» Qui sait si on ne trouvera pas le successeur de Witsel ? »

A 24 ans, l’arrière du Standard a suffisamment de maturité pour ne pas trembler en évoquant l’avenir :  » Je crois pleinement au projet qui se met en place. « 

Une bonne équipe de football ressemble à un parlement avec ses hommes de gauche, ses troupes du centre, ses éléments de droite. La saison passée, après des questionnements, Sébastien Pocognoli est monté dans les tours en même temps que ses équipiers. Il a réalisé à partir du mois de janvier une campagne de toute beauté. Le Liégeois a probablement été le meilleur arrière gauche de D1 sur l’ensemble de la saison 2010-2011. Ses prochains défis seront différents. Après une dernière moisson exceptionnelle (vice-champion, Coupe de Belgique), l’heure est à la transition et à la reconstruction entre deux époques.

Les départs de piliers importants n’effrayent pas du tout l’expérimenté latéral du Standard :  » Un club ne peut pas dépendre d’un ou deux joueurs aussi brillants et importants soient-il. Une équipe doit se régénérer sans cesse : d’autres prendront leur place. Et ils réussiront aussi à Sclessin, à leur façon, avec leurs moyens. Moi, je crois pleinement au projet qui se met en place.  » Il n’est pas du style à estimer le présent incertain et l’avenir anxiogène…

Quelles grandes leçons tirez-vous de la saison 2010-2011 ?

Sébastien Pocognoli : Je n’oublierai jamais ce que nous avons vécu. C’est pour cela que je suis revenu au Standard. Il y a eu une osmose extraordinaire entre l’effectif et les supporters de notre club. Il y a eu un déclic à partir du mois de janvier, après l’arrivée de Kanu. Il était le pion manquant. Les choses se sont mises en place en défense et, quelque part, le point faible est devenu le point fort de notre équipe. Le Brésilien nous a apporté son calme, son métier et sa façon de trouver ses complémentarités avec tout le monde, surtout avec Eliaquim Mangala. Cela n’enlève rien aux mérites de Laurent Ciman qui a dépanné au centre de la défense, avec bonheur et professionnalisme, alors qu’il se destinait davantage à l’arrière droit, sa place en équipe nationale. Laurent a aussi aidé Mangala et a disputé 80 % de nos matches la saison passée, cela veut tout dire…

La défense du premier tour se résume en une image : la collision aérienne entre Mangala et Felipe…

Je ne m’attarderai pas sur ce fait de jeu mais Eliaquim avait tout simplement besoin des conseils d’un guide. Il est jeune, ce n’est qu’un début pour lui. Il avait tendance à se disperser, à vouloir tout faire, à se précipiter. C’est un énorme bosseur sur le terrain et il doit canaliser cette énergie, choisir ses moments, surtout quand il veut mettre le nez à la fenêtre comme il est capable de le faire. Mangala a été le meilleur arrière central des plays-offs, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Son aisance m’a été profitable aussi. J’ai aussi bénéficié de l’effet Kanu…

Où s’arrêtera Mangala ?

Personne ne le sait. Son potentiel est considérable, surtout si on songe à ses atouts athlétiques. Il y a le reste comme la technique, la sérénité, la lecture du jeu. Tout cela requiert du temps et du travail. Je suis épaté par la qualité de son écoute. Pour lui, chaque entraînement doit être mis à profit pour progresser. Si tout va bien, il atteindra un jour le top européen. Il m’a impressionné tout au long des play-offs. Je n’ai pas été le seul, il me semble…

 » Jelle ne renonce jamais « 

A gauche, un duo ultra-solide s’est formé, non ?

Oui mais on peut parler de quatuor…

Quatuor ?

Mangala-Camara-Pocognoli-Van Damme. C’était très important pour moi. J’étais couvert derrière, sur le côté et j’ai vite trouvé les fils avec Jelle. Van Damme n’est pas un fin technicien mais qu’est-ce qu’il apporte à notre équipe, c’est exceptionnel ! Jelle ne renonce jamais, s’engage à fond, pèse sans cesse sur l’équipe adverse, est craint…

On a dit qu’il était la locomotive derrière laquelle on a accroché les wagons…

Jelle a été important pour moi. Quand je suis arrivé au Standard, je voulais trop bien faire et j’ai accordé la priorité à mon job offensif.

C’est ce que Dominique D’Onofrio vous a parfois reproché ?

Oui, nous avons parfois discuté, c’est sûr. C’est normal et ce fut notre seul petit problème. Mais cela a été grossi. Le Standard croyait en moi et Luciano D’Onofrio a mis pas mal d’argent sur la table pour m’acheter à l’AZ. Je venais d’un championnat plus ouvert et il a fallu que je me réadapte. J’ai compris : je suis d’abord un défenseur, ce qui ne m’empêche pas de me montrer dans le camp adverse. Je ne dois pas le faire 20 fois mais entreprendre mon effort au moment le plus indiqué. Van Damme m’aide beaucoup dans ce boulot. Nous combinons facilement. Les couvertures et les automatismes sont au point. Et on peut élargir la donne : quand Koen Daerden joue, c’est la même chose car tout le monde connaît son travail. J’accorde donc la priorité à mes obligations défensives et si j’ai l’occasion de mettre le nez à la fenêtre, je le fais : ce sont les petits extras qui pimentent un bon match.

Sans la blessure de Mehdi Carcela, le Standard aurait-il été champion à Genk ?

Oui, j’en suis persuadé. Les Limbourgeois ne nous avaient pas mis sous pression avant la blessure de Mehdi. Son retrait a désorganisé l’équipe. Nous avons vécu une aventure unique en son genre : qualification pour les PO1 au sprint, 10 matches sans défaite, remontée extraordinaire au classement général. Nous avons été l’équipe des PO1 mais Genk, sur l’ensemble de la saison, est un beau champion. J’étais déçu pour nous mais content pour Genk.

La Coupe a constitué plus qu’un lot de consolation, non ?

Evidemment, je ne dis pas que ce fut la plus belle finale de l’histoire mais nous l’avons gagnée, c’est ce qui comptait par-dessus tout. Et ce succès, le Standard l’a obtenu quatre jours seulement après le match de Genk. Cela donne quand même une idée des valeurs de cet effectif.

Le Standard 2010-2011 risque d’être dévalisé : le départ d’Axel Wistel a attiré le regard d’autres clubs vers d’autres joueurs importants saoulés de chiffres par des agents et autres intermédiaires…

Je ne sais pas, je me concentre sur mon travail. Axel a tout connu au Standard avec deux titres, une Coupe de Belgique, le Soulier d’Or, de grands matches européens. Son départ s’inscrit logiquement dans le film de sa carrière. Je comprends parfaitement son transfert vers un grand club. Benfica compte dans le paysage du football européen. Il aurait probablement été tentant de passer tout de suite dans les rangs d’un géant d’Espagne, d’Italie ou d’Angleterre. A mon avis, Axel veut plus de points de repère, sans rien précipiter. Il se donne le temps de se situer dans un championnat plus huppé que le nôtre avant de viser plus haut. Les premiers échos sont très positifs : Benfica sera une étape vers le top pour Axel Witsel, cela ne fait pas de doute. C’est un choix intelligent. Il augmente ses chances de réussite internationale à long terme. Un échec au top du top dès cette saison aurait peut-être pour effet de lui fermer des portes. Voilà pourquoi le choix de Benfica est bien vu…

 » Personne n’est jamais indispensable « 

La ligne médiane est décapitée…

Pourquoi ?

Plus de Witsel, premier départ important avant que d’autres soient emportés par les bruits ou les réalités des transferts : Opare, Carcela, Mangala, Defour, Tchité, Kanu…

Je ne me mêle pas de la politique du club. Ce n’est pas à moi de faire des commentaires sur ceux qui sont partis ou pourraient partir. Moi, je suis là pour jouer, pour rendre service à mon club. A partir de là, je sais aussi, et c’est bien comme cela, que personne n’est jamais indispensable. Il y a eu d’autres excellentes générations avant celle-ci ; il y en aura encore d’autres après. Qui sait si on ne trouvera pas le successeur de Witsel ? La roue tourne….

Comme pour Camara, n’est-ce pas ?

Il y a six mois seulement, on ne connaissait pas Pape Camara. Lui aussi doit encore beaucoup apprendre, dompter son tempérament, agir avec plus de lucidité – qu’on acquiert avec le temps de jeu-, et il confirmera probablement tous ses progrès. C’est un remarquable récupérateur qui a l’art de nettoyer les ballons. Mais, à son âge, on ne peut pas lui demander de garder la balle et d’être le meneur de jeu de l’équipe. La preuve : il était encore plus à l’aise avec Steven Defour auprès de lui. Camara a encore besoin d’un guide. Tout le monde sera peut-être très étonné par notre parcours cette saison, comme c’est souvent le cas en football… Yoni Buyens, entre autres, n’est pas venu ici sans ambition. Il a du talent et sait que le Standard peut être une superbe rampe de lancement. Le succès de Witsel constitue une source de motivation.

José Riga est totalement différent par rapport à Dominique D’Onofrio…

Je n’aime pas faire ce genre de comparaisons. Cela ne sert à rien, c’est même inutile. Après Ronny Van Geneugden et Hugo Broos, j’ai connu Louis van Gaal, Ronald Koeman et brièvement Dick Advocaat à l’AZ : tous m’ont apporté quelque chose. Je crois aux projets. J’ai cru en celui de Dominique, sans quoi je ne serais pas venu au Standard et je crois pleinement dans le projet de José Riga. Il faut travailler comme on l’a fait la saison passée et…

Sans revenir aux comparaisons, on peut quand même dire que Dominique savait secouer son groupe. C’était la grinta à la Conceiçao, n’est-ce pas ?

Une fois encore, chacun son style. On connaissait Dominique et Sergio. Ils nous ont emmenés loin, le reste, c’est de la littérature. Je préfère les gens qui vous disent en face ce qu’ils pensent. On sait alors à quoi s’en tenir. Je suis habitué. En Hollande, j’ai connu cela et je donnais aussi mon avis. Mais une page a été tournée et il faut aborder un nouveau projet. On recommence autre chose avec d’autres joueurs, c’est vrai, mais surtout avec un acquis. Il y a des joueurs qui sont partis mais il y en a d’autres qui sont restés et qui ont gagné des titres. C’est quand même une richesse aussi…

Le style de jeu va changer aussi…

Chaque coach a ses spécificités mais le Standard a un style et tout n’a pas changé après les vacances…

Je veux dire par là que Riga comme Jean-François de Sart, le directeur technique, est plus adepte que DD d’un jeu plus lié, plus construit dans la ligne médiane : pas vrai ?

La verticalité a constitué une des armes du Standard et quand on a des attaquants comme Mémé Tchité et Aloys Nong, c’est normal. Mais, même s’il y a eu des périodes de précipitation, tout a été mis en place pour que le Standard varie les armes, soit plus patient à la construction. A mon avis, les accents ne seront pas très différents même si on tentera de fluidifier encore plus le jeu. Quand j’observe l’effectif, je me dis que cette équipe doit viser les PO1 et la Coupe sans avoir peur des comparaisons. La saison 2010-2011, c’est déjà le passé et il faut penser à autre chose. Moi, c’est comme cela que je raisonne : on ne peut pas progresser en gardant un £il dans le rétro. Il faudra peut-être un peu de temps pour mettre les choses en place. En 2010-2011, le premier tour de la phase classique ne fut pas de tout repos. Je préférerais ne plus vivre cela quand même.

 » Il n’y a que les grands joueurs qui peuvent planifier leur carrière « 

Le changement d’actionnaire a-t-il été perturbant ?

En un an et demi, j’ai connu trois coaches (Laszlo Böloni, Dominique D’Onofrio, José Riga) et deux présidents. Mais je me dis que je suis lié au club et que le changement d’actionnaires ne doit pas perturber le vestiaire.

Avez-vous encore des contacts avec Luciano D’Onofrio ?

Non et je n’en ai jamais eu beaucoup. C’est un homme discret. Il me voulait absolument au Standard et cela m’a fait plaisir. Mais je ne le connais pas bien. J’ai travaillé avec Dominique.

A 24 ans, vos ambitions vous mèneront-elles un jour vers un autre grand club ou une nouvelle aventure à l’étranger ?

Moi, ce qui m’intéresse, c’est le prochain match. Il n’y a que les grands joueurs qui peuvent planifier leur carrière. Pour les autres, il y a trop de facteurs qui leur échappent. Une carrière peut dépendre de tant de choses. J’ai 24 ans et ce qui m’importe maintenant, c’est de vivre une saison régulière, sans haut et bas. A partir de là, on verra ce qui se passera…

Et l’équipe nationale ?

Oui ?

10 caps seulement, c’est peu alors qu’il y a un problème au back gauche, non ?

Je ne veux pas me comparer à des joueurs qui évoluent à Arsenal et dans d’autres clubs du top européen. C’est au coach de faire ses choix. L’équipe nationale, c’est l’objectif de tous les footballeurs professionnels. C’est donc aussi le mien. Et là comme pour tout le reste, il n’y a pas de secret : cela passera par une saison régulière au Standard.

PAR PIERRE BILIC

 » Le Standard a un style et tout n’a pas changé après les vacances… « 

 » Je suis d’abord un défenseur et les montées sont les petits extras qui pimentent un bon match. « 

 » Mangala a été le meilleur arrière central des plays-offs. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire