Quinze jours de feu

Bruges, Kazakhstan, Gand et Russie : c’était le programme infernal du gardien de la tribu Rouche.

Après avoir visité le Kazakhstan avec l’équipe nationale, voilà Olivier Renard sur la route de Saint-Pétersbourg où le Standard défie ce jeudi le Zenit dans le but de décrocher un ticket pour les poules de la Coupe UEFA. Avant et entre ces escapades lointaines, le sociétaire de Sclessin a également dû négocier deux chocs, contre Bruges (2-1) et à Gand (1-1). Une quinzaine infernale ! De quoi jauger le véritable potentiel du club. Et maintenant la Russie…  » On n’a découvert Zenit Saint-Pétersbourg qu’après la rencontre de Gand  » dit Renard.  » Je crois que c’est mieux comme cela. On ne se projette jamais trop vite en avant et on voit adversaire après adversaire. En Russie, cela ne sera pas de tout repos. On est prévenu. De plus, on doit bien se dire qu’il y aura un match retour. Cela ne sert à rien de se ruer vers le but adverse pour marquer quatre buts. En agissant de la sorte, on risque de s’en prendre quatre « .

En lançant Grégory Dufer et Igor de Camargo à Gand, le Standard a testé la tournante pour épargner des pions appelés à prester sur plusieurs tableaux. C’est d’ailleurs le Brésilien qui marqua le premier but avant que Bernd Thijs ne rétablisse l’égalité.

Les Rouches n’ont pas su profiter des faux pas d’Anderlecht et de Bruges et concèdent leurs premières unités…

Olivier Renard : On a eu un goût de trop peu mais d’un autre côté, c’est un bon signe de râler. Cela montre que l’on en veut. On aurait dû pousser un peu plus en début de deuxième mi-temps mais on savait que Gand jouait physiquement et qu’il fallait avoir du répondant. Et par moments, on a vu que la fatigue des voyages se faisait sentir. Il y avait un manque de fraîcheur mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’on gagne tous nos matches 4-1 ! Cependant, on a beau dire qu’on ne regarde pas les résultats des autres, on les regarde quand même et on se dit qu’on aurait pu creuser un peu plus l’écart sur nos poursuivants.

Après deux tests solides, le Standard est en tête…

… C’est un signe. Cela faisait combien d’années qu’on n’était plus venu prendre un point à Gand ! Et on ne peut pas dire qu’on ait souffert pour arracher cette unité ! Cette équipe est jeune mais elle est intelligente. Contre Gand, à la fin, les défenseurs évitaient de monter trop souvent car ils sentaient ce manque de fraîcheur.

2 septembre : Standard-Bruges : 2-1

Pour Renard, la quinzaine infernale avait débuté contre Bruges. Ce jour-là, le Standard, invaincu en championnat, subissait son premier gros test. En six minutes, les hommes de Jacky Mathijssen courbèrent l’échine face à la machine liégeoise : 15 sur 15 et Sclessin qui s’emballait déjà.

Du coup, la chimère d’un titre conquis 25 ans plus tôt refaisait même surface.

Il s’agissait du premier match où on ressentait la pression. Pour beaucoup de gens, on allait enfin voir le niveau du Standard… Je n’étais pas d’accord avec cette analyse. Comme si nos rencontres précédentes n’avaient livré aucun verdict. Certes, Bruges est un concurrent direct mais ce n’est déjà pas évident de se déplacer à Roulers et à Zulte-Waregem. Et au Cercle, à domicile, j’ai été davantage sollicité que contre Bruges, où je n’ai eu qu’un ballon à négocier et il était au fond. J’ai été surpris, comme tout le groupe, par la disposition des Brugeois. Ils avaient peur du Standard. On s’attendait à ce qu’ils nous prennent au sérieux puisqu’on avait inscrit quatre buts à chaque sortie mais pas à ce qu’ils nous craignent de cette façon. On attendait un Bruges conquérant et on est tombé sur un Bruges timoré. Je pense que les Brugeois n’ont pas assumé psychologiquement. Sans doute que Mathijssen espérait un autre dénouement mais son équipe a abordé la rencontre pour ramener une unité. Or, quand on vient à Sclessin pour ne ramener qu’un point, on repart souvent sans rien ! Les premières minutes de la partie étaient bizarres mais après, on s’est dit que Bruges allait jouer dans cette configuration-là tout le match. D’un autre côté, les Blauw en Zwart n’ont eu qu’un shoot et c’était dedans, donnant l’impression qu’ils pouvaient gagner s’ils le voulaient.

Cette victoire vous a mis en confiance ?

Oui mais on sait aussi que l’année passée, on a perdu beaucoup de points contre des plus petites formations. Si on a l’ambition d’être champion, le Standard ne peut plus perdre de points à domicile.

Avez-vous vécu ce succès comme une revanche de la finale de Coupe perdue ?

Non. On voulait montrer à Bruges que le Standard était bien présent mais il n’y avait aucun sentiment de revanche. La revanche serait d’être champion en fin d’année.

Liège s’enflamme déjà. Comment éviter que le groupe n’attrape la grosse tête ?

Je ne peux pas garantir que le groupe ne s’enflammera pas ( il rit). On veut prendre goût à la victoire et voir jusqu’où on peut aller. Cependant, je préfère connaître la défaite et être champion, plutôt que d’accumuler les records de victoires et ne rien avoir du tout.

Vous n’avez pas peur que le manque d’expérience soit un jour ou l’autre prépondérant ?

C’est vrai que maintenant, c’est moi le plus vieux sur le terrain. Au début de la saison, on avait un peu peur mais les jeunes ont explosé et ont pris de la personnalité. En fait, on continue sur notre lancée de l’année passée. Certains disent que le Standard surprend mais c’est faux. On s’inscrit dans la continuité. Au deuxième tour, on avait pris plus de points que Genk !

Mais il y a quand même eu des changements : toute une série de vieux briscards ont été écartés…

J’ai toujours été persuadé que certaines personnalités faisaient du tort à certains jeunes. Mais ces personnes – je veux parler surtout de Sergio Conceiçao – boostaient également d’autres joueurs qui avaient besoin qu’on les bouscule.

Quelles sont les autres conséquences du départ de Conceiçao ?

On joue moins sur le flanc droit. On a rééquilibré le jeu. Parfois, on jouait trop en fonction de lui. L’adversaire savait prévoir facilement notre schéma de jeu tandis que maintenant, le danger peut surgir de partout. Mais les départs de Sergio, Sa Pinto, Milan Rapaic ou Eric Deflandre n’expliquent pas tout. L’entraîneur insiste sur les détails. Les rentrées en touche sont, par exemple, travaillées. Et les entraînements me font penser à ce que j’ai connu en Italie.

Revenons à l’expérience du noyau : comment réagirez-vous après une défaite ?

Je ne sais pas. Cela reste une énigme pour nous aussi. Mais je sais que lorsque nous avions 9 points sur 9 comme Gand et Bruges, nous, nous avions mérité amplement nos victoires. Eux pas. De plus, le groupe a déjà montré une belle capacité de réaction. La campagne de préparation n’avait pas été très bonne. Il s’agissait en fait de notre premier coup dur et on a su se remettre en question. La preuve, on était prêt pour le début de championnat.

13 septembre : Kazakhstan-Belgique 2-2

Pour la deuxième fois, Renard fait partie du noyau des Diables Rouges.

Pourtant, comme lors du match face à la Serbie, vous êtes dans la tribune du stade d’Alma-Aty.

C’est vrai que c’est un long voyage pour n’être finalement qu’en tribune. Mais je prends goût à l’équipe nationale. Je devais déjà être retenu en fin de saison passée mais cette convocation coïncidait avec la date de mon mariage. Je n’ai pas donc pu l’honorer. Pour moi, ces deux sélections constituent une récompense par rapport à ma saison passée. Le 15 sur 15 n’a pas influencé le sélectionneur. J’ai pu découvrir le centre de Tubize et le groupe en général mais je ne suis pas arrivé là-bas tout timide. J’ai 28 ans et je connais déjà la plupart des Diables pour les avoir côtoyés en équipes de jeunes. Lorsque je suis revenu au Standard, mon but était de prouver que je pouvais m’y imposer. En début de saison, mon objectif était cette fois d’obtenir une convocation parmi les Diables. C’est fait. Mon prochain but sera de devenir deuxième ou premier gardien. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une ambition déplacée. Mais je prends le temps : comme je le dis chaque fois, je préfère monter marche par marche plutôt que de prendre l’ascenseur, monter au quatrième étage et redescendre aussi vite « .

Vous parlez donc de récompense plutôt que d’accomplissement…

Oui. Je connais mes qualités et mes défauts. On dit de moi que je suis un des meilleurs gardiens sur sa ligne mais que je dois m’améliorer dans le trafic aérien. J’en suis conscient.

Plus tard, vous pourrez cependant dire, le fameux 2-2 contre le Kazakhstan, j’y étais…

Oui … (gêné).

Et pourtant, le match contre la Serbie avait redonné espoir…

Avant la Serbie, l’Euro constituait une mission impossible. Et puis, maintenant, on se dit que si on avait pris trois points contre le Kazakhstan, et au vu des résultats des autres concurrents, on revenait dans le coup. On était donné comme mort, on ressuscite et puis, finalement, on va avoir des regrets.

D’autant plus que vous avez offert le point aux Kazakhs…

C’est vrai que notre première mi-temps fut de très bonne facture et puis on a sombré. On pourrait utiliser comme excuse le terrain scandaleux ou le faible éclairage mais ces données existaient déjà en première mi-temps. Après le but kazakh, on a reculé de 20 mètres sans raison. Or, on savait que si on reculait face à tel adversaire, le scénario d’un tel retour nous pendait au nez.

On a beaucoup critiqué la tactique de Vandereycken : retirer Kevin Mirallas pour Jan Vertonghen, ce n’est pas très conquérant…

Je ne sais pas si le problème, c’est le changement ou si c’est dans la tête. L’entraîneur n’a pas effectué ce remplacement pour que l’on recule de 20 mètres. Il faut avant tout comprendre pourquoi on a reculé. Les joueurs ont commencé à douter et cela, l’entraîneur n’y peut rien.

N’est-ce pas quand même le rôle d’un entraîneur de donner un signe fort quand ses joueurs doutent : remplacer un attaquant par un médian à vocation défensive, ce n’est pas vraiment un signe fort…

On peut aussi interpréter ce changement par la fait que l’entraîneur ait voulu placer Moussa Dembele en pointe car celui-ci garde mieux le ballon. Cela devait permettre à l’équipe d’avancer et de remonter mais on n’arrivait plus à tenir le ballon. Si en première mi-temps, on évoluait en 4-3-3 car Steven Defour jouait fort offensivement, en deuxième mi-temps, il s’agissait davantage d’un 4-5-1.

Et comment vit-on une telle débâcle quand on est en tribune ?

Je n’étais pas en tribune mais juste à côté du petit banc mais c’est vrai qu’on n’aborde pas une rencontre de la même façon. Malgré tout, je me suis senti acteur jusqu’au bout : je me suis préparé et ce n’est qu’au dernier moment que l’on m’a annoncé que je serais troisième gardien. Je n’ai pas vécu ce duel comme Vikash Dhorasoo par exemple. Il ne me viendrait pas à l’idée de prendre ma caméra et de filmer. Si tu pars dans cette optique-là, autant refuser ta sélection. On est joueur, pas journaliste !

14 septembre : courte préparation avant Gand

Le Standard avait préparé le sommet du week-end dernier avec un noyau réduit. Sans Axel Witsel, Marouane Fellaini, Renard et Steven Defour (retenus avec la Belgique), Milan Jovanovic (avec la Serbie), Dieumerci Mbokani (avec le Congo), Ogushi Onyewu (avec les Etats-Unis) et Mohamed Sarr (avec le Sénégal).

Pas vraiment idéal…

Une fois arrivé au Kazakhstan, on avait surtout pensé à récupérer du décalage horaire (plus six heures là-bas). Puis, au retour, on a atterri à 16 h 00. Il a fallu ensuite affronter les embouteillages. Je me suis endormi vers 21 h 30 mais à 3 h 00 du mat’, j’étais déjà réveillé. Il faut donc veiller à la récupération. Cela n’est pas évident pour le Standard de préparer un sommet sans un certain nombre de joueurs. Mais le staff avait tout prévu. Vendredi, on subissait une petite séance de rattrapage avec le visionnage des forces et faiblesses de l’adversaire. On peut encore s’estimer heureux d’avoir joué le dimanche. Les joueurs d’Anderlecht devaient faire acte de présence au stade le jeudi soir et le lendemain, le groupe partait en mise au vert pour le match de samedi. Moi, j’ai au moins eu une soirée tranquille.

Vous comparez votre préparation à celle d’Anderlecht. Trouvez-vous vraiment que les deux clubs soient comparables ?

Comme Anderlecht avait vécu plusieurs Ligues des Champions, il y avait un monde de différence entre les budgets des deux clubs. Le fossé ne cessait de se creuser. Pour le football belge, on ne peut pas se réjouir de l’élimination d’Anderlecht en Ligue des Champions car notre indice UEFA va en pâtir. Comme Belge, je suis d’ailleurs le premier supporter des clubs belges en coupe d’Europe. Néanmoins, leur élimination les rapproche davantage de nous. D’ailleurs, ils ont dû vendre Mémé Tchité et je connais toute la valeur de cet attaquant pour l’avoir connu. Je me dis que c’est un poison en moins dans nos pattes.

L’objectif du Standard est-il devenu le titre ?

Nous voulons offrir quelque chose à nos supporters, que ce soit la Coupe ou le Championnat. Mais on ne sait pas encore comment ce groupe réagira aux coups durs. Au Standard, une bombe peut exploser à tous moments. Cependant, depuis que l’on est à l’Académie Robert Louis-Dreyfus, on est un peu dans un bunker. Dans notre Prison Break, si une bombe explose, on essayera de s’en sortir avec les tatouages de Frédéric Dupré ( il se marre).

par stéphane vande velde – photos: reporters

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