QUESTIONS à la une

Charleroi respire après son succès arraché aux forceps au Lierse : est-ce le déclic tant attendu avant la venue d’Anderlecht ?

A leur façon, les Zèbres ont exprimé publiquement leur droit de réponse au Lisp, où ils se sont battus comme des damnés durant près d’une heure après l’exclusion de Dorian Dessoleil, jeune arrière central débutant de 20 ans. Ce déplacement chez un concurrent direct dans la lutte pour le maintien survenait après une série de trois défaites et une grosse pression médiatique la veille du match. Vingt-quatre heures après le roulement des mots et des inquiétudes, Yannick Ferrera et ses joueurs ont prouvé que de bonnes réponses peuvent posséder autant de force que les questions.

La question défensive

Avant de se rendre au Lierse, Charleroi présentait la deuxième plus faible défense de D1 avec 23 buts encaissés. Six buts face au Standard, quatre des £uvres d’OHL, quatre contre Malines : ces trois casquettes inquiétantes avaient plombé le moral de ce secteur. Comment pouvait-on comprendre cette faiblesse alors que le quatuor n’avait pas beaucoup varié par rapport à la saison passée ? Réserviste au Lisp, Elvedin Dzinic avait souligné ses possibilités lors de la précédente présence en D1. Mijusko Bojovic a éclaté la saison dernière. Le système défensif a d’abord pâti de la faiblesse des latéraux. A droite, Javier Martos n’a pas souvent convaincu avant le dernier match, et à gauche Francis N’Ganga (sur le banc samedi passé et remplacé par Mourad Satli) alterne le bon et le moins bon depuis son arrivée en août. Les adversaires l’ont compris et passent par les côtés, du moins en déplacement.

A domicile, jusqu’à présent, les Zèbres jouaient un cran plus haut pour presser l’adversaire et prendre possession du ballon. La défense évoluait souvent loin de son rectangle. Or, lente dans l’axe, elle éprouve des difficultés à se retourner. D’où la facilité déconcertante de certains attaquants adverses à filer dans leur dos. A domicile, où le Sporting n’a pris qu’un point, Ferrera a été confronté jusqu’à présent au paradoxe de devoir jouer haut en sachant que son axe défensif n’est pas adapté à cette option.  » On a des joueurs avec des qualités physiques mais manquant de vitesse pure « , a reconnu Ferrera,  » Peut-être sont-ils plus consciencieux et professionnels dans le replacement à l’extérieur qu’à domicile. Contre OHL, à la 52e minute, on s’est retrouvés à six, sept dans le rectangle adverse. Ce n’était pas encore le moment de tout mettre devant. Cela a laissé d’énormes espaces à l’adversaire.  » La multiplication des systèmes de jeu défensifs (un coup à cinq, un autre à quatre) a été néfaste. La troisième victoire de la saison a-t-elle définitivement rassuré la défense des Zèbres ?

La réponse au Lierse. Ferrera n’a pas hésite à lancer un jeune arrière central : Dessoleil, intéressant et prometteur dans le travail au quotidien. Son exclusion après une demi-heure de jeu a eu pour effet de redistribuer les cartes. Ferrera a su s’adapter à la vie de ce match. Au repos, Onur Kaya a cédé sa place à N’Ganga :  » Même si je me sentais bien, c’est un choix tactique que je comprends « , avance Kaya.  » N’Ganga s’est installé à gauche et Satli a glissé vers le centre de la défense. Le but était d’articuler un bon 4-4-1 dans le but de tenir le coup et de placer de temps en temps un contre. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Le travail paye et j’ai toujours pensé que notre équipe a le niveau de la D1.  » Ferrera a probablement compris que la survie passe par ce comportement-là : solide en défense, rapide en reconversion offensive. Deux joueurs ont assumé un rôle défensif de première importance. Bojovic a régné dans le trafic aérien et Parfait Mandanda a marqué des points importants. La présence du gardien international grec, Michail Sifakis, l’avait un peu fragilisé. En lui maintenant sa confiance, Ferrera a réussi une bonne affaire, il dispose désormais de deux bons gardiens. Et ce sera utile car Mandanda ne sera pas là durant la prochaine CAN. La ligne arrière s’est donc rassurée avant de se mesurer à Anderlecht que Charleroi abordera en organisant d’abord son tissu défensif.

La question offensive

Les chiffres sont clairs : on ne reste pas en D1 avec un capital de 10 buts en 10 matches. Seul les attaquants du Cercle de Bruges avaient fait moins bien avec 8 buts. C’est dire si ce problème est important. Ferrera aime le jeu et dispose de bons manieurs de ballons. Abbas Bayat, exigeait toujours que son équipe soit tournée vers l’avant. Or, en début de saison, sans un gros vécu dans toutes les lignes, Charleroi ne disposait pas des armes de ses ambitions. La ligne médiane avait beau se multiplier, le dernier geste, celui du tueur, faisait cruellement défait. Les Carolos s’étaient embarqués pour leur retour en D1 avec un seul attaquant de pointe : Bison Gnohéré. C’était une folie qui s’explique par les révolutions de palais. Un attaquant prolifique coûte beaucoup d’argent et Abbas Bayat était animé par un autre souci : se désengager et vendre son club. Ferrera et le directeur technique, Luka Peruzovic, ont donc hérité d’un arsenal offensif sans queue ni tête. Il est facile de deviner leur effroi face à l’énormité de la tâche qui les attendait. Aussi puissant soit-il, Bison ne présentait aucun passé d’attaquant de pointe en D1 belge. Il avait évolué à Virton avant de signer à Charleroi en août 2011. Gnohéré a survolé les débats en D2 mais l’élite, c’est une planète où il faut du vécu. Personne n’en avait à Charleroi en début de saison. La venue de Giuseppe Rossini a-t-elle résolu cet énorme problème ?

La réponse au Lierse. Rossini y a livré un match de tous les diables. Son expérience a fait la différence. Après être passé par Houdeng, Charleroi et Mons, le grand Giuseppe (1,93m) a roulé sa bosse : Utrecht, Malines, Courtrai, Zulte Waregem et enfin Charleroi. Le natif de Bari, en Italie, en a vu d’autres que la situation actuelle des Zèbres et cela se voit sur un terrain. En l’absence d’ Ederson, blessé, il a hérité du brassard et s’est battu comme un naufragé pour que son équipe garde la tête hors de l’eau. Seul, il a mobilisé toute la défense du Lierse avant de marquer le but de la victoire. Ces trois points valent déjà leur pesant d’or. Ils offrent un peu d’oxygène à son équipe et à son coach, Ferrera. L’apport de Rossini ira croissant, c’est une évidence. Ses équipiers doivent encore s’adapter à son style de jeu. Rossini constitue un point d’appui très intéressant. Ce pivot adore évoluer en altitude et joue bien dos au but. Une de ses spécialités réside dans le jeu en déviations. Il convient de profiter de cette spécialité et de ne pas le laisser seul sur son île. Même si ce n’est pas une star, comme le confirment ses nombreux déménagements, Rossini est un attaquant spécifique de la D1 : Charleroi en avait besoin comme de pain blanc et il sera probablement un de ses joueurs les plus importants.

La question physique

Ce n’était un secret pour personne : Charleroi a survolé la D2 la saison passée mais cet effectif y a plus misé sur la supériorité de son jeu que sur un gros capital physique. Il y a même eu un laisser-aller à ce niveau. Et cela a sauté aux yeux lors de la reprise des entraînements : l’écart entre le niveau des joueurs et le minimum exigé en D1 était quand même significatif. Même si le staff n’en a pas fait état, il y a eu un gros travail effectué pour que cet effectif trop large (32 joueurs !) présente une condition physique digne de l’élite belge. Il ne fait pas de doute que cette anomalie, ajoutée au manque de métier de l’effectif, a coûté quelques points en début de saison. Ce retard en matière de condition physique a-t-il été résorbé ?

La réponse au Lierse. A 10 contre 11 durant près d’une heure, les Zèbres ont fait le gros dos, témoigné de volonté, tenu le coup mentalement et physiquement contre un Lierse très pâle. Même si ce succès a été acquis à la force du poignet, il reste beaucoup de pain sur la planche. Si la D1 belge ne se distingue pas par sa richesse technique, elle l’est pour l’engagement des joueurs : Charleroi peut heureusement compter sur un expert en la matière, revenu chez les Zèbres : Michel Bertinchamps. Il y a quelques années, en 1991, lors de son premier passage comme coach à Charleroi, Peruzovic avait imposé une grosse charge de travail à ses gars (notamment durant la période des fêtes) en disant : – Ils vont pisser du sang mais ils seront prêts. Cette saison-là, Charleroi, mal en point quand Peru débarqua, se sauva facilement avant de connaître quelques saisons fastes. Au Lierse, les Zèbres d’aujourd’hui ont probablement compris qu’on n’a rien sans rien.

PAR PIERRE BILIC ET STÉPHANE VANDE VELDE

Titillé par Sifakis, Mandanda a marqué des points importants au Lierse.

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