Qui sera troisième?

Emilio et Manu Ferrera analysent les chances des prétendants à l’Europe.

Huit journées restent à disputer. Plusieurs équipes peuvent encore briguer la troisième place européenne. Entre les ambitions des unes et l’incrédulité des autres, Emilio et Manu Ferrera font le point.

Standard (3e, 48 points)

Emilio: « Si le Standard n’est pas encore assuré d’une place européenne, c’est parce qu’il s’est montré trop irrégulier ces dernières semaines. A un moment donné, le trou semblait fait par rapport au quatrième. Aujourd’hui, La Gantoise n’est plus qu’à deux points. On a beau dire que le Standard n’a plus été battu depuis l’arrivée de Michel Preud’homme: le gaspillage a été énorme. La défense évolue très haut: cela signifie qu’il y a des boulevards derrière et, si on joue bien le coup, il y a moyen d’exploiter cette brèche. Les arrières latéraux laissent également beaucoup d’espaces dans leur dos. Chaque perte de balle en milieu de terrain se révèle très dangereuse pour le Standard. Travailler là-bas n’est pas facile: il y a tout le poids du passé et des échecs répétés qu’il faut supporter et qui rendent les gens impatients. Mais avec les moyens dont le club dispose, on devrait pouvoir faire mieux ».

Manu: « Pour moi, le Standard sera européen sans problème. Les Liégeois fêteront cette qualification comme une victoire. A mes yeux, cette saison est pourtant un échec retentissant. Au vu de l’effectif du Standard, il est anormal de terminer à plus de 20 points d’Anderlecht. C’est le deuxième budget du championnat. Il y a des internationaux belges, croates, tchèques et roumains. Le meilleur buteur du dernier championnat n’est que réserviste: cela témoigne de la richesse de l’effectif. S’il y a eu un effet Preud’homme, c’est surtout sur le plan médiatique et affectif. Les journalistes et les supporters ont apprécié qu’une figure légendaire revienne dans son club. Mais dans le jeu et dans les résultats, je ne vois pas d’évolution. Au contraire: je trouve que le Standard était bien parti cette saison avec Tomislav Ivic lorsqu’il a dû renoncer en raison de ses problèmes de santé. L’homme de la situation, c’était peut-être lui. Mais il était hué par tout le stade dès qu’ Ali Lukunku tirait sur le poteau ou que la pluie avait rendu la pelouse trop boueuse ».

La Gantoise (4e, 46 points)

Emilio: « Je partage l’avis de mon frère: la troisième place reviendra au Standard car ses poursuivants perdront encore plus de points que lui. La Gantoise ne sera donc pas européenne. Cela n’ôte rien aux mérites des Buffalos. L’animation du système se base sur les mêmes principes que la saison dernière: une reconversion très rapide de la défense vers l’attaque en cas de perte de balle chez l’adversaire. Ce n’est pas un hasard si on retrouve aujourd’hui les mêmes principes à Bruges. Gand possède aussi des recruteurs qui connaissent leur métier. On n’achète pas un chat dans un sac. Les joueurs qui sont partis, comme Ivica Dragutinovic et Ole-Martin Aarst, ont été bien remplacés. Ahmed Hossam et Alexandros Kaklamanos sont d’excellents joueurs. Les Français qui ont débarqué ne sont pas des manchots non plus. Le succès de La Gantoise s’explique doublement: il y a du contenu sur le terrain et une équipe de scouting très performante en dehors ».

Manu: « D’aucuns affirment qu’ils ont bénéficié de beaucoup de chance pour remporter leurs matches. Lorsque les performances se répètent pendant vingt-six journées et que l’équipe avait déjà obtenu le même classement la saison précédente, on ne peut plus parler de chance. Le jeu de La Gantoise n’est peut-être pas séduisant, mais il est efficace. L’effectif se compose de joueurs d’expérience, qui ne paniquent pas dans les moments difficiles et qui peuvent s’appuyer sur un système bien au point. La Gantoise choisit minutieusement son entraîneur: Patrick Remy poursuit actuellement le travail de Trond Sollied. Et si l’épisode Henk Houwaart s’est soldé par un échec, le limogeage est surtout la conséquence du 0-6 encaissé contre Ajax ».

Mouscron (5e, 44 points)

Emilio: « Ce qui manque à Mouscron, c’est un esprit conquérant. J’ai été très étonné, en allant jouer là-bas avec Beveren, d’entendre Hugo Broos déclarer avant le match que les ambitions européennes avaient été mises au placard. Or, si l’Excelsior remportait ce match-là, il revenait à trois points du Standard. Si l’entraîneur n’y croit plus, pourquoi les joueurs devraient-ils y croire? Le discours de Broos est trop empreint de modestie. Car Mouscron est un club impressionnant. J’ai été surpris par le stade, les tribunes, les infrastructures, la qualité de la pelouse et l’encadrement professionnel offert aux joueurs. Commercialement, cela bouge énormément aussi. Si l’Excelsior m’impressionne en dehors du terrain, son effectif m’impressionne aussi. Une force de frappe offensive de ce calibre-là se voit rarement dans notre championnat. Mouscron va de nouveau terminer 4e ou 5e. Comme d’habitude. J’ai l’impression que les Hurlus se contentent trop facilement de ces places d’honneur. Pour moi, c’est un échec ».

Manu: « J’ai entendu des joueurs déclarer: -Désormais, on va jouer pour les primes et pour se faire plaisir! Ces joueurs-là, on devrait les mettre à l’amende. Comment peut-on déclarer cela lorsqu’on se trouve à cinq ou six points d’une place européenne? En fait, ils prolongent simplement le discours d’Hugo Broos. Est-ce du réalisme? Si l’on compare les effectifs, il est évident qu’il n’y a pas photo entre celui du Standard et celui de Mouscron. Mais si le Standard s’amuse à trébucher, c’est aux autres à en profiter. Ce que Mouscron ne fait pas. Jean-Pierre Detremmerie affirme qu’il faut laisser le temps au temps. C’est le genre de discours que l’on tient lorsqu’on a raté le coche! Si on peut être européen cette saison-ci, pourquoi faut-il attendre cinq ans? Veut-on éviter de mettre la pression sur les joueurs? Si c’est le cas, c’est une erreur: avec des sportifs, on n’obtient des résultats qu’en mettant la pression! »

Lokeren (6e, 43 points)

Emilio: « Lokeren est une équipe redoutable à domicile et qui prend de temps en temps des points en déplacement grâce à son habilité à jouer la contre-attaque et à son efficacité sur les phases arrêtées: une caractéristique des équipes de Georges Leekens« .

Manu: « Le recrutement est souvent judicieux: au niveau des Africains, mais aussi des Islandais ou des joueurs de l’Est. Ce n’est pas un hasard: c’est le fruit des contacts développés dans ces pays-là et du flair de Willy Verhoost. Tout le monde peut y aller, en Afrique, mais tout le monde ne parvient pas à dénicher un joueur de la qualité d’ Olufade. Cette politique rapporte énormément d’argent au club et lui permet de subsister, voire de réinvestir pour progresser. Le revers de la médaille, c’est que ces joueurs sont souvent partis pour répondre aux obligations de leur équipe nationale. Cela coûte chaque année des points à l’équipe. Autre raison pour laquelle Lokeren ne parvient pas à franchir un palier supplémentaire: chaque année, le club doit laisser partir les joueurs qui se sont révélés. Il faut donc toujours recommencer à zéro. Où serait Lokeren s’il avait pu conserver Jan Koller, Souleymane Youla et tous les autres? »

GBA (7e, 42 points)

Emilio: « Cette équipe est incapable de prendre des points en jouant mal. Au contraire de La Gantoise, qui se révèle d’une efficacité déconcertante malgré une prestation désastreuse. Pour le GBA, le score est toujours le reflet du jeu développé sur le terrain. Dans un bon jour, l’équipe s’impose 3-0 ou 4-0 et l’adversaire n’a pas droit au chapitre. Par contre, si les Anversois ne parviennent pas à développer leurs combinaisons, ils seront irrémédiablement battus. Cela explique la faiblesse du GBA en déplacement, là où il est difficile de bien jouer. A l’exception des coups francs de Marc Degryse, le GBA marque aussi très peu sur des phases arrêtées. Il y a de grosses individualités dans l’effectif, mais si on affirme que la caractéristique des grandes équipes est de prendre des points en jouant mal, le GBA n’en est pas une ».

Manu: « Le GBA est revenu de loin et s’est lancé dans un sprint échevelé. D’aucuns en faisaient l’équipe du deuxième tour. Une défaite à Alost l’a relégué à la 7e place. J’ai l’impression que les joueurs se concentreront davantage sur la Coupe de Belgique, à l’avenir. Le GBA peut encore lutter sur deux tableaux pour être européen, mais cette lutte risque de se révéler perdue d’avance en raison des liens qui unissent le club à l’Ajax ».

Westerlo (8e, 42 points)

Emilio: « Un peu comme Lokeren, Westerlo est passé maître dans l’art du recrutement. Le manager Herman Wijnants est un fin connaisseur. La philosophie du club est claire: on fait appel à des anciennes gloires comme Marc Schaessens et Frank Dauwen, qui apportent leur expérience à des jeunes talents qui ne demandent qu’à éclore. Les résultats de Westerlo ne sont pas exceptionnels. Il y a de la qualité dans l’effectif ».

Manu: « Westerlo a de gros atouts offensifs: Lucas Zelenka est capable de faire basculer un match sur une action individuelle. Mais l’équipe n’a pas d’assise défensive. J’ai lu que Westerlo avait livré une superbe prestation contre Anderlecht. Or, les Campinois ont offert 21 occasions de but au Sporting! Ce n’est pas un hasard si le gardien de Westerlo se met toujours en évidence. Que ce soit Franky Frans autrefois, Bart Deelkens en début de saison ou Jonathan Bourdon actuellement. Ils sont bombardés à longueur de match. Avec une base aussi peu solide, il est difficile d’avoir des objectifs à long terme ».

Daniel Devos

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