QUI LE CONNAÎT ?

Quatre amis esquissent un portrait tranché du coach flandrien qui affronte Anderlecht samedi.

F rancky Dury entraînait Beveren-Leie, en P3, depuis deux semaines, quand il a secoué son noyau : avec un point en deux matches et trois exclusions, il fallait réagir. Ceux qui n’étaient pas d’accord pouvaient s’en aller. Le capitaine claqua la porte. Cinq semaines plus tard, le club comptait onze points sur 14 et était en tête. Et le président demanda à Dury si le capitaine pouvait revenir ?

Un ancien coéquipier

Henk Coucke était avant à Hulste il y a 25 ans, Dury était arrière droit.  » Francky était un battant. Quand nous jouions à deux contre deux, les perdants devaient payer un verre aux autres. Francky a bu beaucoup de bières sur le compte des autres. Il fait ce qu’il dit : s’il affirme qu’il va rouler 40 kilomètres en VTT, il le fera, même s’il pleut des seaux. Il admet une défaite malheureuse si son équipe a bien joué mais comme contre Beveren, sans engagement, il ne le supporte pas. Il reconnaît ses propres erreurs. Il a le don d’analyser un joueur, une équipe. En dix minutes, il connaît la forme d’un footballeur. Il retire le maximum de son équipe. Il ne doute jamais et une fois son opinion faite, il ne se laisse pas influencer. Francky apprécie les joueurs qui se connaissent. Il est réaliste mais offensif. Beaucoup de joueurs ont éclos sous sa conduite.

Francky a des principes. Il a une devise : le travail est toujours récompensé. Lorsqu’il donne des consignes, il ne se répète pas. Il ne cherche pas à quitter Zulte Waregem. Willy Naessens ne le limogera pas après trois mauvais matches et il apprécie la sécurité. Pourtant, il réussirait dans un grand club bien structuré une fois qu’il aurait formé son équipe.

Comment lui faire plaisir ? En l’emmenant voir un club étranger à l’£uvre. Pour la Licence Pro, il a suivi Foppe de Haan à Heerneveen. Il en parle toujours « .

Un ancien joueur

Philippe Huyzentruyt dirige l’entreprise de construction qui porte son nom. Il est sponsor de Zulte Waregem depuis le début de la saison. Il a joué à Beveren-Leie quand Dury l’entraînait.  » Il imposait une discipline excessive pour notre niveau. Pourtant, nous nous apprécions. Il est droit, franc. Après l’entraînement, nous allions au bistrot et nous parlions jusqu’à deux ou trois heures du matin. Sa passion et sa profondeur me fascinaient. Il améliorait l’équipe. Ses exercices étaient parfois compliqués mais il savait ce qu’il faisait. Nous avons vécu deux promotions sous sa direction. Un jour, en P2, il m’a dit qu’il ne m’alignerait pas contre Kuurne. Je savais quand même que je ne m’étais pas bien entraîné ? Il m’a lancé à la mi-temps puis m’a retiré après 25 minutes car je n’étais pas bon. C’est tout lui. Il a une vision, un objectif. Les noms ne comptent pas. Il assume les problèmes qui découlent de son attitude. Il fait preuve d’empathie.

Notre contrat avec Zulte Waregem prévoit une remise en question si Willy Naessens et Francky Dury n’en font plus partie… Il s’applique en tout. Allez jouer au squash ou rouler à vélo avec lui ! Récemment, je lui ai demandé de venir discuter une demi-heure de son métier pour des clients. Vous auriez vu avec quel soin il avait tout préparé ! Il n’est pas dictateur mais perfectionniste. Il aime savoir, contrôler. Si quelque chose ne marche pas comme il le pensait, il ne cherche pas d’excuses mais des motifs. Je ne sais pas grand-chose de sa vie privée. C’est son jardin secret. Il ne le dévoile à personne « .

L’entraîneur des gardiens

Yves Vermote a fait la connaissance de Dury en 1984, en première année de l’école d’entraîneurs de Roulers.  » Nous sommes tous deux de Harelbeke. Nous partagions les frais de déplacement. La deuxième année, Francky est devenu entraîneur des jeunes de Harelbeke, en D2, où je m’occupais des gardiens. Quand Harelbeke est monté en D1, il m’a dit : – Yves, tu es en D1 et moi seulement en Promotion. Pourtant, il était déjà un coach de la nouvelle génération. Avant, on embrassait souvent cette carrière parce qu’on s’était fait un nom comme joueur.

Il n’était pas encore fasciné par les systèmes de jeu. Ses ambitions ont grandi au fil des saisons. A chaque étape, il constatait que son approche fonctionnait. Il ne prend jamais de décisions impulsives. Francky est un matheux. Contrairement aux coaches de l’ancienne génération, il n’improvise jamais à l’entraînement. Il note tout, s’occupe de tout, même des vareuses si elles ne sont pas prêtes à temps. Je me demande parfois où il trouve le temps de réfléchir. Il est bien plus complet que la plupart des entraîneurs avec lesquels j’ai travaillé. Il a bâti sa carrière en 20 ans, pierre par pierre, en se remettant sans cesse en question. Il ne brigue pas un autre club car Zulte Waregem a encore une marge de progression. Frank est un vainqueur. Il veut les trois points. S’il ne les a pas, il a besoin d’un moment pour se reprendre. La saison passée, Dominique D’Onofrio l’a félicité alors que nous avions perdu à domicile. Francky m’a confié : -Je ne veux pas revivre ça.

Je combine mon boulot d’entraîneur avec ma carrière chez Belgacom. J’ai quatre enfants. Pas Francky. Le football est son enfant. Comment lui faire plaisir ? Par un compliment, un sms quand il a bien travaillé. Francky n’est pas matérialiste « .

Le président

Willy Naessens et Dury travaillent ensemble depuis onze ans.  » Nous sommes des frères siamois. Deux fois par semaine, nous discutons une heure de football. Nous avons la même mentalité, même si je suis plus calme que lui. Il réagit vite, avec virulence. Comment le décrire ? Il est droit, franc, enclin au pardon, psychologue. Il est ouvert, désireux d’apprendre mais jamais content : si un joueur franchit un mètre, il doit progresser d’un centimètre le lendemain. Après une défaite, je le laisse tranquille car il est furieux, avant tout sur lui-même.

Je connais l’entraîneur. L’homme ? A 75 %. Il se connaît. Son fanatisme ne convient pas à cette société où beaucoup ne veulent pas placer la barre trop haut. Contrairement à ses collègues, il fait partie du club, il n’est pas un passant. Il est mon bras droit, mon homme de confiance. Il va de soi qu’il achèvera au moins la saison.

Il s’est calmé avec les années. Avant, alors qu’il entraînait les Réserves de Renaix, je l’ai vu déchaîné. En Promotion, il ne pouvait être trop exigeant et ça le mettait en rage. Il se disputait avec les joueurs, avec les supporters. Si, demain, je lui dis que je me satisfais d’une équipe qui reste dans la seconde partie du classement, sa motivation s’envolera. Il est possible qu’il nous quitte si le club n’a plus d’ambitions. Mais il adore son job. Il peut prendre sa pension après 35 ans à la police mais je le vois mal lâcher cette certitude pour devenir entraîneur pro.

Pour lui faire plaisir, il faut lui faire un compliment, reconnaître son travail. Il n’a jamais demandé d’augmentation, c’est moi qui en ai pris l’initiative. Il signe son contrat sans le lire et m’a dit : – Si un club se manifeste, je te l’envoie et tu décides « .

GEERT FOUTRÉ

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