain bike et brise les liens familiaux : pas le choix s’il veut devenir professionnel.

Du VTT, il passe à la course sur route, où il débute dans l’équipe Mercury. Une troisième place au Tour de l’Avenir et une victoire finale au Tour de Poitou-Charentes ponctuent des débuts prometteurs. Mais lorsque l’équipe fait faillite en 2001, il doit presque aller mendier une place auprès de US Postal. Il devient l’une des rampes de lancement de LanceArmstrong lors de trois victoires au Tour, devient aussi son compagnon d’entraînement et confident. Jusqu’en 2005, lorsque Armstrong le laisse tomber : il signe alors un lucratif contrat chez Phonak. Il a été tellement déçu qu’il a refusé une proposition de Johan Bruyneel l’invitant à revenir chez Discovery Channel.

Et dire que depuis quelques années, il souffre d’ostéonécrose, une maladie rare qui empêche la tête du fémur d’être alimentée en sang. En d’autres termes, le joint se meurt. Mais que Floyd se rassure, d’ici quelques semaines on lui greffera une nouvelle hanche. Quelques semaines après nous avoir offert l’une des plus belles pages du Tour.

JEF VAN BAELEN ET PHILIPPE ETIENNE

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