Qui après Eden Hazard ?

Il faudra s’y habituer : de plus en plus de jeunes Belges s’expatrient et deviennent internationaux avant d’avoir joué dans le championnat de Belgique.

Lors de sa première sélection, le 10 octobre contre la Turquie, DickAdvocaat avait réalisé un exploit inédit : les 11 titulaires évoluaient tous à l’étranger. Ce n’était jamais arrivé dans l’histoire du football belge. Pour rappel, son équipe avait été constituée de LoganBailly (Mönchengladbach), GillSwerts (AZ), DanielVanBuyten (Bayern Munich), NicolasLombaerts (Zenit Saint-Pétersbourg), ThomasVermaelen (Arsenal), JanVetonghen (Ajax), MarouaneFellaini (Everton), MoussaDembélé (AZ), RolandLamah (Le Mans), EmileMpenza (Sion) et KevinMirallas (Saint-Etienne). Sur le banc, on trouvait encore : JeanFrançoisGillet (Bari), TobyAlderweireld (Ajax), GabyMudingayi (Bologne) et EdenHazard (Lille).

Si certains de ces joueurs, comme Bailly, Van Buyten et Fellaini, ont eu le temps de se faire un nom en Belgique avant de s’expatrier, d’autres sont devenus Diables Rouges avant d’avoir joué en D1 belge ! Aujourd’hui, tout le monde connaît Vermaelen, Vertonghen et Hazard, mais au moment où ils ont été sélectionnés pour la première fois, beaucoup se sont demandé : – Qui c’estceluilà ?

Le phénomène risque d’encore se répéter à l’avenir, car même dans les sélections de jeunes, ils sont de plus en plus nombreux à être affiliés à des clubs étrangers.

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Dans la sélection U21 de JeanFrançoisdeSart, qui vient malheureusement d’hypothéquer fortement ses chances de participer au Championnat d’Europe 2011 (et donc aussi aux Jeux Olympiques de 2012) en s’inclinant contre l’Ukraine à Saint-Trond, trois titulaires réguliers évoluent à l’étranger.

Naim Aarab (21 ans, défenseur, Larissa GRE).

En U21, Naim Aarab évolue le plus souvent comme défenseur central.

Ce Bruxellois de naissance a joué dans les équipes d’âge de plusieurs clubs de la capitale : trois saisons et demie à Anderlecht (où il s’est affilié à quatre ans et demi), puis cinq au RWDM, une à Strombeek, deux à Tubize puis retour à Anderlecht pour deux saisons avant le départ pour le NEC Nimègue alors qu’il avait 17 ans et demi.

 » Ce qui m’intéressait surtout là-bas, c’est le fait que l’on offrait facilement une chance aux jeunes « , explique-t-il.  » Et le fait que je suis d’origine maghrébine ne posait pas de problèmes. Je pouvais aussi me concentrer exclusivement sur le football, sans devoir penser à l’école. J’ai arrêté ma scolarité un an avant la fin de mes humanités, c’est un peu dommage, mais je pense avoir complété aux Pays-Bas la formation sportive que j’avais entamée en Belgique. « 

Naim est parti durant l’été 2008 à Larissa, où il évolue comme milieu défensif ou arrière droit.  » Grâce à mon manager RachidTajmout. A l’époque, MboMpenza était encore dans ce club. Je l’ai côtoyé pendant quatre mois. Actuellement, je suis titulaire à Larissa. C’est un championnat assez physique et tactique. On trouve de bons défenseurs en Grèce, et cela peut m’apporter une bonne expérience. On ne pourra jamais dire quelle trajectoire ma carrière aurait prise si j’étais resté en Belgique.  »

Ritchie Kitoko (21 ans, médian, Udinese ITA)

En U21, Ritchie Kitoko évolue tantôt comme milieu défensif, tantôt comme arrière droit. Il fut de l’expédition à la Kirin Cup, en mai avec les A. Né à Kinshasa, en RD du Congo, il est arrivé à Liège à l’âge de quatre ans.  » Je me suis affilié à Grivegnée à l’âge de huit ans « , se souvient-il.  » Cinq ans plus tard, je suis parti au Standard. Je n’ai pas connu l’Académie Robert Louis-Dreyfus, elle a été lancée un an après mon départ pour Albacete, alors que j’avais 18 ans.  »

C’est le manager de Ritchie, JorgeVidal, qui le dirige vers ce club de D2 espagnole.  » Je n’ai jamais eu l’occasion de jouer avec l’équipe Première du Standard et j’ai passé un test en Espagne, qui s’est révélé positif. Ce ne fut pas un choix facile à effectuer, car je quittais la famille pour découvrir un environnement qui ne m’était pas familier et une langue que je ne maîtrisais pas, mais le défi sportif était attrayant. En Espagne, tous les entraînements s’effectuent avec ballon, c’est une différence avec la Belgique. La technique est prioritaire. Je suis resté trois ans à Albacete, et j’ai joué en Juniors, en équipe B et aussi en équipe Première la saison dernière.  »

Jusqu’au départ pour Udinese, en Serie A italienne, l’été dernier :  » Pour l’instant, j’y éprouve un peu plus de difficultés. Je n’ai pas encore joué avec l’équipe Première. Récemment, j’ai pris place sur le banc. Petit à petit, j’entre donc en considération. J’espère qu’avec le temps, je parviendrai à m’imposer. « 

Radja Nainggolan (21 ans, médian, Piacenza ITA)

Radja Nainggolan a été international dans toutes les catégories de jeunes depuis les U16, et a été repris chez les Diables Rouges pour la Kirin Cup, où il a joué contre le Chili. Son père est originaire d’Indonésie mais lui est né à Borgerhout, une commune anversoise. C’est au Tubantia local qu’il chaussa ses premiers crampons à cinq ans. Il y resta jusqu’à l’âge de 10 ans, moment qu’il choisit pour rejoindre le Germinal Beerschot. C’est lors d’un match de jeunes qu’il a été repéré par hasard à 16 ans :  » Un émissaire s’était déplacé pour visionner un joueur de Mouscron… Finalement, c’est moi qui lui ai tapé dans l’£il « .

Voilà donc Radja parti pour l’Italie. Il ne l’a jamais regretté.  » J’ai d’abord joué deux ans en Juniors, mais lors de ma première saison, j’ai eu l’occasion de disputer un match avec l’équipe Première. Lors de ma deuxième saison, j’ai évolué assez fréquemment avec l’équipe Réserve, et voilà deux ans et demi que je fais partie du noyau A. Cette saison, j’en suis à 13 matches disputés sur 15. « 

Radja estime que la formation qu’il a reçue en Italie est complémentaire à celle qu’il avait entamée à Anvers :  » En Belgique, on s’occupe surtout de l’aspect technique chez les jeunes : on apprend à faire des passes correctes, à effectuer de bons contrôles. En Italie, on passe rapidement à l’aspect tactique. L’aspect physique, aussi, est fort travaillé. « 

Radja n’envisage pas de revenir en Belgique pour faire son trou en D1 belge.  » J’ai la chance d’évoluer en Italie et j’aurais tort de bouder mon plaisir. J’espère y rester aussi longtemps que possible, tout en essayant de gravir les échelons. Piacenza n’est qu’un club de Serie B, mais la saison dernière déjà, huit ou neuf clubs de Serie A s’étaient intéressés à moi. Ils ont reculé devant le prix exigé par mon club actuel, où j’ai finalement resigné, mais ces clubs n’ont apparemment pas perdu ma trace. Je ne désespère pas d’obtenir un beau transfert en juin 2010, si pas déjà en janvier. « 

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Dans la sélection U19 de MarcVanGeersom, qui vient de franchir un premier pas dans la voie de la qualification pour l’EURO 2010 en émergeant de son groupe face à la Norvège, au Kazakhstan et à Andorre, on compte cinq titulaires potentiels qui évoluent à l’étranger.  » En fait, dans cette génération, ils sont 17 à jouer dans un autre pays « , précise Van Geersom.

LuisPedroCavanda (18 ans, arrière droit, Lazio Rome ITA)

Né à Luanda, en Angola, il est arrivé en Belgique à 18 mois. Il a joué dans les équipes d’âge de Petit-Rechain, Pepinster, Stembert et Cornesse, avant de rejoindre le Standard à 15 ans :  » J’y ai croisé ChristianBenteke et MehdiCarcela, mais je ne suis resté qu’un an.  »

Comment a-t-il abouti à La Lazio ?  » C’est une longue histoire « , explique sa maman sans en dire davantage.  » Une histoire de manager « , poursuit le joueur. Luis Pedro a passé quelques semaines dans un club amateur de la région de Rome, Amatrice, avant de rejoindre les Scolaires de la Lazio et après deux ans, en 2008, la Primavera. Luis Pedro a été formé à l’italienne et cela se ressent, comme le constate Van Geersom :  » Dans les sélections de jeunes, j’ai l’habitude de confier un rôle très offensif aux arrières latéraux. Mais on voit qu’en Italie, il reçoit d’autres consignes : sa tâche première est de défendre. Cela dit, c’est un arrière droit très explosif.  » Cavanda suit les cours d’une école privée le matin et s’entraîne l’après-midi. On sait que la Belgique n’est pas riche en arrières droits. Et si c’était lui, le futur titulaire du poste chez les Diables ?  » En tout cas, je joue pour cela « , conclut Cavanda qui a intégré les sélections belges en janvier de cette année.

StefanoMarzo (18 ans, défenseur, PSV NED)

Limbourgeois d’origine italienne, originaire de Lommel, il a rejoint le PSV à l’âge de 12 ans :  » Lommel était tombé en faillite. Différents clubs étaient intéressés, mais le PSV, c’est le top. Mon choix fut vite fait. L’accent est beaucoup mis sur la technique, c’était assez différent de Lommel. « 

 » Stefano est un défenseur très solide « , estime Van Geersom.  » Et aussi un garçon qui connaît parfaitement ses qualités et ses défauts. « 

Il a fréquenté les bancs de l’école aux Pays-Bas pendant six ans, ce qui explique qu’il parle désormais le néerlandais avec l’accent d’outre-Moerdijk. Il peut occuper tous les postes de la défense, dans l’axe ou sur un flanc. Evolue actuellement avec les U19 du PSV où il s’entraîne deux fois par jour :  » J’espère pouvoir faire mon trou dans l’une des deux divisions professionnelles des Pays-Bas. Si j’y parviens au PSV, tant mieux, mais si c’est avec un autre club, ce sera bien aussi. « 

DriesWuytens (18 ans, défenseur, PSV NED)

Il est le frère cadet de Stijn Wuytens, qui évolue en équipe Première au PSV. Limbourgeois originaire d’Eksel, il a joué deux ans dans les équipes d’âge de Genk, où il a été repéré par le PSV. C’est déjà sa neuvième saison à Eindhoven, mais il n’a fréquenté les bancs de l’école que durant deux années aux Pays-Bas, avant de revenir poursuivre sa scolarité en Belgique. Egalement défenseur, sa place de prédilection se situe en défense centrale.  » Un défenseur intelligent et très technique, comme on en voit souvent aux Pays-Bas « , commente Van Geersom.

Dries essaie de suivre les traces de son frère, un modèle pour lui :  » Il m’a montré la voie. J’espère avoir, moi aussi, la chance de jouer un jour en Ligue des Champions. « 

JasonBourdouxhe (18 ans, ailier gauche, PSV NED)

Ce petit joueur vif et technique, capable de réaliser des actions comme les joueurs néerlandais, est Liégeois. L’un des rares francophones parmi les nombreux Belges du PSV. Il n’a aucun lien de parenté avec l’arbitre et a déjà connu… deux faillites !  » J’ai commencé au FC Liège où j’ai joué un an avant que le club tombe en faillite « , explique-t-il.  » Puis, je suis parti à Malines qui est aussi tombé en faillite ! J’avais alors 12 ans et j’avais le choix entre Anderlecht et le PSV. J’ai opté pour le club néerlandais, où je suis arrivé en même temps que Stefano Marzo. Au début, j’ai dû apprendre la langue durant un an dans une école spéciale. Puis, j’ai poursuivi ma scolarité de façon tout à fait normale en néerlandais. Footballistiquement, j’ai beaucoup appris d’un point de vue technique. J’ai aussi eu l’occasion de disputer de nombreux tournois, très relevés, à l’étranger. Et puis, aux Pays-Bas, les équipes de jeunes peuvent monter et descendre. Elles ne sont pas liées à la division où évolue l’équipe Première, comme en Belgique. Il y a donc un enjeu lors des matches. « 

En club, Jason évolue comme milieu gauche, mais il occupe une position plus avancée en équipe nationale.  » De nombreux clubs s’intéressent déjà à lui, y compris en Belgique « , croit savoir Van Geersom.  » Il fait partie de ceux qui devraient réussir. Et si vous me parlez de sa taille, je vous répondrai que MbarkBoussoufa n’est pas très grand non plus.  »

GianniBruno (18 ans, attaquant, Lille FRA)

Lui aussi est Liégeois, né à Rocourt. A l’image de Mirallas avant lui, il a quitté le Standard pour rejoindre le centre de formation de Lille.  » Des émissaires du LOSC étaient venus me visionner alors que je n’avais que 15 ans « , se souvient-il.  » Ils m’ont expliqué leur projet. J’ai été séduit par leur discours et j’ai opté pour la formation de premier plan qu’ils m’offraient. A l’Académie RLD, où j’ai passé une année, ce n’est pas mal non plus, mais quoi qu’on en dise, c’est plus professionnel à Lille. D’abord, on est entraîné par des anciens joueurs de Ligue 1, engagés à temps plein. Et puis, Luchin, c’est le top. J’y ai vécu deux ans, et aujourd’hui j’ai mon appartement. Je pense que j’ai grandi depuis que je suis à Lille, tant sur le plan footballistique que mental. « 

N’entre pas au LOSC qui veut : il faut être sélectionné, et donc posséder un certain talent au départ.  » Sur 60 ou 70 joueurs qui passent des tests chaque année, deux ou trois sont retenus « , constate Gianni qui joue déjà avec l’équipe de CFA.  » J’ai aussi déjà eu l’occasion de m’entraîner une fois avec le noyau A. Progressivement, j’espère faire mon trou en CFA et intégrer l’effectif pro. « 

Van Geersom le décrit comme  » un attaquant-type, très rapide, qui recherche la profondeur et est attiré par le but adverse « .

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Dans l’équipe des U18 qui disputera deux matches amicaux contre la Russie, cette semaine à Balen et à Tielen, cinq joueurs évoluant à l’étranger ont été convoqués : FlorentCuvelier (milieu défensif, Portsmouth), KevinMakulaMutombo (n°10, Rennes), MarcoOspitalieri (arrière gauche, PSV), ThéoDefourny (gardien, Lyon) et PaulJoséMpoku. (attaquant, Tottenham).

par daniel devos – photos: reporters/ pro shots

« Dans la génération actuelle des U19, 17 joueurs évoluent à l’étranger.

(Marc Van Geersom) »

« A l’Académie RLD, ce n’est pas mal mais c’est quand même plus professionnel à Lille. (Gianni Bruno) »

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