Qui protège VDE ?

Vandereycken a profité du vide de vrai pouvoir décisionnel pour imposer sa personne, son analyse et ses contrats à la Fédération.

Quand René Vandereycken est arrivé à la Maison de verre – il y a de cela moins de deux ans – cela devait être le renouveau. Les visages étaient souriants et on prévoyait des jours meilleurs. Pourtant, ceux-ci ne se sont jamais pointés et les nuages continuent à obscurcir le ciel. Avant, les résultats n’étaient pas brillants mais la rigueur défensive du Roi René allait faire merveille. On revenait enfin à nos principes ancestraux. Ceux qui avaient ciselé notre gloire d’antan. Tout le monde applaudissait et les rares voix discordantes ne portaient pas assez fort.  » Connaissant René, je suis sûr qu’il a bétonné son contrat « , lançait pourtant un proche de l’Union Belge.

Et c’est là que le bât a commencé par blesser. Dans un souci de renouveau, les dirigeants de l’époque se sont dits qu’on n’attirait pas les mouches avec du vinaigre. Au diable l’avarice si le salut passe par là… On parlait d’entraîneur étranger ou d’ Eric Gerets. Tout le monde était conscient que cela avait un prix. Finalement, on n’a eu ni l’un, ni l’autre mais Vandereycken a profité de l’air du temps. Et l’Union Belge lui a consenti le salaire promis aux grands entraîneurs cités.

Les finances ne le permettaient normalement pas. Mais il s’agissait d’une sorte d’avance sur l’avenir qui ne manquerait pas d’être radieux. Moins de deux ans plus tard, voilà le football belge pris en otage par une politique bien peu réfléchie. Car si on avait analysé un peu la situation, on pouvait se rendre compte que Vandereycken ne possédait pas de carte de visite lui permettant de bénéficier d’un tel traitement. Deux ans plus tard, son bilan sportif, lors des éliminatoires de l’Euro, est catastrophique : trois victoires (dont une seule probante face à la Serbie) et des revers en veux-tu en voilà (cinq défaites et deux matches nuls). Au classement FIFA, la Belgique est désormais coincée entre le Honduras et la Zambie. Aucun entraîneur au monde n’aurait survécu à un tel naufrage.

Mais le bon Roi René est toujours là. Pourquoi ? Non seulement il coûte cher mais en plus il dispose d’un double contrat : un d’entraîneur et un pour la recherche de sponsors… Actuellement, ses finances n’étant pas bonnes, l’Union Belge sacrifie l’avenir sportif de nos Diables Rouges en se disant que cela ne sert à rien d’engager un nouveau coach avant la fin du bail de Vandereycken. La justification : de toute façon, nous avons perdu toute chance de nous qualifier pour l’Euro. A quoi bon payer deux entraîneurs (le licencié et le nouveau) pour relever un défi impossible ?

Bref, tout le monde a compris depuis un certain temps que Vandereycken n’était plus l’homme de la situation mais il trouve encore des défenseurs à la fédération. Qui le défend ?

La commission quoi ?

C’est la commission technique (CT) qui a décidé de rendre un rapport positif sur Vandereycken. Quand on essaye de savoir qui fait quoi à la Fédération, on se heurte à un renvoi d’ascenseurs.  » Je ne prendrai aucune décision avant d’avoir entendu le principal intéressé « , lâchait le président François De Keersmaecker il y a quelques mois. Lui ne décide pas grand-chose. On se tourne alors vers l’organe que l’on dit le plus influent.

 » Nous n’avons pris aucune décision. Nous n’avons fait qu’avaliser le rapport de la CT « , nous explique Guy Lambeets, membre du comité exécutif.

Et quand on creuse pour mieux saisir les arcanes de la Maison de verre, on nage en plein surréalisme. Personne ne sait vraiment définir le rôle de cette CT.  » Il vaut mieux téléphoner à Michel Sablon, le directeur technique national. Lui saura exactement vous expliquer car même moi, je m’y perds « , nous dit le porte-parole de l’UB, Nicolas Cornu, qui coupera par la suite son téléphone pour ne plus être dérangé.

 » Avez-vous déjà appelé Antoine Van Hove ? », nous réplique Sablon,  » Il préside cette commission et il saura certainement mieux définir son travail « . Quant à Van Hove, il ne dit rien, il se méfie sans doute de ces méchants journalistes qui enquêtent. Finalement, retour à Sablon. Celui-ci prendra quelques minutes pour éclaircir notre lanterne.

Autre exemple de cet imbroglio : quand nous téléphonons à un membre pour qu’il nous explique son travail, il répondra :  » Retéléphonez moi vers 16 heures. Je serai au bureau et je pourrai consulter Internet « .

Question :  » Mais pourquoi avez-vous besoin d’Internet pour répondre à mes questions qui porteront sur vos activités ? »

Réponse :  » Vous allez sûrement me demander qui fait quoi dans cette commission. Or, je ne connais pas tous les membres. De la sorte, j’aurai la liste sous les yeux « .

Liant entre les différents niveaux

Flash-back. En tant qu’ancien entraîneur fédéral, Robert Waseige résume ses rapports avec les instances fédérales.  » Très sincèrement, la CT ne constituait pas un barrage quelconque pour l’entraîneur. Les réunions se déroulaient dans un climat décontracté et je ne me souviens pas qu’on ait beaucoup discuté de l’équipe nationale. On parlait surtout des jeunes. Avant l’Euro 2000, on a mis sur pied un agenda et on parlait beaucoup des stages ou des hôtels. Mais je me suis toujours demandé quelle était la véritable fonction de cette commission. Pour être honnête avec vous, je dois vous avouer que je n’avais pas été mis au parfum que cette commission constituait l’organe dont je dépendais « .

Mais à qui donc Waseige devait-il rendre des comptes ?  » Je n’en sais rien « . C’est dire l’opacité qui entoure le rôle de cet aréopage.

A l’époque, c’était Karel Vertongen qui présidait cette assemblée.  » J’avais de très bonnes relations avec lui « , ajoute Waseige,  » Il était disponible et discret, ce qui constitue à mes yeux deux immenses qualités que l’on a pourtant beaucoup raillées. Il préparait l’essentiel des ordres du jour. Parfois, il me prenait à part et me disait les problèmes qui auraient pu être soulevés durant la réunion. Il le faisait avec tact. Il me prévenait en quelque sorte pour que je puisse fourbir mes armes et préparer mon argumentaire « .

Sous l’ère Waseige, la CT servait plus de lieu de palabres que de décision.  » Elle servait à maintenir le contact. A ce niveau-là, il s’agissait d’une assemblée intéressante qui officiait comme liant entre différents niveaux. L’organe le plus influent était clairement le comité exécutif « , précise Waseige.  » Mais tous les arcanes étaient tellement compliqués que je ne me souciais pas beaucoup de la structure interne de la fédération. Jan Peeters, qui était le président, et Germain Landsheere, le trésorier (toujours en place) étaient les gens avec lesquels je devais rester en contact. Pour le reste, je n’avais aucune raison de faire rapport à qui que ce soit puisque Vertongen était souvent sur place. Il pouvait juger mon travail de ses propres yeux et se rendre compte de l’atmosphère qui régnait dans le groupe « .

Commission croupion

En fait, la CT ne trouve sa raison d’être qu’en raison de l’amplitude du comité exécutif.  » Avec 23 personnes, ce n’est pas facile de fonctionner « , nous explique un membre influent.  » Parfois, il convient de baliser le terrain. C’est là qu’intervient la commission technique. Elle prépare les travaux. Elle donne son avis car on sait déjà sentir à l’intérieur les divergences d’opinion qui ne manqueront pas d’animer le comité exécutif. Elle permet de sentir le pouls de la fédération. Quand il y a une décision importante à prendre, ce n’est évidemment pas la CT qui va le faire. Elle laisse cela au comité exécutif mais elle donne le ton « .

Certains lui reconnaissent un certain pouvoir. D’autres aucun.  » C’est une commission croupion qui n’a rien à dire « , nous révèle un proche de l’Union Belge.  » On n’en parle jamais car quand elle se réunit, elle ne communique pas. Elle part du principe qu’elle doit toujours faire rapport au comité exécutif avant d’en parler devant la presse. Ce qui explique que personne ne sait à quoi elle sert, ni ce qu’elle fait. Souvent, on se doute des sujets de discussion mais cela ne va pas plus loin. Parfois, elle sait convaincre le comité exécutif mais c’est rare « .

Pourtant, c’est toujours derrière la CT que les dirigeants se cachent pour éviter de prendre une décision lourde de sens (ou de conséquence).  » Officiellement, c’est le président de cette commission qui a décidé de faire confiance à Vandereycken mais quand quelqu’un doit être limogé, c’est rarement lui qui imprime le rythme. Dans le cas qui nous occupe, c’est davantage le nouveau secrétaire général Jean-Marie Philips ou Landsheere qui ont protégé l’entraîneur. Même le président fédéral n’a pas eu vraiment droit au chapitre. Vandereycken est arrivé sur proposition de Michel Preud’homme. Lui avait du poids et de l’influence. Il voulait modifier le fonctionnement de cette commission. Sa présidence correspond sans doute à l’âge d’or de la CT. Vandereycken est arrivé à la Fédération, poussé par Preud’homme, l’ex-secrétaire général Jean-Marie Houben et Jan Peeters. Or, aujourd’hui, ceux qui ont avalisé son double contrat ne sont plus là. Au lieu de se retrouver isolé, en l’absence de ses protecteurs, Vandereycken profite pleinement du vide à la tête de l’Union Belge « , ajoute ce proche.

Vandereycken était présent quand on a dû juger son travail

La CT comprend 19 membres dont des techniciens (Vandereycken, Sablon, mais aussi Marc Van Geersom, entraîneur des – 19 ans ou Jean-François de Sart, entraîneur des Espoirs, qui n’est cependant pas repris sur le site de l’Union Belge !), des membres du comité exécutif (comme Herman Wijnants, le patron de Westerlo), des membres de la commission jeunes et des dirigeants fédéraux influents (le président, le trésorier ou Philips).

 » Elle se réunit une fois par mois « , nous éclaire Michel Sablon,  » et gère les activités sportives de la fédération (équipes nationales, la formation, les jeunes). Les entraîneurs concernés proposent un programme et la commission l’avalise. Les réunions sont réparties en deux points. Le premier concerne les jeunes, le second le foot pro. C’est dans la seconde partie que l’on discute des équipes A, olympique et Espoirs. Tout le monde n’assiste pas à tout. Souvent, les membres de la commission des jeunes partent quand leur volet est terminé. Parfois, ils restent mais c’est rare. Quand on parle de l’équipe nationale, on part d’un rapport ou d’une évaluation faite par l’entraîneur fédéral lui-même « .

Les entraîneurs décriés participent aussi à la discussion. Concrètement, cela signifie que Vandereycken était présent quand on a dû le juger ! Or, on sait que les gens préfèrent souvent parler de quelqu’un en l’absence de celui-ci…

Ensuite, intervient logiquement un vote.  » Je n’en ai connu qu’un en deux ans « , explique un membre. Le président de la CT fait ensuite rapport au comité exécutif. Quel est le poids du président de la CT ? Aucun. C’est avant tout un démineur et un diplomate. D’ailleurs, quand on essaye de savoir comment on a abouti à la nomination d’Antoine Van Hove, on nous répond :  » Bruges voulait s’en débarrasser car il gênait dans un premier temps Marc Degryse puis Luc Devroe. Van Hove le sait et s’accroche à ce poste car c’est tout ce qu’il lui reste « .

François De Keersmaecker participe également aux discussions de la CT.  » Il n’assiste pas toujours aux réunions. Il n’y est d’ailleurs pas obligé. Il vient quand il veut « , dit Sablon.

Officiellement, les décisions sont prises par la CT mais officieusement, c’est donc le comité exécutif qui dicte la marche à suivre.  » Si on décide de garder l’entraîneur ou de limoger, ce n’est pas parce que la CT le veut. C’est le comité exécutif qui dicte son bon vouloir, en donnant des coups de téléphone ou par des discussions de couloir. Nous, on ne fait que confirmer la tendance générale « , ajoute un membre.

par stéphane vande velde – photos: reporters

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