The Caerphilly Messi, The Welsh Wizard, The Prince of Wales, The Welsh Maradona ou tout simplement Rambo : ce sont quelques-uns des surnoms de l’attaquant des Gunners et du Pays de Galles Aaron Ramsey.

Croeso i Gymru. Bienvenue au Pays de Galles, un pays fier de son identité et de sa langue incompréhensible.  » Plus de 600.000 personnes – sur 3 millions d’habitants – la parlent et ils sont de plus en plus nombreux « , dit Barry, patron du PontygwindyInn, un café de Caerphilly, ville de 30.000 habitants au sud du Pays de Galles.

Le café est plein. Quatre écrans de télévision diffusent le match entre le Bayern et Barcelone mais personne ne regarde. Le mardi, Barry organise un quizz mais avant cela, il veut savoir ce qu’un Belge vient faire là.  » Vous êtes à la recherche des racines d’Aaron Ramsey ? Il a grandi ici.  »

Il se saisit d’un stylo et d’un papier, se faufile entre les tables et revient cinq minutes plus tard avec une liste de noms et de numéros de téléphone.  » Ces gens ont bien connu Aaron. Appelez-les de ma part.  » Pas question, toutefois, de nous donner l’adresse de la maison natale de Ramsey.  » Ses parents sont très discrets et n’aiment pas la publicité. C’est quelque part du côté du club de rugby.  »

Caerphilly, à l’extrême sud de la jolie Rhymney Valley, est dominée par un château du 13e siècle – le deuxième plus vieux du Royaume-Uni.  » Il fait bon vivre ici « , dit Terry Phillips, journaliste au South Wales Echo.

 » Aaron Ramsey parle la langue et est un patriote engagé. Il est souvent en ville et passe régulièrement dire bonjour dans son ancienne école. Il n’a pas oublié ses racines et, pour les gens d’ici, c’est très important. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est plus populaire que Gareth Bale, qui passe le plus clair de son temps à Madrid, mais il est plus accessible.

Barrie écoute attentivement.  » Lundi soir, ici, nous étions près de cent à regarder Arsenal – Swansea. Devions-nous supporter l’équipe d’Aaron ou Swansea, seul club gallois de Premier League après la rétrogradation de Cardiff ?  »

Phillips tempère toutefois :  » Le rugby reste, de loin, le sport le plus populaire au Pays de Galles. C’est une affaire d’État. Les jours de match du tournoi des Six Nations, il n’y a personne en rue. L’équipe nationale de football va un peu mieux ces dernières années mais sans plus.  »

Une famille sportive

Caerphilly Rugby Football and Rugby Club, Virginia Close 1 : une rue sans issue qui fut, jadis, le terrain de jeu d’Aaron Ramsey à Virginia Park. L’entrée est abîmée mais les règles sont strictes : celui qui laisse son chien faire ses besoins sur le terrain de football ou de rugby risque une amende de 1000 Livres (1395 euros).  » Aaron s’est entraîné ici, c’est vrai « , dit un vieil homme qui doit être le concierge. Puis il hausse les épaules et nous referme la porte au nez.

Un peu plus loin, près du club de golf, on trouve Caerphilly Leisure Centre, où Ramsey a commencé à faire parler de lui.  » Nous nous entraînions chaque lundi soir « , dit Gary Lewis, alors sports development officer à l’Urdd Welsh Language Movement, le mouvement de jeunesse le plus important du pays.  » Un jour, Aaron est entré. Il était costaud, ne cessait de réclamer le ballon et montrait de belles choses. Il était nettement au-dessus du lot.  »

 » Après son premier entraînement, j’ai demandé à Marlene, sa mère, s’il pouvait jouer avec les U8 le week-end. Elle m’a répondu qu’il n’avait que six ans. Comme il fallait sept ans pour s’entraîner, j’ai dû lui dire qu’il ne pouvait momentanément plus venir. Il est revenu le jour de ses sept ans.  »

 » Il était cependant un peu mal à l’aise. Il jouait au rugby avec ses copains et ils avaient déjà remporté quelques médailles, ce qui stimule toujours les jeunes à poursuivre. Caerphilly est un bastion du rugby mais je suppose que son père, Kevin, qui avait joué au football jusqu’à l’âge de 40 ans, a pu le convaincre d’opter pour le ballon rond. Cette famille était très sportive, en tout cas. Josh, le frère d’Aaron, est international en équipes d’âge au rugby. Et sa maman a joué au hockey au niveau national.  »

Impressionné par le gamin, Lewis appelle Gavin Tait, un scout de Cardiff City.  » Comme toujours, il m’a demandé s’il était meilleur que les joueurs qu’il avait déjà. J’ai répondu : Bien meilleur. Et il m’a cru sur parole. Aaron pensait plus vite que les autres. Au rugby, il avait joué dans l’axe et sur une aile. Il allait également toujours vers l’avant.  »

A l’été 1999, Ramsey, quelques coéquipiers et son entraîneur de jeunes passaient au Centre of Excellence de Cardiff City. Après quelques semaines, il jouait un tournoi U9 à Brentford avec Queens Park Rangers, Watford et l’équipe locale. Les Bluebirds s’imposaient et Ramsey brillait.

Une source d’inspiration

Croeso i Ysgol Gyfun Cwm Rhymni (Bienvenue) peut-on lire à l’entrée de la Rhymney Valley Comprehensive School, l’école secondaire fréquentée par Ramsey à Fleur-de-Lys, à huit kilomètres de Caerphilly. Ici, tout est vert et le soleil brille. Qui a dit qu’il ne faisait que pleuvoir au Pays de Galles ?

Jeremy Evans, head of physical education, fait rentrer les élèves avec une discipline quasi-militaire. Les garçons portent une chemise grise et une cravate rayée bordeaux et noir tandis que les filles sont vêtues d’une blouse rouge ornée d’une cravate gris et noir. Au mur, quelques photos de Ramsey sous les maillots de Cardiff City, d’Arsenal et du Pays de Galles mais aussi en vainqueur du 800 m inter-écoles du Pays de Galles alors qu’il avait treize ans et du pentathlon deux ans plus tard.

 » La plupart des participants étaient membres d’un club d’athlétisme et s’entraînaient deux à trois fois par semaine alors qu’Aaron n’avait participé que pour nous faire plaisir. Il avait lancé le poids à près de 10 mètres et occupait la troisième place mais, sur 800 mètres, il avait laissé tout le monde derrière lui. Il courait très vite et ça se voit encore aujourd’hui sur les terrains. Un vrai box-to-box. Il ne se passe pas un jour sans que je parle de lui ici. Il doit être une source d’inspiration pour nos élèves. C’est pourquoi nous avons placé ces photos ici.  »

Alors que les terrains de rugby sont impeccablement entretenus, ce n’est pas du tout le cas du petit terrain de football. Le coach, Tony Wilding, également professeur de mathématiques, se montre pourtant très enthousiaste.  » Footballistiquement, je n’ai rien appris à Ramsey. Aaron évoluait déjà en équipe nationale U14 mais, à l’école, il n’en faisait jamais état. Seuls quelques élèves et professeurs étaient au courant. Et quand il rentrait d’un match, il fallait lui demander comment cela s’était passé. Il était très modeste.  »

A l’âge de 16 ans, Ramsey participait à un tournoi de rugby interscolaire. A la suite de celui-ci, un scout de Saint-Helens, un des meilleurs clubs du Royaume-Uni, demandait dans quel club il jouait.  » Il était très intéressé… jusqu’à ce que je lui dise qu’il était déjà sous contrat dans un club de foot.  »

Rhys Thomas, sous-directeur de cet école où on ne parle que le gaélique, n’est pas moins fier.  » Même s’il était souvent absent à cause du football, Aaron était un bon élève. A 16 ans, il a obtenu un A en éducation physique et reçu son GCSE (General Certificate of Secundary Education, ndlr). Il aurait pu entrer à l’université sans aucun problème.  »

A l’école, on n’oubliera jamais la date du 26 avril 2007. Ce matin-là, le directeur recevait un appel du club de Cardiff qui lui demandait s’il pouvait libérer Aaron le samedi afin de disputer un match de Championship (la D2, ndlr) à Hull City.  » Nous sommes allés chercher Aaron dans la cour de récréation pour lui annoncer la bonne nouvelle « , dit Thomas.

Plus précoce que John Toshack

Nous voici de retour à Caerphilly.  » Aaron avait quatorze ou quinze ans lorsque des formateurs de jeunes de Cardiff City m’ont dit qu’ils détenaient un grand talent « , dit Terry Phillips, qui suit le club depuis plus de 17 ans pour le South Wales Echo. Mais des clubs de Premier League comme Liverpool et Newcastle étaient déjà sur les rangs.  » Certains jeunes possèdent trois des quatre qualités essentielles – la technique, l’intelligence tactique, le physique et le mental. Aaron, lui, les avait toutes.  »

Lee Robinson, né au Pays de Galles et Head of Academy de l’époque, mit plus de six mois à convaincre les parents de Ramsey de lui laisser signer un contrat professionnel le jour de ses seize ans.  » Il pouvait aller où il voulait. Manchester United pouvait l’avoir pour 40.000 Livres (55.000 euros, ndlr) mais ils ne le trouvaient pas suffisamment fort. Moins de trois ans plus tard, Alex Ferguson était prêt à mettre 4,8 millions de Livres (6,6 millions d’euros, ndlr) sur la table.  » (il rit).

Au printemps 2007, Arsenal repérait Ramsey pour la première fois lorsque ses U18 battaient Cardiff City (3-2) en quarts de finale de la Coupe d’Angleterre des jeunes. Jay Simpson avait signé un hat-trick mais Steve Bould, le coach londonien, avait été impressionné par Ramsey.  » Il a dit à Robinson que le meilleur joueur sur le terrain était dans son équipe.  »

Quelques mois plus tard, le 28 avril, à Hull City, alors que le score était de 1-0, Dave Jones lui offrait ses premières minutes de jeu en Premier League. Une anecdote dans l’histoire du football mais pas dans celle de Cardiff City puisque, à 16 ans et 124 jours, il devenait le joueur le plus jeune de l’histoire du club à avoir disputé un match officiel d’équipe première.

John Toshack, recordman du club depuis 1965, avait 113 jours de plus que lui. Cette saison-là, Ramsey n’allait plus jouer mais en été, Everton était prêt à débourser 1,4 million d’euros pour le transférer. Pour la direction des Bluebirds, c’était cependant trop peu.

Ramsey, qui n’avait pas encore 17 ans, participait au stage de préparation de l’équipe au Portugal mais, cette saison-là, il ne participait qu’à 21 matches.  » Cardiff s’était incliné 1-0 en finale de la Coupe face à Portsmouth, qui évoluait toujours en Premier League à l’époque. Aaron n’était entré au jeu qu’après une heure. Aujourd’hui encore, on fait ce reproche à l’entraîneur : avec Aaron dans l’équipe dès le départ, Cardiff aurait gagné…  »

A Wembley, Ramsey prend congé de ses équipiers, qui l’ont surnommé Rambo. Arsène Wenger et Alex Ferguson veulent tous deux l’adolescent de Caerphilly. Sir Alex pense qu’il possède les meilleurs atouts. Ramsey est supporter de Manchester United qui vient de remporter le championnat et la Ligue des Champions avec Cristiano Ronaldo.

Arsenal, troisième, a déçu une fois de plus. Mais, contrairement à Ferguson, Wenger est prêt à mettre le prix demandé par Cardiff : 5 millions de Livres (7 millions d’euros, payables en deux fois).  » Selon Ferguson, il avait encore tout à prouver.  »

En jet privé à Bâle

Le coach français, alors consultant pour la télévision française à l’Euro 2008, invitait la famille Ramsey en jet privé à Bâle. Le Gallois avait le sentiment que Wenger le voulait davantage. Celui-ci lui expliquait exactement ce qu’il comptait faire avec lui et lui disait qu’il aimait donner une chance aux jeunes, comme il l’avait fait cinq ans plus tôt avec Cesc Fabregas.

 » C’est cela qui l’a convaincu d’opter pour Arsenal. Et comme Cardiff City avait besoin d’argent et que Wenger était prêt à payer la deuxième tranche dès juillet, les Gunners ont eu droit à une réduction de 200.000 Livres (280.000 euros, ndlr).  »

Ramsey prenait le chemin de Londres où il s’installait en compagnie de son ex-équipier Chris Gunter (Tottenham). Un certain Gareth Bale habitait à l’étage au-dessus.  » Le premier jour, il est arrivé à l’entraînement dans une Ford Fiesta jaune citron avec un toit ouvrant noir et blanc « , dit Phillips.  » Dans la semaine, il changeait de voiture.  » ?

PAR CHRIS TETAERT, ENVOYÉ SPÉCIAL AU PAYS DE GALLES

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