» Réagir à chaud, plus jamais »

Pas sûr qu’on connaisse vraiment le coach de Mons :  » Je parais zen devant mon banc mais je suis chaud boulette à l’intérieur !  »

EnzoScifo a travaillé comme joueur avec PaulVanHimst, ArieHaan, GiovanniTrapattoni, AiméJacquet, GuyRoux, ArsèneWenger, JeanTigana, RenéVandereycken, FrankieVercauteren, AiméAnthuenis, GuyThys, WalterMeeuws, GeorgesLeekens… Ce qu’il en a retenu et ce qu’il a appris depuis ses débuts dans le métier d’entraîneur en 2000, ça donne ceci !

1. Performance coach

 » Depuis quelques mois, nous travaillons avec une ancienne championne de Belgique d’aviron qui a participé aux Jeux olympiques. Ce n’est pas une psy, ce n’est pas exactement une coach mentale, c’est une performance coach. J’ai côtoyé un spécialiste de la préparation mentale quand j’étais à Bordeaux. Ce qu’il m’avait apporté ? Absolument rien ! Son arrivée avait été mal perçue par le groupe et l’expérience s’était arrêtée après deux ou trois mois. Moi-même, je n’y croyais pas trop. J’estimais ne pas avoir besoin de ça. J’étais bien dans ma tête, je gérais bien ma vie en dehors du foot. Ça avait aussi échoué parce que cette personne avait débarqué quand Bordeaux était très mal. Ici, la situation est fort différente. Notre coach est venue quand Mons allait bien, quand il n’y avait donc pas d’urgence ou de nécessité. Les joueurs ont été réceptifs, et chez certains, je vois des résultats positifs.  »

2. Technique

 » J’aimerais travailler avec des joueurs plus doués techniquement (même si ce n’est pas mauvais du tout à Mons) mais c’est un aspect qu’on peut très peu améliorer. La technique, on l’a ou on ne l’a pas au départ. Et je fais encore les mêmes gestes que pendant ma carrière, ça ne se perd pas. Certains joueurs sont parfois admiratifs à l’entraînement… Si je veux qu’on travaille un geste précis, je le montre moi-même ou je demande généralement à ArnorAngeli, par exemple. Mais ce n’est pas parce que mes joueurs ratent des mouvements techniques que je me prends la tête. Je prends le temps de leur expliquer qu’ils ne doivent pas tenter des trucs qu’ils sont incapables de faire. Et je les persuade qu’ils peuvent progresser dans la coordination, dans les enchaînements comme un contrôle suivi d’une frappe.  »

3. Patrons

 » BenjaminNicaise a continué à être un capitaine pendant plusieurs semaines alors qu’il ne jouait plus. Mais plus le temps passait, plus ça devenait compliqué. Humainement, ça a été difficile pour moi. Il ne faut pas croire qu’on s’amuse à mettre un joueur de côté. J’ai continué à être derrière lui quand ses prestations devenaient moins bonnes. Mais ça ne pouvait pas durer éternellement. Quand il est sorti de l’équipe, je lui ai dit de prendre son temps pour se remettre à niveau. Nous avons beaucoup parlé, il m’a dit qu’il avait besoin de jouer pour retrouver son football. Je n’en étais pas convaincu mais je l’ai quand même plusieurs fois lancé en fin de match. Ça n’allait plus, il fallait donc trouver une solution. Je lui ai dit : -On stoppe la collaboration, sinon on va aller au clash. Il l’a bien compris. Il n’y a pas eu de clash parce que tout a été clair entre nous du début à la fin.

Je n’avais pas de profil comme le sien pour reprendre la fonction de capitaine. La solution est passée par le collectif, qui s’est plus responsabilisé. J’ai donné le brassard à FlavienLePostollec, un gars naturellement discipliné qui est toujours à l’écoute et sait transmettre les messages. Je donne aussi beaucoup de responsabilités à GrégoryLorenzi, qui est directement devenu le nouveau patron de la défense. Il n’a pas besoin de répéter cinq fois la même chose parce que tout ce qu’il dit est cohérent et vite compris. Le Postollec et Lorenzi ont eu une influence positive sur tout le groupe dès leur arrivée. Il y a des joueurs qui n’y parviennent jamais.  »

4.Colère

 » Quand JérémyPerbet a remis un certificat médical pour ne pas faire le début de la préparation et forcer son départ, j’étais vraiment fâché. Ce n’était pas pro, il manquait de respect envers ses coéquipiers, son staff, tout le club. Beaucoup d’entraîneurs l’auraient écarté, j’ai choisi de ne pas le faire. Parce que je le sentais déstabilisé. Et parce que c’est un bon mec. Je n’étais pas convaincu que c’était la bonne approche mais j’ai tenté le coup. Quelques semaines plus tard, il a dit : -Waw, le coach avait raison ! Tout s’est bien terminé parce que nous avons eu des discussions entre hommes. Si je dois résoudre un problème pareil avec un gars qui est pro, ça marchera toujours. Avec un tricheur, jamais.  »

5. Baromètres

 » Quand PieterjanMonteyne et FlavienLePostollec arrivent le matin, ils sont frais ! En début d’entraînement, je sens qu’ils ont du power ! Même s’il y a eu deux séances la veille. Alors, quand un de ces deux-là vient se plaindre qu’il est fatigué, je me pose des questions et je sais que je dois diminuer la charge de travail. Je suis toujours à l’écoute du groupe.  »

6. Plans B, C, D

 » J’ai des projections en tête quand un match commence. Si ça va bien, je lance untel. Si ça va mal, je lance tel autre. Mais depuis le début de la saison, je ne dois avoir fait que deux ou trois fois ce que j’avais prévu parce que le déroulement de la rencontre me fait penser à d’autres interventions. Mes changements ont très souvent apporté quelque chose, ils ont été plusieurs fois déterminants. Mais je me suis aussi trompé. Dans ce cas-là, j’en parle aux joueurs dès la rentrée au vestiaire. Je sais qu’ils se posent des questions sur mon coaching et je leur dis que je le prends sur moi.  »

7.Mises au vert

 » Quand je jouais en Italie, les mises au vert étaient presque systématiques. Moi, j’aimais bien. Aujourd’hui encore, j’apprécie de partir avec la groupe à l’hôtel. Nous sommes entre nous, ça permet de ne pas s’encombrer la tête avec des trucs qui ne concernent pas le match du lendemain. Mais je n’abuse pas parce que je ne veux pas tout révolutionner, et parce que ce n’est pas dans la culture, ici. Quand nous partons, je compose moi-même les chambres. Volontairement, je ne rassemble pas les meilleurs potes. Je cherche à ce que les joueurs découvrent des coéquipiers qu’ils connaissent moins bien.  »

8.Erreurs de débutant

 » Quand j’observe certains coaches qui commencent en D1, je me revois à mes débuts. Avec mes erreurs de jeunesse. Par exemple, je me sentais encore joueur parce que je venais juste de raccrocher. Je réagissais sur presque toutes les phases importantes, comme quand j’étais sur le terrain. Ça a duré trois ou quatre mois. Progressivement, j’ai compris que je devais prendre du recul, me calmer, transmettre de la sérénité à mes joueurs au lieu de les énerver. Donc, je suis tranquille devant mon banc. Zen… du moins en apparence. Parce qu’à certains moments, à l’intérieur, je suis chaud boulette ! Si on prenait mes pulsations, il y aurait de fameux pics. Il m’arrive de me surprendre moi-même quand je réussis à garder mon calme alors que je pourrais le perdre… Il me reste un travail à faire vis-à-vis des arbitres. J’ai décidé de ne plus intervenir quand une décision ne me plaît pas. Je sais que ça ne sert à rien, donc je ne dois plus m’énerver. Le jour où j’arriverai à me contrôler à temps plein dans mes rapports avec eux, ça voudra dire que j’aurai progressé sur le plan du comportement pendant les matches.  »

9.Crises d’autorité

 » J’ai eu des excès d’autorité dans le passé. On disait que j’étais trop gentil, que je n’en avais pas assez, alors il m’est arrivé d’en avoir trop ! Par exemple, si un joueur arrivait un peu en retard au rendez-vous le jour d’un match, je lui rentrais dedans, j’explosais, je le renvoyais chez lui. Pour marquer le coup et donner un exemple à tout le groupe. Avec le recul, je gère différemment des situations pareilles. Plus calmement. Et je me rends compte que c’est bien perçu par tout le noyau. Un jour, je me suis dit : -Réagir à chaud, plus jamais ! Quand tu veux prouver que l’autorité est de ton côté, que tu es le patron, au-dessus de tout le monde, tu vas dans le mur. Il y a toujours des décisions qu’un coach doit prendre dans l’urgence, mais avec la maturité, il augmente ses chances de prendre les bonnes.

Un jour, j’ai instauré le système des amendes à Mons. Ça a été le bordel complet ! Des gars râlaient, se disputaient parce qu’untel trouvait qu’il avait payé trop, parce qu’un autre reprochait à un coéquipier de ne pas avoir mis dans la caisse alors que lui-même avait déboursé,… J’ai vite compris qu’il fallait arrêter ça. Maintenant, les amendes, c’est en tout dernier recours, et la menace n’est plus de 5 ou 10 euros, mais de 500, et tout ce qui va avec : ne pas jouer le week-end, se retrouver dans le noyau B.  »

10. C4 et solidarité

 » Je n’ai jamais été limogé, j’espère ne jamais l’être mais j’y suis préparé. C’est nécessaire parce que le coach qui saute doit ressentir la même chose que le footballeur auquel son club dit qu’il n’a plus besoin de lui. La fierté est touchée, il y a un sentiment d’échec. Si je me prépare à ça, c’est aussi parce que je sais que ça arrive à tout le monde ! Etre un bon entraîneur et faire des bons résultats, ça ne va pas toujours ensemble. Il y a des coaches brillants qui ont fait des flammes puis sont arrivés en fin de cycle et ont sauté. Le soir de notre victoire contre le Standard en octobre, on se doutait que RonJans risquait d’être limogé dans les heures qui suivaient. Nous avons discuté juste après le match, il pensait qu’il allait pouvoir continuer mais je sentais qu’il n’était pas bien, qu’il était sous pression. Il m’a fait de la peine ! En conférence de presse, j’ai dit qu’il n’était pas responsable de la défaite. Question de solidarité. Quelque part, je n’avais pas à me mêler de sa situation, mais j’ai pensé à ce moment-là que je pouvais connaître les mêmes soucis que lui à tout moment.

La solidarité entre les coaches n’est pas une constante… Nous avons tous la chance d’avoir une place en D1, nous devrions nous serrer les coudes. Ça peut se faire sans renoncer pour ça à notre esprit de compétition. Mais ce n’est pas toujours comme ça, il y en a beaucoup qui se tirent dans les pattes. Le protocole veut qu’on se salue quand l’entraîneur visiteur arrive au stade, puis il y a une poignée de mains après le match. Avec certains, ça va plus loin, on discute pendant l’échauffement, encore en fin de soirée, on se félicite mutuellement. Mais avec d’autres, c’est complètement différent : on ne fait que se croiser, on ne se regarde même pas. Il y a des coaches de D1 qui sont invivables !  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE – LAURIE DIEFFEMBACQ

 » On disait que j’étais trop gentil, alors j’ai fait des crises d’autorité. Une grosse erreur. « 

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