Ramos à l’aide !

Le limogeage de Schuster en décembre n’a pas résolu tous les problèmes (le président Calderon a démissionné), mais le Real accumule les succès depuis la venue de Juande Ramos.

Au Real, Bernd Schuster avait préparé son arrêt de mort depuis des mois mais il ne le signa avec la direction madrilène que le 7 décembre dernier peu avant minuit. Et il l’annonça de façon typiquement schusterienne, à savoir dans la pièce où il avait vécu ses moments les plus mémorables en tant qu’entraîneur du Real : la salle de presse. Seulement deux jours après, ayant sécurisé son chèque de sortie, il quittait Madrid pendant que son successeur Juande Ramos faisait son entrée à Bernabeu. Le siège de l’ange blond allemand était à peine refroidi que l’ex-manager de Tottenham, l’homme de La Mancha, prenait place.

Le 7 décembre était une nuit froide et humide et le Real venait de perdre 3-4 à domicile contre Séville. C’était la troisième défaite en quatre matches de championnat et la seule victoire de ce quatuor avait été acquise de manière peu convaincante contre les candidats à la relégation du Recreativo Huelva. Les Merengues avaient en outre été sortis au 4e tour de la Coupe du Roi par la modeste Real Union Club de Irun, de Segunda B (l’équivalent d’une D3). Et il n’était alors pas certain qu’ils poursuivraient leur route en Ligue des Champions après avoir été battus à deux reprises par la Juventus…

Qui plus est, un déplacement périlleux les attendait le week-end suivant, chez les ennemis catalans du Barça, qui balaient tout sur leur passage cette saison. Schuster était rentré dans une espèce de dépression physique et émotionnelle. Pendant les matches il donnait à peine des consignes, ne se levant que rarement de son banc. Il se mettait en retrait et semblait se cacher dans son anorak, qu’il remontait pour qu’on ne voie quasi pas son visage. C’était comme si Schuster avait déjà jeté le gant. Après un revers à Getafe, il avait déclaré :  » Cette défaite ne me fait pas mal parce qu’à aucun moment je n’ai cru que nous gagnerions le match.  »

Lors de la conférence d’après-match le 7 décembre, un journaliste lui demanda s’il n’était pas obligatoire pour le Real de l’emporter à Barcelone la semaine suivante. Il répondit de manière étonnante :  » Je suis moins inquiet pour ce match que pour n’importe quel autre. Gagner au Camp Nou est impossible. Barcelone écrase la concurrence. C’est impossible de les battre, il s’agit de l’année des Blaugranas. Dans notre état, tout ce que nous pouvons faire est d’aller en Catalogne pour signer une prestation décente. Nous ne pouvons pas demander plus. Ne soyons pas fous. Nous devons ouvrir les yeux.  » Maintenant il allait un pas plus loin et l’assistance était ébahie. Schuster venait de renoncer au championnat après seulement 14 rencontres.

Pas d’autre issue possible

Jeter l’éponge est pénible pour chaque coach qui se respecte. Mais lorsqu’on est à la tête du Real Madrid, c’est encore pire et une insulte à l’histoire séculaire du plus grand club de l’histoire du football. Cela, en tout cas, c’est la vision du club madrilène. Le directeur sportif Predrag Mijatovic avait, deux semaines auparavant, renouvelé le vote de confiance de manière peu convaincante envers Schuster. Mais il n’y avait plus d’autre issue possible. Le président madrilène Ramon Calderon (qui était encore en poste avant de se démettre en janvier) dut se résigner à passer à l’action, même s’il avait soutenu l’Allemand au contraire des autres membres du comité de direction.

Le mardi matin, Schuster se pointa à Bernabeu pour conclure les négociations de fin de contrat. Au même moment, Ramos se voyait offrir un bail de six mois dans une autre pièce. Pour annoncer que le club se séparait de Schuster, Mijatovic était assis face à la presse dans la même pièce où Schuster avait fait ses déclarations 48 heures plus tôt.  » Et maintenant « , dit-il avec une pointe de mélodrame,  » j’aimerais vous présenter notre nouvel entraîneur. « 

Une porte s’ouvrit et Ramos entra sur le podium, à gauche. Juste six semaines après avoir été mis à la porte des Tottenham Hotspurs, Ramos renaissait à Madrid et la première question était inévitable : le Real pourra-t-il gagner à Barcelone ?  » Soyez assurés que nous pouvons gagner n’importe quel match. Je me fous de savoir si c’est au Camp Nou… « 

Ramos ajouta :  » Pour chaque entraîneur c’est un rêve de travailler au Real. Lorsqu’on me l’a proposé, je n’allais pas refuser. Nous sommes immédiatement tombés d’accord. J’étais surpris que les choses soient allées aussi vite. « 

Tout le monde était surpris, à vrai dire. Son premier job serait de mener ses troupes à l’entraînement le soir même et de mener une autre conférence de presse. Le jour suivant, nouveau point presse à la suite de son premier match officiel en tant que coach du Real : une victoire en Ligue des Champions à domicile contre le Zenit Saint-Pétersbourg. Trois jours plus tard, Madrid perdit la bataille du Camp Nou, comme Schuster l’avait prédit. Et malgré cela, la défaite de Ramos était vue comme un succès, le quotidien sportif As titrant même en couverture :  » Le retour du Real « . C’était une exagération mais elle était compréhensible. Les Madridistas voulaient saisir tous les petits points d’espoir et le match à Barcelone leur en fournissait.

Pendant près de 83 minutes on avait vu des Madrilènes agressifs, bien organisés, bien positionnés défensivement. Et malgré la domination catalane, il aurait suffi à Royston Drenthe de remporter son un contre un avec le gardien Victor Valdes pour mettre le Real en position favorable. Au moins il y avait des signes d’amélioration, des signes d’un système de jeu.  » C’est une honte de perdre aussi tard dans le match « , déclara Ramos. C’était sa quatrième conférence de presse en cinq jours ; il avait eu davantage l’occasion de rencontrer les journalistes que d’entraîner son groupe… ce qui lui donnait un avant-goût de la pression liée au coaching du Real Madrid.

Pression trop forte pour Schuster

C’était aussi une indication de la raison pour laquelle Schuster n’avait pas survécu plus longtemps. Malheureux même quand cela allait bien, Schuster n’avait jamais pris goût à sa fonction au Real. La pression était trop importante et son échec dans la gestion de ce stress lui a coûté son job, beaucoup plus que l’échec en terme footballistique. Il avait, après tout, remporté le championnat avec un total de points record. Mais dans un club où l’image est tellement importante, sa série de conférences de presse tendues où il avait souvent maille à partir avec des journalistes le condamna. Il n’est dès lors pas illogique que ce soit davantage une remarque qu’une défaite qui l’ait conduit à être remercié.

Schuster est connu pour avoir les nerfs à fleur de peau et sa relation avec le club a toujours été en dents de scie. Il a utilisé les médias pour se plaindre du fait que personne ne l’écoutait lorsqu’il s’agissait de transferts, arguant qu’il n’avait pas à sa disposition le noyau qu’il aurait voulu. Il ne s’entendait plus avec Mijatovic et ménageait une certaine distance entre lui et ses joueurs, en particulier le capitaine et véritable coqueluche Raúl qui a inauguré le mois de février en égalant le record de buts marqués pour le Real, détenu par le légendaire Alfredo Di Stefano depuis les années 60. Une mauvaise idée de plus du coach allemand qui semblait ne pas avoir de système de jeu, permutant constamment entre un 4-3-3, 4-4-2, 4-2-3-1 et dut constater que Sergio Ramos se plaignait publiquement de devoir couvrir tout un flanc à lui tout seul. Les erreurs s’accumulaient.

Mais ce n’était pas de la faute de Schuster – en tout cas pas sa faute à lui tout seul – si l’ambiance était aussi tendue ou qu’il y avait de nombreuses accusations à l’encontre du président Calderon de la part d’opposants tentant de le déstabiliser et de prendre sa place. Ce n’était pas non plus sa faute si Ruud van Nistelrooy, Arjen Robben, Pepe et Mahamadou Diarra ont été indisponibles aussi longtemps. Et il n’est certainement pas responsable du départ de Robinho et du fait que Cristiano Ronaldo ne soit pas venu à Bernabeu. Tout cela fait en sorte que son limogeage soignera sans doute certains maux du Real Madrid et en particulier l’espoir de continuer l’aventure en Ligue des Champions, mais ne résoudra pas tous les problèmes du club.

Sous Ramos, Madrid a consolidé sa deuxième place. L’équipe joue selon un schéma tactique établi et possède une nouvelle éthique de travail. Ils sont compétitifs. Iker Casillas est à nouveau concentré et fait à nouveau des arrêts miraculeux. Des joueurs-clés reviennent de blessure, dont le plus important est certainement Robben, qui détient la forme de sa vie.

Le club a reconnu le déséquilibre dans le noyau et a commencé à prospecter de nouveaux joueurs pour y remédier. Là où ils avaient ignoré Schuster, ils ont écouté les conseils de Ramos et se sont mis en quête d’un attaquant et d’un médian droit. Ils ont acheté Klaas-Jan Huntelaar et Lassana Diarra, le gars qui a demandé aux fans de l’appeler Lass.

Mais s’il n’y avait qu’une illustration que la vie n’est pas aussi rose qu’elle y paraît au Real, ce serait justement celle de la bévue concernant les deux nouvelles recrues, Diarra et Huntelaar. L’homme du staff dont le job est de connaître les règlements de l’UEFA ne les connaît apparemment pas. Il a fallu à Madrid un article dans Marca pour se rendre compte que le club avait fait une erreur. Les deux joueurs arrivés au mercato ont déjà joué en coupe d’Europe avec Portsmouth et l’Ajax. L’UEFA autorise les clubs à faire trois changements d’inscriptions en vue des phases qualificatives pour la Ligue des Champions, mais seul un des trois nouveaux inscrits peut avoir disputé sur la même saison une coupe d’Europe avec son club précédent. Le Real a donc acheté deux joueurs dont la mission est de contribuer à remporter la C1 mais seulement un des deux sera habilité à jouer sous le maillot madrilène ! Diarra a été choisi. Et Huntelaar peste.

par sid lowe, world soccer- photos: reuters

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