Quiproquo carolo
Raheem Alibhaï se tue à la tâche à la Neuville. Sa situation y est-elle tenable, pour lui comme pour les autres ?
Il n’y a décidément qu’à Charleroi qu’on peut voir ça… Enzo Scifo ne cumula-t-il pas au Sporting la fonction de vice-président avec celle de joueur puis d’entraîneur ? Pour excessivement rare qu’elle soit dans le milieu, une telle double casquette peut se révéler embarrassante, voire malsaine et donc potentiellement explosive. C’est précisément le danger qui guette Raheem Alibhaï à l’Olympic. Fils d’ Aziz Alibhaï, propriétaire du club, il n’y est plus seulement joueur depuis cet été…
Déjà lors de son arrivée dans le noyau, le jeune homme avait dû s’accommoder de l’aussi inévitable qu’encombrante étiquette de » fils de « . Les critiques et sarcasmes durèrent quelque temps, souvent en dépit du bon sens, avant qu’à force d’engagement sur le terrain et de simplicité en dehors, il ne soit pas plus remis en cause par la vox populi que n’importe quel autre Dogue. » Je dois cette réussite à mon coach, Danny Ost, qui m’a toujours fait confiance et non plaisir, et au fait que je suis resté moi-même tout en gagnant ma place. Et en cas concurrence trop forte, je n’aurais aucun problème à m’effacer. »
Avant même de prendre des fonctions de dirigeant, Alibhaï Jr, dut composer avec un paramètre le rapprochant de Nicolas Pedini, l’autre grosse tête du noyau et futur médecin. Après avoir obtenu son bac lors de sa période lilloise, le jeune homme s’est en effet inscrit à l’ESA, l’Ecole Supérieure des Affaires de Paris. Non content d’y entamer sa quatrième et dernière année en spécialisation finances, il voit déjà plus loin avec une grosse envie de master en business du sport. Chaque mercredi, il profite ainsi du jour de congé au ROCCM et du Thalys pour rallier la capitale française, le temps de mettre ses cours à jour grâce à la bienveillance de quelques condisciples et d’une direction qui ne rechigne pas à lui accorder certains privilèges comme des sessions d’examens » privées « . Durant cette période, son rythme de voyage se fait évidemment plus soutenu mais il peut alors compter sur ses deux frangines, installées à Paris, pour l’héberger.
Entre diriger et jouer, son choix est fait
Si l’an dernier, le jeune homme devait déjà jongler avec ces obligations, que dire de la situation actuelle ? Sous le couvert d’un stage de quatre mois débuté fin mai, il s’occupe aujourd’hui de la gestion quotidienne de l’Olympic. Et à voir son implication, nul doute qu’il poursuivra au-delà du moins de septembre la mission auparavant dévolue à Mme Julie Taddei. L’intéressé le concède sans peine : » A la base, je suis effectivement là en stage dans le cadre de mes études, même s’il faut plutôt parler ici de gestion et non de finances. J’avoue que je me suis vite piqué au jeu. En peu de temps, j’ai beaucoup appris sur le tas grâce à la petite équipe de gens très compétents qui étaient déjà en place. Vous avez raison : je ne pense pas m’arrêter à l’échéance prévue. »
En fonction des ambitions du groupe familial, qui entend voir l’Olympic rejoindre l’élite à moyen terme, il était sans doute temps de passer à la vitesse supérieure. C’est ce à quoi Raheem s’est employé en resserrant immédiatement les boulons d’un point de vue financier. Cela a nourri des craintes quant à la santé du club et aux intentions de ses décideurs : » Je ne dirais pas que l’Olympic est en danger. Quand je me suis penché sur sa situation, ce n’était pas la cata mais il était temps de revoir certaines choses, notamment dans le secteur commercial. En nous liant avec Mitsubishi pour le contrat de voitures, voilà un exemple de changement. C’est évident qu’un plan d’assainissement s’imposait. Et celui-ci est en cours via le rognage des dépenses touchant principalement aux frais de fonctionnement. C’est à cette condition que nous bouclerons notre budget de plus ou moins 1 million d’euros. «
Il a perdu 4 kilos
Si quelques résultats de cette politique d’austérité sont d’ores et déjà visibles, elle a un autre effet : alors qu’elles n’étaient déjà pas très épaisses, les joues de Raheem se sont encore creusées ces derniers mois. La faute à des horaires de dingues durant juin et juillet ! Il n’était certes pas le seul concerné par ce train-train de folie mais les autres membres de l’équipe dirigeante ne doivent pas, eux, se farcir en sus une vie de footballeur semi-professionnel. Le médian se veut lucide sur son état de santé : » Je répète que je veux être considéré comme les autres joueurs. Si je ne suis pas dedans, un passage par le banc n’est pas à exclure. D’ailleurs, pour le moment, je sais très bien que je ne suis pas au maximum de mes possibilités physiques. Mon poids de forme se situe à 64 kilos et je suis à 60. Je vais voir ce qu’il y a lieu de faire à ce niveau. Mon futur proche dépendra de ma santé et par conséquent ce que je peux apporter à l’équipe. «
En fait, s’il ne le reconnaît pas explicitement, c’est son père qui l’a poussé à continuer sa carrière sportive. Il en avait décidé autrement. Un entretien entre quatre yeux lors de la reprise des entraînements l’a fait changer d’avis. Peut-être temporairement : » Je ne savais pas si j’allais reprendre le collier car je pressentais que ma situation se révélerait très compliquée. Ma décision était même presque prise avant d’en discuter avec Monsieur Alibhaï ( NDLR : il considère devoir parler ainsi de son paternel dans le cadre professionnel)… Bon, j’ai finalement rempilé sportivement et on verra si mon corps suit. Les choses sont de toute façon claires avec l’entraîneur. Nous avons beaucoup parlé de mon cas et je ne veux pas devenir un boulet pour lui. Je ne me suis pas fixé de délai mais faites-moi confiance pour sentir quand une nouvelle discussion avec Monsieur Alibhaï s’imposera le cas échéant ! »
par manu salvé – photos: reporters/ gouverneur
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