Recette miracle

Normal de prendre des points avec un gardien fiable, trois lignes complémentaires et un banc magique!

Marc Grosjean a bien résumé la situation de Mons après la nette victoire contre Charleroi: « La belle aventure continue ». Ce match ne fut finalement équilibré que pendant les 20 premières minutes de la deuxième période. Tout le reste du temps, Mons a dominé son adversaire. Comme il avait mâté précédemment Westerlo, le Standard et l’Antwerp lors de ses trois premiers rendez-vous à domicile.

Ce succès a permis de tirer plusieurs conclusions intéressantes. Même privée de deux titulaires comme Pascal De Vreese (qui ne jouera plus cette saison) et Dieudonné Londo, l’équipe de Mons garde fière allure. Un réserviste de luxe comme Jean-Pierre La Placa a prouvé qu’on pouvait toujours compter sur lui. Il a signé la rentrée parfaite: un but sur sa première touche de balle, puis deux assists. Le tout en 20 minutes. Mais, plus important encore, le match contre Charleroi a démontré une nouvelle fois que le 4-5-1 de Grosjean convenait parfaitement à cette équipe.

Cédric Roussel, auteur de deux nouveaux buts samedi soir, confirme. « Je suis sûr que nous pourrions aussi tirer notre épingle du jeu dans un 4-4-2 », dit-il. « Mais le 4-5-1 que nous maintenons depuis le premier match de la saison est parfait pour nous ». Un système qui se transforme en un redoutable 4-3-3 dès que les Montois obtiennent la possession du ballon: les deux flancs jaillissent subitement et viennent aider Roussel, seul véritable attaquant sur le papier. Face à Charleroi, c’est Olivier Baudry qui était chargé de ce travail sur le flanc gauche, en l’absence de Londo. Le Français ne s’est pas mal débrouillé, même s’il n’a pas affiché l’explosivité du petit Gabonais. Par contre, il assumait un travail défensif plus important que son alter ego à droite. Claude-Arnaud Rivenet, qui avait pris la place de De Vreese dans l’axe, au coup d’envoi, était remplacé à droite par Tarik Kharif. Mais les deux hommes ont switché en cours de première mi-temps parce qu’il sautait aux yeux que Kharif n’avait pas le rendement habituellement affiché par Rivenet tandis que celui-ci ne semblait pas trop bien dans l’axe. Mons a donc disputé la majeure partie du match avec Kharif dans le dos de Roussel, et celui-ci a dû s’habituer à une nouvelle façon de jouer.

« La blessure de De Vreese est vraiment mal tombée », explique-t-il. « Nous commencions à avoir de très bons automatismes. Aussi bien à l’entraînement qu’en match, nous faisions de gros dégâts dans les défenses. De Vreese est un joueur supérieurement intelligent. Il sait faire un tas de choses: garder la balle, surgir, donner des assists et marquer lui-même. Dès le premier entraînement à Mons, il m’a rappelé Robby Keane, que j’avais côtoyé à Coventry: c’est le même genre de feu follet. Chaque fois qu’il surgissait dans mon dos, c’était dangereux pour l’adversaire. Nous nous entendions comme des larrons en foire. Au moment de commencer le match contre Charleroi, j’étais persuadé que mon association avec Rivenet allait donner les mêmes résultats. Nous avions préparé notre coup en semaine. Nous avions notamment atomisé, à nous deux, l’équipe B: trois buts pour moi, deux pour Rivenet. Mais, face à Charleroi, ça ne semblait plus vouloir marcher. Rivenet s’est rendu compte qu’il se sentirait mieux sur le flanc droit et c’est pour cela qu’il a switché avec Kharif. J’ai en tout cas vécu un match assez différent des précédents: les temporisations et les jaillissements de De Vreese me manquent déjà. J’ai été moi-même obligé de conserver plus le ballon. J’ai vite compris que nous ne nous en sortirions pas en passant par l’axe de la défense de Charleroi: c’était pour ainsi dire impossible. Avec Frank Defays et Kanfory Sylla, nous étions servis. Il fallait donc chercher notre salut par les flancs ».

Roussel à la Koller

Cédric Roussel est à coup sûr le Montois qui a parcouru le plus grand nombre de kilomètres, face à Charleroi. Devant, il cherchait sans arrêt à se rendre disponible. Il évoluait constamment à la limite du hors-jeu et fut d’ailleurs plusieurs fois pris au piège. Mais, se démarquer n’est pas évident quand on a sur le dos une sangsue comme Kanfory Sylla, qui ne le lâchait pas d’une semelle quand il était dans le camp des Zèbres. En seconde période, c’est Fabrice Lokembo qui était chargé de tenir Roussel et ce jeune défenseur a vécu une des plus sales soirées de sa courte carrière en D1.

Mais, défensivement aussi, Roussel a abattu un boulot énorme. Dès que les Carolos héritaient d’un coup franc dans le camp montois, il redescendait dans son propre rectangle. A la Koller. « C’est comme ça dans chaque match », lance le castard des Dragons (1m90, 88 kg). « J’ai pour mission de prendre la malabar adverse…Dans ce cas-ci, c’était Frank Defays. Il m’a posé énormément de problèmes parce qu’il bougeait sans arrêt. Il faisait d’innombrables navettes entre le premier piquet, le deuxième, le point de penalty ».

Lorsque Kris Van de Putte récupérait le ballon, Roussel piquait un sprint de 60 mètres pour aller se repositionner devant. Un boulot éreintant, mais Roussel a trouvé ses marques dans ce système. Il s’y sent en tout cas beaucoup plus à l’aise que lors du premier match de Mons en D1, sur le terrain de Beveren. « Pourquoi le cacher? Je me suis posé des questions en quittant Beveren. Je me suis demandé ce que j’étais venu faire dans cette équipe. Nous avions été inexistants. Tous nos jeunes étaient bouffés par le stress. J’ai constaté chez eux exactement le même phénomène que lors de mes débuts en D1 avec La Gantoise: on se retrouve enfin à ce niveau et on oublie tout. Mais, ce qui m’avait encore plus inquiété là-bas, c’était notre jeu stéréotypé. Je ne recevais que de longs ballons et je ne pouvais pas en faire grand-chose. Comme s’il était naturel de procéder comme ça quand on a dans l’équipe un attaquant de grande taille et fort de la tête. Mes coéquipiers pensaient apparemment que je n’étais pas capable de jouer au sol. Pourtant, j’adore procéder en un temps, jouer vite, dévier à ras du sol. Je ne suis pas le type de joueur qui parcourt 60 mètres avec le ballon au pied et prend toute l’équipe adverse de vitesse, mais je peux quand même combiner. A Beveren, j’ai retrouvé dans notre jeu ce qui me dérangeait en Angleterre: boum devant! Le canevas, là-bas, c’est: défense-attaque-entrejeu. Avec les avants qui sont censés remiser pour les gars de la deuxième ligne. Moi, je préfère de loin le cheminement classique: défense-entrejeu-attaque. Nous en avons abondamment parlé durant la semaine qui a suivi le couac de Beveren. Et tout le monde a directement compris qu’il fallait changer de style. Marc Grosjean a demandé à toute l’équipe de jouer plus haut, de resserrer les lignes. C’est ce qui nous a permis de nous reprendre dès le match suivant. Depuis la victoire contre Westerlo, nous jouons bien au foot et tout le monde s’amuse. J’ai pas mal souffert au cours des premières semaines du championnat parce que je manquais fameusement de rythme mais, maintenant que je suis au point physiquement, ce système dans lequel il faut être toujours disponible me convient vraiment ».

Joly: une liberté qui étonne

Dans ce contexte de changement tactique, le rôle assumé par Eric Joly est chaque semaine déterminant. Le Français rayonne. Il trône en tête de tous les classements individuels. Une question se pose, toutefois: comment les adversaires peuvent-ils lui laisser autant de liberté? Il formait le duo médian défensif habituel, contre Charleroi, aux côtés d’ Olivier Berquemanne. Un rôle défensif, mais doublé d’une mission de plaque tournante dans le dos de Rivenet, puis de Kharif. Tout le monde connaît les qualités de Joly: technique, vista, coup de patte. Robert Waseige n’avait désigné personne pour le museler lors de la visite du Standard à Mons et Joly fut décisif. Même rengaine face à Charleroi. Le premier surpris de cette liberté accordée est…Joly lui-même. Il ne peut s’empêcher de rigoler quand il évoque ce phénomène. « Contre Charleroi, j’ai été un peu moins libre que d’habitude », commentait-il. « En première mi-temps, Yazdani m’a un peu contrarié. Mais, par la suite, il m’a laissé jouer à ma guise. Cela dure depuis huit matches: tant mieux! »

Ce tandem Berquemanne-Joly fonctionne à merveille. Joly est le vrai maître à jouer de Mons. Il est toujours disponible, et c’est évidemment facile quand on n’a aucun adversaire attitré sur le dos. Une phase de la première mi-temps, samedi soir, en dit long. Joly intercepte un ballon à hauteur de la ligne médiane. Personne ne l’ennuie. Il revient, balle au pied, dans son camp. Aucun Carolo ne le contrarie. Il passe en retrait à Van de Putte. Sans aucune résistance. Il sollicite ensuite le ballon de son gardien. Tranquillement. Et pour finir, il alerte Kharif. A sa guise…

Roussel est admiratif devant le boulot que gèrent Berquemanne et Joly. Parmi les balles arrachés par Berquemanne, il doit y en avoir au moins deux sur trois destinées à Joly. « Berquemanne fait un boulot incroyable dans l’ombre, il récupère des tonnes de ballons », explique Roussel. « Personne ne parle de lui et cela lui permet de continuer son oeuvre de semaine en semaine. Il connaît ses limites. C’est un joueur hyper-utile pour une équipe comme la nôtre. Quand Joly reçoit la balle, il peut en faire des usages très différents en fonction des circonstances, parce qu’il a beaucoup d’atouts dans son jeu: avancer balle au pied, donner une passe à 40 mètres ou tenter sa chance au but s’il est en zone de conclusion. L’entraîneur a cherché la bonne formule dans l’axe de l’entrejeu pendant une bonne partie de la campagne de préparation, mais il a vraiment trouvé la solution idéale ».

Mais un footballeur comme Eric Joly n’est-il pas trop brillant pour passer une bonne partie des matches à une position aussi reculée? « Je me suis fait la réflexion en arrivant à Mons », avoue Cédric Roussel. « Quand on possède un joueur pareil, on se dit qu’il faut absolument l’aligner le plus haut possible dans le jeu. Mais j’ai compris entre-temps que Joly évoluait vraiment à sa meilleure place. Il adore avoir le jeu devant lui. Et il fait des dégâts terribles parce que les adversaires lui laissent le temps d’analyser les différentes possibilités et de construire. En tout début de saison, j’ai eu peur qu’il fasse un peu double emploi avec De Vreese. Je pensais qu’ils allaient se marcher sur les pieds. Mais tout s’est bien passé. Et c’est encore le cas maintenant avec Rivenet ou Kharif. Chacun connaît son boulot et évite de marcher sur les plates-bandes de l’autre ».

Une défense de bannis et de joueurs de D2

Cette liberté permet à Joly de marquer régulièrement l’un ou l’autre but. Samedi dernier, il a scoré pour la quatrième fois de la saison. Roussel en est au même total. « Nous avions deux très gros soucis pendant la période de préparation », se souvient Roussel. « Nous encaissions trop facilement et nous ne marquions pas beaucoup! La première préoccupation de l’entraîneur a été de stabiliser la ligne arrière. C’est fait. Ensuite, il a perfectionné les actions offensives. Nous sommes bien conscients que nous gagnerons rarement avec cinq buts d’écart, mais personne ne demande ça à Mons. En tout cas, ça commence à bien rentrer. Et je prévois une répartition équitable entre plusieurs buteurs. Nous n’avons personne capable de marquer 20 buts sur la saison, mais nous aurons sans doute plusieurs gars qui feront mouche sept ou huit fois. Même si je suis le seul attaquant attitré, cela ne me pose aucun problème. Si les trois points sont là, je m’en fous »…

Cette stabilité défensive saute également aux yeux. Mons a encaissé 10 buts au cours des huit premières journées. Une moyenne plus qu’honorable pour un promu. Alors que la ligne arrière est composée de bannis et de joueurs de D2! Van de Putte a vécu la disparition du RWDM et n’avait reçu que des offres de troisième division quand Mons l’a contacté. Thaddée Gorniak et Chemcedine El Araichi, les deux défenseurs latéraux, sont des purs produits des séries inférieures. Mustapha Douai était redescendu en D3 après avoir échoué autrefois à Charleroi. Et Liviu Ciobotariu est occupé à prendre une fameuse revanche par rapport au Standard. C’est avec ces cinq hommes que Mons possède une des meilleures défenses de Belgique.

Pierre Danvoye

« Huit matches qu’on me laisse jouer: tant mieux! » (Eric Joly)

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