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 » Récupérer un ballon, c’est jouissif « 

Il est la force tranquille du Real Madrid mais ses équipiers vous le diront : s’il y a un joueur indispensable dans l’équipe, c’est Casemiro.

Vous ne le verrez pas souvent passer trois hommes ou adresser une passe millimétrée à travers la défense adverse. Ce n’est pas un grand technicien ni un buteur exceptionnel. Pourtant, il est sur le terrain chaque semaine et semble être l’un des rares joueurs indispensables de cette équipe composée de super stars. Les seules fois où on le remarque, c’est quand il ne joue pas.

Ses équipiers du Real Madrid l’apprécient énormément. Pour ce qu’il est comme pour ses capacités. Luka Modric et Toni Kroos sont bien meilleurs que lui mais sans sa présence dans l’entrejeu, le trio ne serait pas complet. Dans la tête de Zinédine Zidane, c’est Casemiro plus deux autres. Aucun autre calcul ne tiendrait autant la route. Comme l’a écrit un journal espagnol : Casemiro, c’est le gilet de sauvetage du Real Madrid.

Massimiliano Allegri l’avait confirmé à quelques jours de la finale de la Ligue des Champions à Cardiff. Lorsqu’on lui avait demandé d’où venait le danger, dans l’équipe du Real Madrid, le coach italien de la Juventus avait surpris tout le monde en répondant :  » Les gens parlent d’Isco et de Bale, mais pour moi, le joueur le plus important de cette équipe, c’est Casemiro. Sans lui, les autres ne pourraient pas jouer de la même façon. Ce n’est pas le plus doué mais sa présence est essentielle. Casemiro confère à l’équipe un équilibre que personne d’autre ne pourrait lui apporter.  »

Un an plus tôt, à Milan, Diego Simeone avait affirmé à peu près la même chose lorsque le Real et l’Atlético s’étaient affrontés à San Siro.  » Ce que Zidane a réussi à faire est formidable « , avait affirmé l’Argentin.  » Il a fait confiance à Casemiro et cela a changé l’équipe. C’est le joueur le plus important pour l’équilibre de la formation. Il fait en sorte que celle-ci reste en position en perte de balle tout en conservant son potentiel offensif.  »

Sa force consiste à annihiler le danger avant même que celui-ci se présente. A anticiper. A interrompre une contre-attaque avant qu’il ne soit trop tard. En s’interposant intelligemment devant son adversaire, en taclant au moment opportun ou en commettant une faute. Il attire l’attention et intervient. Résolument, sans se préoccuper de la réputation de son adversaire. Son pied droit est son outil de travail, il ratisse le terrain, dépossède plus souvent qu’à son tour l’opposant du ballon. Grâce à lui, une bonne équipe est devenue pratiquement invincible.

Le tank face à la MSN

Le football, c’est la créativité mais, comme au théâtre, il faut quelqu’un qui, en coulisse, fasse fonctionner l’éclairage. Si on s’en tient aux statistiques pures, les assists par exemple, le nom de Casemiro apparaît rarement. La saison dernière, en Primera División, il en a délivré un. Mais si on fait un retour sur image et qu’on va suffisamment loin, on le voit. C’est au moment de la transition entre la possession de balle et la perte de balle que son rôle est crucial.

Il a lancé de nombreuses offensives de son équipe en interrompant des attaques de l’équipe adverse. En sprintant, en glissant, en contrant, en jouant de la tête, en bousculant ou en tirant le maillot pour donner aussitôt le ballon à un équipier.  » Je ne suis pas un magicien comme Isco ou un buteur comme Cristiano « , dit-il dans une interview accordée à El País.

 » Je travaille dur. Et si je suis dans le onze de base c’est que, quelque part, l’entraîneur estime que je suis important. Je connais mes capacités. J’aime marquer et délivrer des assists mais pour moi, ce qu’il y a de plus beau, c’est piquer le ballon à l’adversaire et le passer à un équipier. Ça me rend heureux. Pour moi, récupérer un ballon, c’est comme marquer un but.  »

Au lendemain du clásico du 2 avril 2016, Casemiro affichait un grand sourire en Une du quotidien sportif madrilène Marca. Le Real Madrid s’était imposé 1-2 au Camp Nou et on ne parlait que du travail de sape d’El Tanque. Un tank qui avait écrasé la MSN de Barcelone, comme l’illustraient trois photos du match. Sur la première, il contrait un envoi de Luis Suárez ; sur la deuxième, il prenait le ballon à Neymar, qu’il avait approché à la manière d’un serpent ; et sur la troisième, il mettait fin à un dribble de LionelMessi.

Battu 0-4 à l’Estadio Santiago Bernabéu lors du match aller, le Real s’était donc cette fois imposé 1-2. La différence entre les deux matches ? Casemiro. Contrairement à Zidane, Rafael Benítez avait entamé le match avec Kroos, Modric et James Rodríguez.

De Makélélé à Casé

Zinédine Zidane connaît mieux que personne l’importance d’un pare-chocs devant la défense. A sa grande époque, il pouvait compter sur Claude Makélélé dans son dos. En 2003, lorsque le médian fut vendu à Chelsea, il eut cette phrase qui en disait long :  » Pourquoi mettre une nouvelle couche d’or sur une Bentley quand on n’a plus de moteur ?  »

Cela fait longtemps que le rôle d’un Makélélé est important en football. Au Real Madrid, après le départ du Français, un seul médian défensif s’est réellement imposé : Xabi Alonso. Au cours des quinze dernières années, le club espagnol a acheté des joueurs comme Thomas Gravesen, Nuri Sahin, Emerson, Esteban Cambiasso, Pablo García, Lassana Diarra, Mahamoud Diarra et Asier Illarramendi, pour n’en citer que quelques uns : aucun d’entre eux n’a été ou ne s’est senti apprécié. Comme Makélélé à l’époque, Casemiro est à présent le garde-du-corps de l’équipe. Il est toujours bien placé, en retrait, conscient de la tâche qui l’attend.

Le médian défensif a entamé sa carrière au Real Madrid dans l’équipe B. Il est arrivé en janvier 2013, à l’âge de 20 ans, loué par le FC São Paulo. Six mois plus tard, le Real l’achetait. Au cours de la saison 2014-2015, il était loué au FC Porto, avec une option d’achat fixée à 15 millions d’euros. Les Portugais étaient prêts à débourser cette somme mais Rafa Benitez, qui venait d’arriver, a su convaincre Florentino Pérez d’actionner la clause de rachat du Brésilien, fixée à 7,5 millions d’euros.

Tous ses entraîneurs louent son état d’esprit et son professionnalisme. Le Brésilien aspire l’information qui lui parvient, il écoute et connaît parfaitement ses limites. La saison dernière, lors d’un match de Copa del Rey au Celta Vigo, il a dû jouer derrière dans une défense à trois parce que Dani Carvajal, Pepe et Raphaël Varane étaient absents. Il a rempli son rôle sans se plaindre et a été meilleur que prévu. Ses équipiers le surnomment gentiment Casé. Ses amis l’appellent Casemito. Sur son maillot, il est écrit Casemiro parce que, au Brésil, son nom a été estropié par accident et qu’il a tellement bien joué ce jour-là qu’il a gardé ce nom.

17 minutes pour faire ses preuves

Casemiro a grandi avec sa mère, Magda, et ses deux jeunes frères, dans le quartier le plus pauvre de São José dos Campos, une ville de l’Etat de São Paulo. Son père a disparu de sa vie lorsqu’il avait trois ans. Il a souvent dormi chez une tante ou chez sa grand-mère, dans le quartier, parce que sa maison était trop petite. Le premier souvenir qu’il garde du football, c’est un lit : c’est au centre d’entraînement du FC São Paulo qu’il a pu avoir pour la première fois sa propre chambre, un vrai repas, l’air conditionné et la télévision.

A la maison, dès l’âge de cinq ans, c’est lui qui surveillait ses petits frères pendant que sa mère travaillait comme femme de ménage. A quatorze ans, il est resté tout seul à l’hôpital pendant trois mois, victime d’une hépatite. A 100 kilomètres de sa mère, il passait ses journées à pleurer et à prier. A 18 ans, lorsqu’il a effectué ses débuts pour le grand FC São Paulo, il a cru que le monde était à ses pieds. Il s’est déconcentré et a dépensé son argent dans les femmes, les voitures et l’alcool. Jusqu’à ce qu’il comprenne que ce n’est pas comme cela qu’il y arriverait.

Au poste de médian défensif, Casemiro a joué un rôle important dans la conquête des deux dernières Ligues des Champions. Mais son apport dans La Décima, en 2014, est largement sous-estimé. Il est pourtant tout aussi crucial. A la 73e minute du match à Dortmund, alors que le Real Madrid était balayé par un Borussia déchaîné, Carlo Ancelotti lançait un jeune inconnu de 22 ans. Le marquoir affichait 2-0 pour les Allemands. Un troisième but aurait permis à l’équipe de Jürgen Klopp d’arracher les prolongations.

Marco Reus, déjà auteur de deux buts, Henrich Mchitaryan et Robert Lewandowski ne cessaient d’amener ledanger. A dix minutes de la fin,Klopp prenait tous les risques en faisant entrer Pierre-Emerick Aubameyang. Dans la Südtribune, c’était du délire. Ce match, Casemiro s’en souvient encore.  » Je dis toujours qu’il a changé ma vie « , affirmait-il voici quelque temps dans Marca.  » Je savais que j’avais 17 minutes pour faire mes preuves au Real Madrid. Je me suis dit : Vas-y, Casemiro, tu ne peux pas laisser passer ta chance.  »

L’aspirateur frappé du numéro 14 est un récupérateur de ballons hors pair, un véritable mur. Mais Zidane l’apprécie aussi pour son sens tactique. Le Brésilien est beaucoup plus malin que certains de ses tacles sauvages pourraient le laisser croire. Lors de la dernière finale de Ligue des Champions, son entraîneur lui avait dit qu’il devait regarder par dessus son épaule gauche car c’était dans cette zone que Dani Alves, droitier, et Paulo Dybala, gaucher, risquaient d’amener le danger, sachant que Marcelo montait souvent.

Casemiro, Sergio Ramos et Marcelo devaient bloquer le flanc droit de la Juve. Mais c’étaient aussi ces trois-là qui amenaient le premier but, mettant la pression sur Dybala, récupérant le ballon et lançant une contre attaque rapide par Casemiro, Modric et Kroos. Le ballon arrivait ensuite à KarimBenzema puis à CR7 qui accélérait sur la droite, s’appuyait sur Carvajal et marquait. Un éclair de génie rendu possible par l’exécution à la lettre des consignes défensives.

Les bons mots de Zidane

Début juin, dans El País, à la veille de sa deuxième finale de Ligue des Champions en tant que titulaire, Casemiro mettait en évidence le rôle de Zinédine Zidane. C’était le Français qui, lorsqu’il était adjoint de Carlo Ancelotti, s’occupait du Brésilien alors que celui ne jouait guère.  » Xabi Alonso et Sami Khedira se débrouillaient bien et il n’y avait pas de place pour moi.

L’attention que Zidane m’a portée durant cette première saison m’a beaucoup aidé. Il me soutenait dès qu’il le pouvait, me donnait des conseils, me parlait et me disait de continuer à travailler, d’attendre ma chance. C’est grâce à cela que je suis resté calme.

Zidane sait comment un vestiaire fonctionne, il comprend qu’un joueur est avant tout un homme, parfois déçu, parfois fâché. Il trouve souvent les mots justes. Sa force, c’est de savoir comment il doit se comporter dans le vestiaire.  »

Zidane avait raison. Cela fait un bout de temps que la place de Casemiro dans l’équipe est indiscutable, qu’Isco, Sergio Asensio ou Gareth Bale jouent ou non. Lorsqu’il avait sept ou huit ans, Casemiro demandait à ses équipiers de pouvoir dormir chez eux afin de partir au foot avec eux car sa mère n’avait pas de voiture. Maintenant, ce sont ses équipiers qui regardent si Casemiro est bien dans le bus au moment de partir.

PAR SÜLEYMAN ÖZTÜRK – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Casemiro confère à l’équipe un équilibre qu’aucun autre joueur ne peut lui apporter  » – Massimiliano Allegri

Rafael Benítez a convaincu le président Florentino Pérez d’actionner la clause de rachat du Brésilien au FC Porto pour 7,5 millions d’euros.

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