Questions inévitables

Le miracle aperçu au premier tour s’éloigne encore un peu plus.

La Gantoise-Tubize : après deux minutes, on a compris. C’est déjà 1-0 suite à un solo de Kenny Thompson. On le laisse partir du milieu de terrain et traverser tout le camp de Tubize, puis ajuster Nicolas Ardouin. Les gars d’ AlbertCartier ne s’en relèveront pas. On revoit le Tubize qui fait pitié depuis six semaines : un jeu peu inspiré, une défense fébrile, une attaque fantomatique, des transferts de l’hiver qui n’apportent pas grand-chose. Et la conclusion est cruelle en fin de soirée : Roulers repasse devant Tubize, qui redevient descendant direct.

Quid du malaise ?

Comment se sent-on quand on prend 24 buts en 6 matches ? Ridicule ? Frustré ? Abandonné ?

Nicolas Ardouin (gardien) :  » Je vis une des plus mauvaises expériences de ma carrière. Cela ne m’était jamais arrivé de prendre autant de buts en aussi peu de temps. Ma frustration est énorme. Dans les résumés à la télé, c’est toujours le gardien battu qu’on voit en gros plan. A la radio, à la télévision, dans les journaux, c’est mon nom qui est cité. Je me passerais bien d’être à l’affiche de cette façon-là. C’est sûr que je me sens parfois abandonné. Quand les mêmes phases de jeu se répètent plusieurs fois par match, avec toujours les mêmes grosses erreurs et les mêmes conséquences, ça fait mal et j’en veux à mes coéquipiers. Je ne peux pas faire grand-chose quand je me retrouve seul face à deux attaquants. Et lorsqu’un but tombe, je sais qu’un autre va probablement suivre très vite.

Je ne m’explique pas comment nous en sommes subitement arrivés là. Nos bonnes prestations dans les deux premiers matches du deuxième tour – le nul à Mouscron et la victoire contre Lokeren – ont tout déréglé. Soudainement, nous nous sommes peut-être crus plus beaux que nous ne le sommes. On commence à nous parler de records négatifs, moi je ne veux pas y penser. Je n’ai pas envie d’entrer dans ces statistiques-là. « 

Pourquoi avoir commencé à essayer de jouer au foot au deuxième tour ?

Gregory Dufer (médian) :  » Pour moi, l’optique de jeu n’a pas changé. Depuis le début de la saison, Tubize essaye de jouer au foot, pas de casser. Contre les équipes du top, évidemment, c’est impossible. Nous connaissons nos limites, et dans ces rencontres-là, nous ne visons pas trop haut au niveau de la qualité du football. Mais nous avons démontré pendant la première partie de la saison que nous avions un bon mix jeu offensif/jeu défensif.

Le seul problème, aujourd’hui, c’est que nous n’affichons plus la même agressivité. Nous n’allons plus de la même manière au duel. Et la concentration ne suit plus. Le contenu des entraînements n’a pas changé. Le couac est surtout mental : après avoir constaté que nous pouvions rivaliser avec des bonnes équipes, nous ne nous sommes plus engagés de la même façon et nous avons pris quelques claques dans la gueule. « 

Le groupe est-il carbonisé physiquement et mentalement ?

Gérarld Forschelet (médian) :  » Dans la tête, tout le monde se sent mal, c’est inévitable quand on prend des gifles pareilles. Encaisser quatre, cinq ou six buts, ce n’est pas drôle. Mais nous ne sommes pas grillés mentalement parce que nous nous accrochons à quelques certitudes : chaque équipe traverse un passage à vide à un moment de la saison, et il y a à Tubize beaucoup de joueurs revanchards qui ont déjà connu des situations très délicates dans leur carrière et savent les gérer. (Ironique).

De toute façon, ce qui nous arrive aujourd’hui ne doit pas être considéré comme une surprise : en début de saison, tout le monde nous avait promis des tripotées. Simplement, elles sont venues un peu plus tard que prévu. Nous ne serions saturés mentalement que si nous avions une dizaine de points de retard sur les barragistes. Tout le groupe y croit encore. Les seuls moments où nous sommes découragés sont ceux où nous prenons un but parce que chaque joueur se dit alors qu’un autre goal risque fort de suivre très vite. Mais ce découragement n’est jamais que passager. Et physiquement, nous ne sommes certainement pas cramés. Cela saute aux yeux si on analyse nos derniers matches. Les explications sont ailleurs : une succession d’erreurs défensives individuelles et les buteurs du premier tour qui ne marquent plus. « 

Quelle est l’utilité d’aligner cinq défenses différentes sur les six derniers matches ?

Jason Vandelannoite (défenseur) :  » Ce n’est pas une question d’utilité mais de nécessité. Il y a des blessés, des suspendus, des joueurs en méforme, des gars arrivés en cours de championnat qui ont du mal à s’imposer. C’est difficile de trouver une cohésion et les automatismes ne s’installent pas. Mais c’est illogique d’accabler autant notre défense et de viser autant notre gardien. Nous lisons partout que Tubize a déjà pris plus de 60 buts et que ce n’est pas normal. D’accord, mais il y a de grosses fautes individuelles partout sur le terrain. Et au premier tour, tout le monde mettait le pied pour le copain d’à côté. Ce n’est plus le cas depuis quelques semaines.

La communication est un autre problème. Prenez les défenseurs qui ont joué depuis le début du deuxième tour : Grégoire Neels, Josip Barisic, Muscal Mvuezolo, Blazej Radler, Quinton Fortune, Yohan Brouckaert et moi. Il faut trouver une langue commune, la façon de dire très vite le bon mot au coéquipier, au bon moment. Nous nous mettons parfois d’accord pour communiquer en anglais mais ce n’est quand même pas l’idéal.  »

Fallait-il se débarrasser en janvier de vieux serviteurs qui avaient l’esprit club et transférer des joueurs qui n’apportent rien ?

Yohan Brouckaert (défenseur/médian) :  » On fera le point en mai. Je ne suis pas persuadé que c’était une bonne décision de faire partir des gars comme Benjamin Lambot, Jean-Baptiste Paternotte et Gauthier Diafutua. Ils ne jouaient pas beaucoup mais ils se seraient mis à genoux pour Tubize et ils mettaient de l’ambiance dans le vestiaire. Depuis qu’ils ne sont plus là, on sent la différence, l’atmosphère n’est plus la même. Il n’était pas inutile de transférer des renforts en janvier mais c’était dès le départ très compliqué pour eux. D’abord parce qu’aucun des quatre nouveaux joueurs – NDLA : Fortune, Valery Sorokin, Radler et Jusuf Dajic – ne parle français. Fortune baragouine un peu dans toutes les langues mais pas dans la nôtre…

Le problème de communication avec le reste du noyau a sauté aux yeux dès le premier jour. Ensuite parce qu’ils n’avaient pas participé à notre stage dans les Vosges, qui était justement destiné à resserrer les liens. Nous sommes rentrés avec une mentalité collective exceptionnelle, tout le monde était prêt à se sacrifier pour sauver Tubize. Puis, du jour au lendemain, quatre gars sont un peu tombés comme des cheveux dans la soupe et un truc s’est cassé. Ils ne connaissaient pas du tout la maison et le contexte. Et il y a encore une autre chose qui a joué contre eux : dès qu’ils sont arrivés, l’équipe a commencé à prendre des casquettes. Leur apport sportif n’est pas frappant jusqu’à présent mais on ne peut pas les accuser. Tout aurait été différent s’ils étaient venus dès l’été. On ne peut pas leur demander de faire la différence sur quatre mois. « 

Le buteur a-t-il désappris à marquer ?

Jérémy Perbet (attaquant) :  » Je ne marque plus, j’ai même commencé sur le banc à Gand et je ne me souviens plus de la dernière fois où je n’avais pas été titulaire. Je tourne au ralenti, à l’image de toute l’équipe. Au premier tour, il nous arrivait de produire du jeu et de mettre des ballons au fond. Je n’avais pas énormément d’occasions mais une demi me suffisait pour marquer.

Aujourd’hui, Tubize ne produit plus de football et il y a forcément très peu d’occasions. Pendant la première partie de la saison, nous avons régulièrement joué avec deux attaquants. Maintenant, le coach n’en aligne plus qu’un parce qu’il veut resserrer dans le milieu et derrière. Mais on prend beaucoup plus de buts : c’est paradoxal. Et moi, je me retrouve fort esseulé devant. Je commence à être pointé du doigt, comme les défenseurs : c’est normal car on attend plus d’un joueur qui a marqué dix buts au premier tour. « 

par pierre danvoye – photos: belga

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