REBELLE tenace

A 35 ans, malgré deux enfants et un dos récalcitrant, le Kid reste un des meilleurs joueurs du monde.

« Tout parent cultive un rêve pour ses enfants. J’espérais que les miens deviendraient des stars du tennis « . Le rêve d’ Emmanuel Agassian, alias Mike Agassi, père d’Andre, s’est concrétisé. Boxeur, Mike a défendu les couleurs de l’Iran aux Jeux Olympiques 1948 mais a émigré à Las Vegas pour assurer l’avenir de ses enfants.

On raconte qu’il avait pendu des balles de tennis au-dessus du berceau d’Andre et de sa chaise de bébé, pour stimuler sa coordination. Quoi qu’il en soit, à 2 ans, Andre pouvait servir sur un court entier, toujours selon la légende. A 14 ans, il a frappé à la porte de l’ Academy de Nick Bollettieri, en Floride. Le faiseur de champions n’a pu l’ignorer :  » Ce petit bonhomme tapait la balle comme un forcené « .

Agassi tient son rythme et sa force de frappe de son père, qui reprogrammait les lanceurs de balles pour en modifier angles et vitesse.  » Je frappais en moyenne 3.000 balles par jour, sept jours sur sept « . A 16 ans, il a découvert le circuit professionnel. En bon citoyen de Las Vegas, il a compris que les spectateurs appréciaient le show. Au fil de sa carrière, il a tissé de solides liens avec le public. Les entreprises ont vite fait la file pour s’assurer les services de l’enfant terrible, prompt à secouer l’establishment. Avec son short denim et ses pantalons en stretch fluo, il ressemblait plus à une star du rock qu’à un joueur de tennis. Son spot pour Canon, Image is everything, allait le poursuivre longtemps. Le circuit partageait l’opinion générale : il détonnait mais il n’y avait pas grand-chose derrière la façade.

Gardes du corps et mariage raté

Pourtant, à 18 ans, Agassi a atteint les demi-finales de Roland Garros et de l’US Open, tout en cultivant son image de bad boy. Ainsi, il a boudé Wimbledon trois saisons d’affilée, estimant impossible de jouer sur pareil gazon et ne supportant pas les règles vestimentaires strictes de l’endroit. Il n’est retourné à Londres qu’en 1991 pour gagner le tournoi la saison suivante. Agassi n’a cependant pas pu poursuivre sur sa lancée : opéré au poignet, il s’est aussi séparé de Bollettieri. D’aucuns l’ont classé.

C’était mal le connaître. Brad Gilbert a élargi sa gamme. En 1994 et 1995, Agassi s’est adjugé deux autres Grands Chelems, l’US Open et l’Open d’Australie. Il était alors inaccessible, entouré de gardes du corps, retranché dans son hôtel où il se goinfrait de fast-food. Le numéro 1 mondial et Pete Sampras, d’un an son cadet, ont atteint des sommets. C’était le rebelle contre l’enfant de ch£ur. En août 1996, Agassi a réalisé son rêve le plus cher : il a été sacré champion olympique à Atlanta, sous les yeux de son père. Il a dormi avec sa médaille…

Son mariage avec l’actrice Brooke Shields, en 1997, l’a quelque peu éloigné des courts au profit du showbiz. En 2001, il a avoué :  » Pendant quelques années, le tennis n’a plus été ma priorité. Peut-être est-ce grâce à ça que je tiens le coup aussi longtemps « . Il est retombé au rang 141 et a dû demander une wild-card pour participer au tournoi Challenger de Las Vegas, dont il a perdu la finale. Pour la deuxième fois, il était enterré.

Gil Reyes, un ami d’enfance, spécialiste de la condition, l’a soumis à un régime et à un entraînement stricts dès 1998. Gilbert :  » Andre est un travailleur. Il a toujours été persuadé de pouvoir mieux faire. C’est pour ça qu’il continue à jouer, encore maintenant !  » Ses efforts ont porté leurs fruits : Agassi est remonté à la sixième place et un an plus tard, il s’imposait à Roland Garros. Agassi est ainsi devenu le seul joueur à avoir gagné tous les Grands Chelems, avec DonBudge, Rod Laver, Fred Perry et Roy Emmerson.

Toujours flamboyant, le Kid a mûri. Ses déclarations sont devenues plus intéressantes, plus réfléchies. Conscient de ses origines, il a fondé la Charitable Foundation qui offre une éducation aux enfants pauvres. Chaque année, il organise un Grand Chelem pour les enfants. L’année dernière, il a rapporté 5 millions d’euros.

Sa relation avec Steffi Graf et la naissance de leurs enfants, Jaden Gil et Jaz Elle, ont surmotivé l’Américain, qui s’est ancré parmi les plus grands en remportant son quatrième Open d’Australie en 2003, son huitième Grand Chelem. Il vient aussi de signer sa 60e victoire en tournoi, à Los Angeles, et de disputer la finale de l’US Open. Pourtant, on l’avait encore cru fini : au début de cette année, la Faculté lui a signifié qu’un nerf coincé dans son dos pourrait l’obliger à raccrocher. Seule la cortisone l’aide à supporter la douleur. Après chaque tournoi, il s’astreint à une semaine de repos. Il tiendra peut-être encore une saison. Pourtant, il est toujours numéro 7 mondial. Au fond, Agassi personnifie le rêve américain, avec le zeste de show et de revers nécessaire.

Filip Dewulf

SEULE LA CORTISONE l’aide à supporter la douleur

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