Quelle promotion !

Bruno Govers

Le gardien des Loups n’en revient toujours pas : il sera anderlechtois dès la saison prochaine.

Jan Van Steenberghe :  » Cette journée du mercredi 11 juin 2003, je m’en souviendrai à jamais. Après avoir longuement soupesé le pour et le contre, je m’étais finalement résolu, ce matin-là, à accepter les conditions, singulièrement revues à la baisse, de mon employeur louviérois. Mais au moment d’agripper mon portable afin de convenir d’un rendez-vous avec le manager Roland Louf, la sonnerie de mon fixe retentit. C’était Daniel De Temmerman, ex-entraîneur des jeunes d’Anderlecht, reconverti dans le management au côté de Jacques Lichtenstein, qui me demanda tout de go si un passage dans les rangs du Sporting d’Anderlecht, en qualité de troisième gardien, était susceptible de m’intéresser. Sur le coup, j’ai immédiatement cru à une blague. Au sein de l’effectif des Loups, à vrai dire, les joueurs sont coutumiers de ce genre de pratique. En matière de pièges, certains ont été royalement servis ces derniers mois, croyez-moi. Et tout particulièrement les étrangers, comme Michael Klukowski ou encore Peter Odemwingie. Ceux-là ne savaient jamais trop sur quel pied danser, par exemple, après un coup de fil d’un soi-disant journaliste (il rit). Moi-même, je pensais à une attrape du même type. Je me disais que l’un de mes bons potes, Georges Arts, Davy Cooreman ou Domenico Olivieri avait dû prendre langue avec quelqu’un pour me jouer un tour à sa façon. Mais après avoir dûment interrogé mon interlocuteur, visiblement bien au fait de la maison anderlechtoise, il fallait bien que je me rende à l’évidence : cet appel n’était pas bidon du tout. La preuve par un autre, quelques minutes plus tard, du responsable du département recrutement des Mauves, Peter Ressel, qui me conviait à un entretien privé le lendemain « .

 » 24 heures plus tard, je me trouvais bel et bien dans son bureau au Stade Constant Vanden Stock. Le successeur de Jean Dockx m’expliqua, honnêtement, que les Mauves voyaient en moi, à ce moment-là, une alternative au cas où le transfert du Hollandais Danny Wintjens, du Maastricht VV, ne devait pas se matérialiser. Or, cette probabilité était devenue quasi nulle après que le club mosan eut, quelques jours plus tôt, trouvé un repreneur. Du coup, ma candidature n’était plus anecdotique du tout et Peter Ressel me le fit clairement comprendre. Dans la foulée, il m’avisa du budget qui lui avait été alloué dans l’optique du recrutement d’un troisième keeper et des conditions financières qu’il était en mesure de me proposer. Je n’en revenais pas : malgré une troisième place dans la hiérarchie des portiers, jamais encore, dans ma carrière, une offre aussi alléchante ne m’avait été faite. Je l’aurais bien signée sur-le-champ mais mon interlocuteur me pria de patienter encore une bonne semaine, le temps de faire définitivement le tour de la situation. J’avoue que jamais les heures et les jours ne se seront égrenés aussi lentement pour moi. Quotidiennement, je consultais le télétexte et je prenais connaissance des nouvelles dans les journaux, pour voir s’il n’y avait rien de neuf du côté du dernier rempart du MVV. J’ai poussé un tout premier ouf de soulagement une semaine après la prise de contact de Daniel De Temmerman. Car ce jour-là, le Néerlandais avisa la direction du RSCA que les ponts étaient définitivement rompus. Il ne restait donc plus que moi en piste. Le lendemain, 19 juin, les membres du conseil d’administration du club donnèrent finalement leur feu vert pour mon passage au Sporting pour une durée de deux saisons. Jan Van Steenberghe à Anderlecht : c’était presque trop beau pour être vrai « .

Une baisse de salaire de 44 % !

 » Cet épisode aura constitué, pour moi, la fin d’un long feuilleton, marqué de multiples rebondissements. Il avait commencé à la mi-avril quand je fus avisé que, l’espace de deux matches, j’allais devoir céder temporairement ma place à Silvio Proto. Sur le moment, je ne voyais pas très bien pour quelle raison le coach, Ariel Jacobs, m’écartait, dans la mesure où je m’étais montré irréprochable au cours des matches précédents. Mais puisque d’autres coéquipiers firent eux aussi l’objet d’une tournante, dans le même temps, je n’en avais pas fait un plat. La direction profita toutefois de cette quinzaine au cours de laquelle je m’étais à nouveau glissé dans la peau du numéro deux au goal pour me faire une nouvelle proposition de contrat, entendu que mon bail venait à échéance le 30 juin. J’étais pour le moins étonné par les données chiffrées qui y figuraient, puisqu’elles signifiaient une baisse de salaire de l’ordre de 44 % ! Je comprends que les temps sont durs dans le monde du football et que chacun doit mettre de l’eau dans son vin. Mais je ne pouvais pas m’accommoder d’une telle situation, d’autant plus que je n’avais pas le sentiment de peser bien lourd dans le budget du club. Aussi n’avais-je pas donné suite à la proposition que les Loups m’avaient faite. A l’une ou l’autre reprise, le manager, Roland Louf, revint à la charge après coup. Mais j’avais retrouvé ma place entre les perches, dans l’intervalle, et je ne voulais pas perdre trop d’influx dans d’interminables palabres avant la finale de la Coupe de Belgique. Dès lors, nous avions convenu de nous revoir après cet événement « .

 » Le mardi qui suivit l’apothéose au Heysel, mon père, mon homme de confiance Jean-Claude Laguesse et moi-même, prenions place à la table des négociations au Tivoli. Mais l’entretien avec Roland Louf ne fut que de courte durée. Quand il apprit que son offre ne m’agréait toujours pas et que j’espérais un nouveau bail du même ordre que celui que j’avais signé lors de mon arrivée au club, en l’an 2000, son sang ne fit qu’un tour : -Ce n’est pas parce que tu as disputé un bon match au Stade Roi Baudouin que tu dois te prendre soudain pour Ronaldo. Et il claqua la porte sans demander son reste. Au même titre que les deux personnes qui m’avaient accompagné, j’étais complètement médusé. Nous avons encore patienté pendant une petite vingtaine de minutes, avant de rebrousser chemin en direction d’Alost, sans savoir à quoi nous en tenir. Dans la foulée, je n’ai plus rien entendu de la part du club durant plusieurs jours. Par le biais des journaux, j’ai lu que La Louvière songeait à Filip De Wilde pour le poste de keeper. Mais j’ai d’emblée pris cette information avec un grain de sel. Auparavant déjà, le Lierse s’était servi du même subterfuge pour pousser Yves Van der Straeten à resigner. Dans le cas présent, je me disais que la direction usait probablement du même artifice pour me mettre la pression. Honnêtement, comment donc un club comme La Louvière aurait-il pu trouver un terrain d’entente, sur le plan financier, avec pareil monument du football belge, s’il ne parvenait déjà pas à accorder ses violons avec moi, autrement moins onéreux ? J’ai d’emblée su que toute cette histoire était cousue de fil blanc « .

 » Le mardi 10 juin, une semaine après mon entrevue mémorable avec Roland Louf, la direction louviéroise reprit à nouveau contact avec moi. Le président Filippo Gaone était disposé à faire un geste : un nouveau contrat revu quelque peu à la baisse, mais agrémenté de l’assurance que ma prime à la signature, que j’attends depuis trois ans, serait effectivement versée dans le fonds de pension, comme je l’avais demandé. Dans la mesure où l’homme fort du club accéda à cette requête, plus rien ne s’opposait, dans mon esprit, à une reconduction de contrat. Et j’ai voulu convenir d’un rendez-vous à ce propos dès le lendemain. Le hasard a voulu que le RSCA se manifeste à ce moment-là. Et, pour moi, il aura plutôt bien fait les choses. Car je n’aurais évidemment jamais imaginé que j’entrerais un jour en ligne de compte pour ce club. A l’époque où j’évoluais au Stade Wetteren, en Division 3, l’élite me paraissait déjà un rêve inaccessible. Alors, imaginez mon bonheur actuel. A près de 31 ans, j’ai tout simplement droit à la plus belle promotion de ma vie. Elle est d’autant plus inespérée qu’il y a quelques mois à peine, j’étais complètement dans le trou. Blessé en début de saison, alors que j’avais déjà connu tant de déboires par le passé, je me faisais la réflexion que la chance ne m’était décidément pas réservée. Je m’étais donc trompé. Car j’ai bel et bien bénéficié du coup de pouce nécessaire au bon moment. Et ce, sous la forme d’un match quasi parfait en finale de la Coupe de Belgique « .

Impérial déjà au Levski Sofia

 » Ai-je livré le meilleur match de ma carrière au Heysel ? Je ne crois pas. Autrefois, avec l’Eendracht Alost, j’avais sans doute disputé une rencontre plus mémorable encore en compétition européenne. C’était au premier tour de la Coupe de l’UEFA 1995-96 face aux Bulgares du Levski Sofia. Nous l’avions emporté 1-2 là-bas et hormis le but de l’avant sofiote Vassilev, j’avais absolument tout arrêté ce jour-là. Mais cette rencontre-là n’aura pas eu le même impact pour moi que cette apothéose récente au Heysel. A cette occasion, j’ai sans doute pu démontrer à pas mal de monde que je ne manquais pas de références. Et je crois m’être rappelé aussi, en la circonstance, au bon souvenir de Jacky Munaron, qui fut autrefois mon entraîneur chez les Noir et Blanc. Il m’a toujours dit qu’on se retrouverait un jour. Je ne me doutais pas, cependant, que ce serait de sitôt. Et à Anderlecht a fortiori « .

 » Ce match au Heysel, je m’étais fait fort que ce serait le mien. Le contexte était idéal : nous faisions figure d’ underdog et je mesurais que j’allais être abondamment sollicité. Dans ces conditions, il importe de bien négocier les deux ou trois premiers ballons pour aller au-devant d’un grand match. Et j’en ai fait l’expérience ce jour-là. Pour mon vis-à-vis, Dusan Belic, ce fut exactement le contraire : les rares fois qu’il a dû s’employer, c’était pour repêcher le ballon au fond de ses filets. A cet égard, la finale aura été un rêve pour moi et un cauchemar pour lui. Une seule fois, cette saison, j’avais eu l’occasion de m’illustrer contre les Canaris : au Staaienveld, début février. A l’aller, dans nos installations, c’était Silvio Proto qui avait pris place dans les buts. A deux reprises, nous avions été battus 2-1. Le danger était constamment venu de Désiré Mbonabucya, bien épaulé par Danny Boffin. Grâce à une astuce d’Ariel Jacobs, qui avait choisi de placer Georges Arts devant la défense, jamais Speedy ne fut en mesure d’alimenter à bon escient son compère rwandais au Heysel. Ce fut l’une des clés de notre réussite « .

 » Personnellement, j’avais été bien préparé par Jean-François Lecomte pour cette finale : travail foncier pendant deux jours, puis explosivité la veille et l’avant-veille du match. Physiquement, j’étais prêt. Et mentalement aussi. Chaque fois que je lisais un article à la gloire de Saint-Trond, présenté comme le grandissime favori, je me disais en mon for intérieur : pauvres garçons, ils ne savent pas ce qui les attend ! A quelques heures de la finale, je me souviens avoir pris connaissance d’une grande interview de l’entraîneur Jacky Mathijssen. A la question de savoir pourquoi Saint-Trond allait remporter la finale, il avait répondu : -Parce que nous le voulons tous par-dessus tout. C’était toutefois compter sans nous, les Loups, qui le souhaitions encore plus ardemment. Et nous l’avons prouvé. Je suis fier de pouvoir quitter le club fort de cet exploit. Même si je n’ai pas toujours été traité comme je l’aurais voulu au Tivoli, je ne veux retenir que les bons moments que j’ai passés là-bas. Le maintien en D1, la Coupe de Belgique, l’ambiance chaleureuse entre joueurs et supporters : je ne suis pas près d’oublier les moments formidables que j’ai passés dans le Centre. Et je n’ai qu’un v£u à formuler : que La Louvière vive encore beaucoup de moments exaltants.  »

 » Roland Louf m’a demandé si je me prenais pour Ronaldo « 

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