Qui est Advocaat ?

Le coach des Diables adore les Bee Gees et testera la motivation de ses joueurs avant la Turquie :  » How deep is your love ? »

« Les joueurs doivent adorer évoluer en équipe nationale « , répète souvent Dick Advocaat.  » Ceux pour qui ce n’est pas le cas peuvent déguerpir. Je ne peux rien faire avec eux. Durant les huit prochains mois, je verrai qui est taillé ou pas pour les Diables Rouges. Et je tâcherai de comprendre pourquoi certains n’avaient pas envie de jouer en équipe nationale. Quand je coachais le Zenit de Saint-Pétersbourg, tous mes joueurs rêvaient de porter le maillot de leur équipe représentative. Avec l’Angleterre, la Russie a le plus bel hymne national. Quand je l’entends, j’ai la chair de poule. Je suis un émotionnel et j’ai les larmes aux yeux. Le Wilhelmus néerlandais est bien aussi mais pas comme l’hymne russe…  »

Advocaat est désormais plongé jusqu’au cou dans les réalités du football belge. La semaine passée, le technicien hollandais a communiqué sa liste de Diables retenus pour Belgique-Turquie du 10 octobre prochain au stade Roi Baudouin et Estonie-Belgique du 14 octobre. L’ambiance a déjà changé du tout au tout autour de l’équipe nationale. Alors que René Vandereycken était crispé et cynique dans ses relations avec la presse, évitant durant des conférences d’un quart d’heure tout un chapelet de thèmes, Advocaat a abordé durant 45 minutes le feu roulant des questions avec le sourire et des pincées d’humour.

La fin des années de plomb

Il se souciera comme un marin hollandais de ses premiers maatjes des récentes déclarations de Frankie Vercauteren au quotidien De Morgen. L’ancien T1 intérimaire des Diables Rouges (et adjoint de juin 2008 à mai 2009 quand il reprit le flambeau de Vandereycken) a aligné ses coupables du malaise qui l’incita à déposer son tablier : le je m’en-foutisme qui règne à la fédération, l’accord entre Anderlecht et le Standard pour obliger leurs joueurs à ne pas prendre part à la Kirin Cup (Vercauteren pensa déjà démissionner à ce moment-là), le manque de respect des directives tactiques de Daniel Van Buyten, Wesley Sonck et Moussa Dembélé en Arménie, la cellule technique qui n’avait plus de bureau. Et encore : le refus de Sébastien Pocognoli de s’entraîner et son retour à AZ au lieu de prendre part à Espagne-Belgique (en guise de punition, Vercauteren songea à l’installer sur le banc en Arménie), le fax de la FIFA concernant la suspension de quatre matches d’ Axel Witsel (exclu en Bosnie) qui resta sans réponse immédiate car il s’égara dans les locaux de la Maison de verre, etc. On retiendra que Vercauteren a mis Timmy Simons en garde en lui affirmant qu’il ne ferait plus de vieux os en équipe nationale. Pour lui, les doutes d’Advocaat à propos de Stijn Stijnen annoncent d’autres changements de cap…

Vercauteren cherche des excuses et n’effectue aucune autocritique. Ses affirmations appartiennent déjà au passé. La page est tournée. Depuis quelques jours, tout le monde respire beaucoup mieux à l’Union belge : l’optimisme est revenu après les années de plombs de Vandereycken et de Vercauteren. Plusieurs dirigeants nous l’ont dit : il est tellement agréable d’ouvrir les fenêtres pour assainir et vivifier l’atmosphère. Cet été indien se prolongera, ou pas, après Belgique-Turquie : Advocaat le sait aussi.

Le début de sa carrière : tout savoir faire…

Le nouvel homme fort de l’équipe nationale (la seule vedette des Diables ?) a déjà suivi quelques matches de championnat et les rendez-vous européens des trois grands de chez nous. Mais il connaît aussi depuis longtemps les meilleurs Belges car il passe ses nuits à regarder des matches de l’Europe entière…. Il a aussi son avis sur l’actu belge et estime, par exemple, que le Standard a bénéficié d’une dose de chance pour égaliser en fin de rencontre à AZ. Advocaat a certainement eu le même raisonnement à propos des Mauves d’Anderlecht face à un Ajax d’Amsterdam mal payé pour sa maîtrise de la circulation du ballon.

Advocaat aura cependant retenu la fin de match des uns et des autres : la motivation a permis de gommer les insuffisances techniques par rapport à leurs adversaires. Ces ressources morales l’ont certainement intrigué. Il n’a pas peur de son ombre, opte pour un 4-3-3, donne franchement son avis comme tout Calviniste hollandais qui se respecte. Advocaat ne dévoile pas tous ses atouts mais pas question de secrets de confessionnal avec lui.

Encore que…  » Rinus Michels m’a affirmé un jour qu’il ne fallait quand même pas trop raconter. Les médias sont insatiables : ils finissent par vous assécher. Si on parle beaucoup, il faut sans cesse se justifier. Quand j’étais joueur, je disais tout. C’est pour cela, aussi, que j’étais sans cesse dans les journaux. Partout où j’ai joué, j’ai été capitaine car je donnais sans cesse mon avis. J’étais un joueur dominant. On l’a oublié mais j’ai joué 500 matches en D1. J’étais meilleur que Guus Hidding. Comme joueur, c’est vrai, mais en tant que coach, je suis un peu en dessous. Je me mêlais de tout, même du boulot des coaches. C’est plus facile quand on est joueur car il ne faut pas rendre des comptes au groupe ou à la direction du club.  »

Il continue :  » Je me suis toujours bien vendu et je n’ai jamais discrédité personne : ça aussi, c’est l’école Michels. J’entraînais un petit club, DSVP, où il n’y avait jamais un sou, quand le grand Michels fit appel à moi. J’avais tellement envie d’apprendre et de travailler avec lui. Un jour, il m’a envoyé à l’Atletico Madrid pour scouter un joueur. Je me souviens avoir attendu deux heures à l’entrée du stade pour avoir le bonheur d’apercevoir le grand Tomislav Ivic descendre du bus des joueurs. Un peu avant cette mission, je criais encore dans un vestiaire de footballeurs amateurs : -Allez, on applaudit, on y va, et celui qui n’écoute pas peut dégager…  »

Advocaat parle d’argent alors que c’est généralement un sujet de conversation tabou en Belgique. Vandereycken empochait 350.000 euros bruts par an. Pour son nouveau staff technique, la fédé a prévu un budget d’un gros million d’euros par an. Advocaat :  » Si tout n’était qu’une question d’argent, je n’aurais pas opté pour le job de coach des Diables. Il y a des entraîneurs qui gagnent plus que moi en D1 belge. Mon salaire annuel s’élève à 550.000 euros bruts et avec le pécule vacances, je dois arriver à 600.000 euros. Je connais la valeur de l’argent. Quand je jouais à Roda, j’étais conseiller aux achats pour le compte d’un quotidien, le Limburgs Dagblad. Je m’occupais aussi de la pub du journal de notre club. Ils m’ont proposé un poste de chef mais j’ai refusé…  »

Le choix de son c£ur, c’était AZ Alkmaar

Si l’Union belge n’avait pas agi très vite, il coacherait actuellement AZ Alkmaar et pas les Diables. Advocaat avait déjà donné sa parole à l’Union belge quand l’ancien club de Louis van Gaal frappa à sa porte. Trop tard, même si son c£ur l’incitait à opter pour AZ, un club magnifique. La raison l’a emporté.

 » En tant que fanatique du football, je voulais aller à Alkmaar. Mais il faut être en superforme. Or, je voulais une autre vie. Ottmar Hitzfeld, Marcello Lippi, Fabio Capello, GuusHiddink ou Giovanni Trapattoni ont fait le même choix que moi. S’occuper d’un club est un métier très éprouvant. Entraîneur d’une équipe nationale, c’est moins intensif. Mais je sais que l’envie de travailler dans un club reviendra dans quelques années. Je me donne toujours à du 200 %. La semaine passée, j’étais dans une tribune en Suisse pour suivre Lucerne-Sion et Emile Mpenza. Je pouvais me croiser les bras en me disant : -Ah, comme c’est agréable. Je ne devais pas me faire de soucis pour le match du week-end. En 2012, j’aurai 64 ans, mais il ne sera pas question d’arrêter. Après mon expérience actuelle, je ne travaillerai plus que pour un club anglais : cela me semble si beau là-bas.  »

Il passe sa vie de découvertes en découvertes mais cet infatigable travailleur précise qu’il est  » un casanier qui n’est jamais à la maison et qui a survolé le monde entier. Quand il pleut chez moi, à La Haye, c’est différent que dans les autres pays. Les premières averses après une longue absence, c’est magnifique : je reconnais tout car c’est chez moi. « 

Des adieux en Bentley blanche dignes de Beatles

Avant de prendre congé de Saint-Pétersbourg, Advocaat a fait le tour du stade du Zenit dans une Bentley cabriolet blanche :  » Tout le monde poussait la voiture. J’avais eu droit à la même chose en Corée et au PSV. Formidable, on se prendrait presque pour un Beatle.  »

Les adieux avec les supporters russes l’ont beaucoup marqué. Le Petit général a pleuré comme une madeleine dans les bras de son adjoint et ami, Bert van Lingen. Si tout le monde il est beau tout le monde il est gentil à l’arrivée d’un nouveau coach, ses adieux disent tout sur la qualité de l’héritage qu’il laisse derrière lui. Aimé Anthuenis, Vandereycken et Vercauteren ne méritaient même pas une Trabant à bout de souffle pour eux trois. Par contre, l’Union belge dénichera bien une Rolls-Royce pour promener Advocaat sous les boules de l’Atomium et à la Grand- Place en cas de qualification pour l’Euro 2012. Ce serait drôle de le voir en larmes près du Manneken pis. Mais c’est encore loin tout cela et, en attendant, il ne rate pas les affiches de D1, se rend sur place ou étudie les cassettes vidéo. Le compteur kilométrique de sa voiture est monté dans les tours entre la Belgique et les Pays-Bas.

Ses idées à propos des Diables ont évidemment été flashées sur les autoroutes de l’information. Advocaat a écarté Simons qui est d’ailleurs en prépension sur le banc du PSV Eindhoven. Même si sa décision n’est pas définitive (dit-il…), elle marque la fin d’une époque. Le numéro 6 d’Eindhoven a obtenu 74 caps de 2001 à 2009 et a rendu pas mal de services aux Diables. Il n’a que 32 ans, ce qui n’est pas trop vieux pour un arrière central mais son moteur a beaucoup tourné. Si son éloignement des Diables se confirme, Advocaat insiste pour que la  » fédération exprime sa reconnaissance pour tout ce qu’il a apporté à l’équipe nationale. « 

Pourquoi il n’a pas retenu Lukaku

Le maintien d’ Emile Mpenza dans le bastion offensif est étonnant. Marc Wilmots le connaît parfaitement. On suppose que l’avis du nouveau T2 bis aura été pris en considération par Advocaat. C’est la dernière chance de la flèche de Sion. Quand Advocaat a assisté à Lucerne-Sion, E1000 n’est monté au jeu qu’en fin de match, ce qui a fait dire au coach fédéral :  » Il faisait agréable, Mpenza était bien installé sur son banc et moi sur le mien dans la tribune. Puis, sur le terrain, il a parfaitement négocié ses deux ballons (NDLR- convertis en buts)…  »

On verra ce que cela donnera contre la Turquie et en Estonie mais au lieu d’assister à cette dernière, n’aurait-il pas été plus intéressant pour le futur d’accorder une première chance à Romelu Lukaku, la nouvelle terreur d’Anderlecht retenue pour les matches des Espoirs ? Advocaat se veut prudent vu ses 16 ans, attend des confirmations et  » s’il continue sur cette lancée, on devra évidemment revoir notre point de vue. Car, quelque part, un joueur qui brille dans la durée ouvre lui-même les portes de l’équipe nationale.  »

En attendant Lukaku, Tom De Sutter a été retenu.  » Il n’a pas perdu ses qualités de buteur du jour au lendemain « , expliquait Advocaat. Bien vu : l’Anderlechtois a marqué deux fois à Bruges. Sera-t-il partant en pointe ? Qui l’entourera ? Advocaat a analysé la 10e journée de D1 à la loupe. On verra de plus en plus ses épaules de déménageur un peu partout.

Même si sa force de persuasion sera nécessaire, il a carte blanche à la fédé.  » C’est même une carte de crédit Golden « , a dit un dirigeant. Il veut le meilleur outil et la qualité, c’est cher. A Saint-Pétersbourg, lui et un de ses adjoints, Cor Pot, mirent la pression :  » Nous n’avons pas lâché la direction pour avoir le meilleur terrain, les meilleurs vestiaires. C’était indispensable pour atteindre les sommets. Ils avaient peur de Cor Pot et certainement de moi.  »

Le public belge l’a à la bonne. Récemment, avant Standard-Cercle Bruges, il a traversé sans aucun problème un rideau de supporters liégeois au volant de sa limousine.  » Ce serait impossible à Feyenoord « , dit-il.  » Je n’aurais pas osé. J’aurais retrouvé ma voiture dans le décor. A l’entrée du stade de Sclessin, le contrôleur ne parlait pas néerlandais. Comme je pouvais, je lui ai expliqué : -Après la match. Match fini dix heures, onze, douze, treize, quatorze, quinze. Dix heures quinze. Partir dix heures… Et ce fut parfait, ma voiture n’était gênée par aucun autre véhicule.  » Advocaat, qui n’a pas de chauffeur comme c’était le cas en Russie, a pu prendre la longue route des Pays-Bas à 22 heures pétantes avant de choisir un CD des Bee Gees, un de ses groupes préférés. La Fièvre du samedi soir, c’est ce 10 octobre contre la Turquie…

par pierre bilic, iwan van duren et tom knipping (esm) – photos: belga

« En 2012, j’aurai 64 ans, mais il ne sera pas question d’arrêter. Je ne travaillerai plus que pour un club anglais. »

« Comme joueur, j’étais meilleur qu’Hiddink. Mais comme coach, un peu en dessous. »

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