Rattraper le temps

L’attaquant a quitté Newcastle, rétrogradé, pour Manchester Unitedoù il doit remplacer Cristiano Ronaldo.

B oy wonder. Un footballeur plus complet que Robbie Fowler, un avant qui marque plus aisément que Ian Rush… En 1997-1998, quand Michael Owen, maintenant âgé de 19 ans, émerge à Liverpool, les superlatifs abondent. Le nouveau prodige, ultrarapide, trouve le chemin des filets les yeux fermés. Il marque 18 buts en 36 matches de championnat dès sa première saison. Il est meilleur buteur ex-æquo. Le reste du monde fait aussi la connaissance d’Owen. Le sélectionneur, Glenn Hoddle, l’emmène au Mondial français. Il commence par patienter sur le banc mais le public anglais scande son nom pendant 45 minutes lors du deuxième match de poule et Owen reçoit sa chance contre la Roumanie. Il marque. Il récidive contre l’Argentine. Il s’est fait un nom sur la scène mondiale, en quelques secondes. David Beckham aussi mais dans le mauvais sens. Malgré l’élimination d’Albion, Owen devient un héros national alors que, Beckham, exclu contre l’Argentine, est honni.

En 1979, Kevin Keegan obtient le Ballon d’Or pour ses prestations au HSV, la formation allemande sacrée championne sous l’impulsion de l’Anglais après 19 ans de disette. A la même époque, à Chester, un garçon voit le jour : Michael James Owen. Il est le quatrième enfant de Jeanette et de Terry Owen, leur troisième fils. Plus tard, il aura encore une petite s£ur.

Terry est aussi footballeur, attaquant. Il ne mesure que 1,70 mètre. Son fils Michael le dépassera de trois petits centimètres. Liverpudlian, malgré des racines écossaises, Terry est supporter d’Everton. Ce sera sa première équipe. Mais Terry est trop léger, littéralement, pour embrasser une carrière professionnelle. Il se produit à deux reprises en équipe fanion durant la saison 1967-1968 puis rejoint Bradford, en D3. Sa route le conduit dans une série de petits clubs.

Terry emmène sa famille au Pays de Galles, à Hawarden. Comme lui et son fils Andrew étant footballeurs, il semble logique que le petit Michael suive leurs traces. Il fait ses classes à Mold Alexander puis aux Hawarden Rangers, sa première véritable équipe. Selon la légende, un jour, Michael a inscrit neuf buts en l’espace de vingt minutes. Son entraîneur, Howard Roberts, trouve cela si humiliant pour l’adversaire qu’il place le gamin dans le but.

Sa vitesse devient célèbre. Un moment donné, Owen court le 100 mètres en 10.90. Il ne se cantonne pas au football : il joue au rugby et est capitaine de l’équipe de cricket mais il est plus petit que ses camarades. Cela ne le dérange pas. Owen en témoignera plus tard :  » J’ai toujours été plus petit mais grâce à mon père et à ses exercices, je suis devenu très véloce. Mes deux frères accusaient neuf et dix ans de plus que moi. Ils étaient beaucoup plus costauds. Notre père nous faisait jouer à deux contre deux. J’étais toujours physiquement désavantagé mais cela m’a endurci dans les duels. « 

International

Le sens du but est sa marque de fabrique. Il inscrit 97 buts durant sa dernière année à l’école primaire. Il bat largement le record de la région, établi par Ian Rush, qui avait marqué 72 goals en un an au même âge. Nul ne s’étonne que des grands clubs visionnent Owen à onze ans. Liverpool, Everton et Manchester United se déplacent, comme trois grands clubs londoniens : Chelsea, Arsenal et Tottenham.

Terry conserve un faible pour Everton. Il emmène régulièrement ses fils à Goodison Park. Pourtant, le jeune Michael signe à Liverpool, dont il trouve l’atmosphère plus conviviale. Steve Heighway, alors responsable des jeunes, donne régulièrement des billets et des chaussures de foot à la famille. Steven Gerrard croise sa route. Il fait alors moins bonne impression qu’Owen car il souffre de troubles de croissance.

Son nom atteint Londres. Il est sélectionné pour ses premiers matches en catégories d’âge nationales. Il est confronté à un choix : sera-ce l’Ecosse, terre des ancêtres de son père, le Pays de Galles, où il réside, ou l’Angleterre ?

Michael choisit l’Angleterre. Il marque dès son premier match en -15 ans et répétera cette prouesse dans les autres catégories d’âge. En Espoirs, il fête même ses débuts par deux goals. Ce sera son unique match à ce niveau. Le 11 février 1998, Owen effectue en effet ses grands débuts en équipe A contre le Chili. Il a alors 18 ans et 59 jours, il est le plus jeune international anglais de tous les temps et quelques mois plus tard, quand il marque contre le Maroc, il devient le plus jeune buteur anglais. Wayne Rooney effacera Owen des statistiques plus tard.

Le Ballon d’Or

L’étoile de Michael atteint rapidement le firmament mais ses premiers manquements se font sentir : il souffre de blessures musculaires. Owen est trop explosif. Liverpool est le premier à remarquer le problème. Sa fragilité est manifeste après quelques saisons parmi l’élite : il accumule les atteintes aux ischio-jambiers. Comme il le reconnaît dans ses interviewes, c’est sa caractéristique négative. En avril 1999, il s’éclipse une première fois de la scène pour cinq longs mois. Il rechute pendant le stage estival. Owen souffre mentalement. Le staff médical lui concocte pour la première fois une préparation sur mesure.

Owen met tout en £uvre pour éviter ces problèmes. Il modifie sa façon de courir, il change même sa démarche. Il s’adonne à la musculation, travaille sa souplesse. Gérard Houllier l’envoie chez un ostéopathe français, le sélectionneur de l’Angleterre, Keegan l’expédie en Allemagne chez le Dr. Hans-WilhelmMüller-Wohlfahrt, afin de le préparer à l’EURO 2000.

L’avant reste fragile. Régulièrement, il passe quatre ou cinq semaines à l’infirmerie. Sa force se retourne contre son corps. Owen doit sans cesse tout reprendre à zéro. Son succès est réel mais pour combien de temps ? Liverpool remporte les trois coupes en 2001, ce qui vaut à Owen le Ballon d’Or en décembre. 22 ans après Keegan, un autre Anglais est récompensé. En avril 2002, l’Angleterre affronte le Paraguay. Beckham est blessé et pour une fois, Owen est en forme. Il reçoit le brassard de capitaine et détrône Bobby Moore du titre de plus jeune capitaine de l’Angleterre. L’avenir lui sourit. Au printemps, Liverpool est vice-champion et Owen inscrit 28 buts durant la saison. Agé de 23 ans, il ignore que ses plus belles années sont déjà derrière lui.

Le Real Madrid

La suite de sa carrière se déroulera en mode mineur, pour les Reds comme pour leur attaquant, qui accumule les blessures. Les premiers signaux de lassitude se font remarquer. Liverpool songe à un autre attaquant, sur lequel il puisse vraiment compter. En 2004, c’est chose faite. Liverpool dispute les qualifications pour la Ligue des Champions sans aligner son avant. Les spéculations vont bon train. Le Real sera la destination d’Owen. Il veut remporter la Ligue des Champions avec les galacticos. Il émigre en Espagne, sans guère de succès. Le numéro onze est un achat raté. Jamais Owen ne trouvera ses marques à Madrid. Il y dispute certes 41 matches mais il n’est titularisé qu’à quinze reprises. Son instinct du but ne l’a pas abandonné : il marque beaucoup par rapport à ses minutes de jeu mais Owen n’est pas un transfert réussi pour la cause. Cette année-là, comble, c’est son Liverpool qui s’adjuge la Ligue des Champions !

Newcastle United lance une véritable bombe le 24 août 2005 : il transfère Michael Owen pour environ 24 millions d’euros. Newcastle, l’équipe qui ne gagne jamais rien. Graeme Souness harcèle son président pour obtenir l’enveloppe nécessaire à l’embauche de l’avant de poche. Owen aurait préféré retourner à Liverpool mais Rafael Benítez estime son prix trop élevé.

Owen et Newcastle n’entreront pas dans l’histoire. En décembre, l’avant se fracture un os du pied. Il revient à temps pour le Mondial allemand mais à Cologne, contre la Suède, il est touché aux ligaments croisés du genou droit. Cette grave blessure lui vaudra presque une année d’absence. Owen fait même l’objet d’une bataille juridique entre l’assurance, la FA et le club pour le paiement de son salaire -120.000 euros par semaine. Il est aussi en dispute avec la direction de Newcastle, qui fustige son management.

La farde de documentation

Owen restera au service des Magpies quatre saisons. Quatre années de problèmes. En mai, quand le club est rétrogradé, il n’est même plus titulaire. Sa carrière semble achevée et en titrant, le 15 mai, qu’Owen arrêtait, le Daily Express s’occasionne un procès, qu’il perdra. Le quotidien sera condamné à verser des indemnités à Owen.

Newcastle annonce qu’Owen est libre de transfert. Le Wasserman Media Group envoie promptement une farde de documentation de 34 pages, avec un aperçu de la carrière d’Owen et des statistiques, à tous les grands clubs anglais et étrangers. Nul ne semble intéressé, hormis Hull et Stoke City. Puis Sir Alex Ferguson parie.

Owen le remercie de sa confiance à sa façon. Il signe un contrat de deux ans et hérite du numéro 7 de Cristiano Ronaldo – Ferguson fait toujours bien les choses. Lors de son début pour United, il fait ce en quoi il excelle : il marque. Certes, il s’agit d’un match amical contre le Malaysian XI et il n’est que joker. Car désormais, le boywonder est un super sub.

par peter t’kint

« Hull et Stoke étaient les seuls clubs intéressés par Owen avant qu’Alex Fergusonne parie. »

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