« Quelle attitude hostile des supporters ? »

Comme au Germinal Beerschot, l’Argentin connaît des premiers mois difficiles. A quand le véritable démarrage ?

Voici dix jours, Hernan Losada a inscrit son premier but en championnat pour le compte d’Anderlecht. Un but qui lui a fait du bien, car il traduisait son retour en forme. Un but symbolique, aussi, puisqu’il a été inscrit sur le terrain du Germinal Beerschot, le club où il s’est révélé en Belgique.

 » Ce fut pour moi un moment d’émotion « , reconnaît-il.  » J’ai vécu beaucoup de bons moments avec le GBA et, apparemment, ce stade du Kiel me porte chance. C’était un but important aussi, car il scellait presque définitivement la victoire du Sporting dans une rencontre très difficile. Je n’ai pas exprimé ma joie de façon trop démonstrative, car je garde beaucoup de respect pour les supporters anversois. Le fait qu’ils m’aient accueilli, presque comme l’un des leurs, démontre d’ailleurs leur reconnaissance. C’est très agréable d’être apprécié dans les deux camps. Cela signifie que l’on a représenté quelque chose pour son ancien club. J’entends partout que Gustavo Colman et moi-même manquons terriblement au Germinal Beerschot… je n’irai pas jusque-là. Mais c’est une toute nouvelle équipe, et dès lors, il est normal qu’elle cherche encore un peu ses marques. « 

Les opinions changent vite

A votre arrivée au Sporting, vous affirmiez qu’Anderlecht était le club idéal pour poursuivre votre progression. En êtes-vous toujours persuadé ?

Hernan Losada : C’est un club prestigieux, où il y a de très bons joueurs et un très bon staff. Un club qui, chaque année, vise le titre de champion. C’est l’un des motifs qui m’ont amené à Bruxelles. Je n’ai pas encore connu les joies d’un titre durant ma carrière. Quant à savoir si le Sporting me servira de tremplin pour un départ vers l’Espagne ou l’Italie : je ne peux pas répondre à cette question. Je n’ai pas de boule de cristal.

Vos débuts dans la capitale furent difficiles. Vous expliquiez, au début, que ce n’était pas lié à un problème d’adaptation mais surtout à un manque de rythme, dû à votre blessure qui vous avait écarté des terrains pendant les deux derniers mois de la saison dernière…

Il y avait un peu de tout. Je revenais de blessure, je devais retrouver le rythme et en même temps, je débarquais dans un nouveau club, je découvrais de nouveaux partenaires et je devais m’habituer à un nouveau système. C’est un ensemble de circonstances qui explique que tout ne s’est pas passé dès le premier jour comme je l’avais espéré.

Avez-vous douté ?

Je n’ai jamais douté de mes capacités, et je n’ai jamais regretté mon choix, mais j’étais impatient. J’avais envie de jouer, comme n’importe quel footballeur. En même temps, je comprenais que l’entraîneur devait faire des choix et ne pouvait aligner que onze joueurs à la fois. Je devais simplement faire preuve de patience, et être prêt le jour où l’entraîneur ferait appel à moi.

Vos premiers mois au Germinal Beerschot avaient été difficiles également : vous n’avez pas directement trouvé place dans votre nouvelle équipe. La situation était-elle comparable à celle que vous avez vécue cette saison ?

Non, c’était totalement différent. Lorsque je suis arrivé à Anvers, c’était la première fois que je traversais l’Atlantique. J’ai dû m’habituer à une autre culture, à un autre style de football. Quand j’ai été transféré à Anderlecht, je suis resté dans le même pays, dans le même championnat. Simplement, j’ai intégré un club où la concurrence est plus rude, où il faut se battre chaque semaine pour conquérir ses galons. Mais je suis toujours resté très serein par rapport à cette situation. Je savais que mon travail finirait par payer.

Il y a un mois, on parlait déjà de vous comme d’un mauvais transfert.

Cela ne m’a pas perturbé. Je peux comprendre ceux qui attendaient de moi un rendement immédiat, sans tenir compte de certaines circonstances. Mais les opinions peuvent changer très rapidement.

Aujourd’hui, les supporters scandent votre nom.

Oui, mais je n’ai jamais ressenti une attitude hostile des supporters à mon égard. Ils m’ont adopté dès le début, depuis le Fan Day. Ils m’ont toujours encouragé, et leur soutien m’a été d’un précieux secours. C’est surtout la presse qui passe d’un extrême à l’autre. Quand on a perdu 4-0 à Zulte Waregem, c’était la crise. Une semaine plus tard, on a battu Malines 7-1 et on s’est demandé avec combien de points d’avance on allait remporter le titre. Et puis, la presse met toujours le doigt sur les aspects négatifs. Après Malines, on a mis en évidence la faiblesse de l’adversaire. Au Germinal Beerschot, on nous a reproché de ne pas avoir bien joué. Mais c’est caractéristique d’un grand club. A Independiente, c’était pareil. Là-bas aussi, les exigences étaient maximales.

Triangle variable

Dans votre chef, quand avez-vous senti le vent tourner ?

Je ne sais pas s’il y a vraiment eu un moment clef. Mon adaptation a été progressive. Je me suis senti mieux au fil des semaines, à l’image du Sporting. C’est beaucoup plus facile de trouver ses marques au sein d’une équipe qui tourne qu’au sein d’une qui se cherche.

Votre rôle est-il comparable à celui que vous remplissiez au Germinal Beerschot ?

Dans les grandes lignes, oui. A Anvers, du milieu de terrain, j’avais davantage le loisir de me déplacer sur les flancs, tandis que dans le système de jeu pratiqué à Anderlecht, où l’on a déjà deux joueurs de flanc offensifs, mon rôle est plus central. Et peut-être un peu moins offensif : je ne dois pas trop m’aventurer devant, car je risquerais de courir sur les pieds des joueurs qui s’y trouvent déjà.

Au début, on a tenté de créer une rivalité entre Mbark Boussoufa et vous. C’était l’un ou l’autre comme titulaire, pas les deux.

La presse essaie toujours de spéculer sur une possible équipe-type en début de saison. Je crois que ni l’entraîneur, ni Boussoufa ni moi n’avons jamais pensé que nous ne pourrions pas jouer ensemble. Nous occupons des fonctions différentes, et à la limite, nous sommes complémentaires. Mbark occupe une position plus avancée et plus latérale : le plus souvent, il évolue sur le flanc gauche.

Dans le triangle d’entrejeu, Biglia occupe la pointe défensive, Gillet la pointe offensive droite et vous la pointe offensive gauche. En perte de balle, Guillaume descend à côté de Lucas et vous devenez la pointe offensive centrale. C’est cela ?

En gros, oui. C’est un triangle variable, dont les pointes se déplacent en fonction de l’évolution du jeu. Dans cette optique, la communication est importante. On doit se parler pour que tout le monde ne s’aventure pas devant en même temps. On doit aussi beaucoup s’entraider, car on n’évolue qu’à trois dans l’entrejeu. Or, dans le football moderne, l’entrejeu est souvent le secteur-clef. C’est là que l’on gagne ou que l’on perd une rencontre.

Vous-même, vous n’avez pas de rôle défensif ?

En perte de balle, tout le monde a un rôle défensif. C’est un travail d’équipe. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre d’avoir un joueur qui se contente uniquement de son rôle offensif.

Et offensivement, pouvez-vous laisser libre cours à votre inspiration ou devez-vous suivre certaines lignes directrices ?

Je jouis d’une certaine liberté, mais je dois respecter les positions. Il faut que chaque zone de terrain soit occupée. Si un joueur de flanc se déporte vers le centre, il faut qu’un élément central se déporte sur le flanc.

Lorsque Jan Polak reviendra, Ariel Jacobs sera confronté à un problème de luxe…

On verra ce qui se passera à ce moment-là. L’entraîneur décidera probablement au coup par coup, en fonction de l’état de forme de chacun, de l’adversaire et d’autres critères encore.

Ce sera aussi le cas en attaque : en janvier, Tom De Sutter devra être intégré dans un secteur où Nicolas Frutos a réimprimé sa griffe, et où Matías Suarez, Kanu et Dimitri Bulykin postuleront également pour une place.

Encore une fois, la concurrence est toujours présente dans les grands clubs.

Du pour et du contre

Vous étiez aussi venu à Anderlecht pour jouer la Ligue des Champions. On sait ce qu’il s’est passé face au BATE Borisov : pas de Ligue des Champions, mais pas de Coupe de l’UEFA non plus, simplement le championnat et la Coupe, comme au Germinal Beerschot…

Ce seront, effectivement, nos deux seuls objectifs cette saison. En ce qui concerne la Ligue des Champions, j’espère que ce n’est que partie remise. Je n’ai que 26 ans et j’espère encore avoir l’occasion de la disputer.

La déception liée à cette élimination est-elle aujourd’hui digérée ?

On a passé des moments très difficiles, mais il a bien fallu, à un moment donné, tourner la page et faire son deuil de la Ligue des Champions. En ce qui me concerne, c’est oublié : on ne peut pas vivre de regrets, il faut se concentrer sur les objectifs à venir.

Par rapport à Bruges et au Standard, qui risquent de laisser beaucoup de forces dans leur aventure européenne, le fait de pouvoir se concentrer uniquement sur les compétitions nationales constitue-t-il un avantage pour Anderlecht ?

Oui et non. Chaque situation présente des avantages et des inconvénients. Une équipe qui est sur la brèche en coupe d’Europe durant la semaine encourt des risques de blessures et de fatigue. En revanche, elle s’habitue à disputer des rencontres de haut niveau, acquiert de l’expérience et en retire, tôt ou tard, les bénéfices. Anderlecht avait formé un effectif étoffé dans la perspective de devoir courir trois lièvres à la fois, et ce même noyau se retrouve aujourd’hui avec des rendez-vous uniquement nationaux. C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Avec deux matches par semaine, l’entraîneur aurait eu tendance à effectuer des rotations. Avec un match hebdomadaire, il tend davantage vers une équipe-type. C’est mieux pour les joueurs qui en font partie : ils ont l’occasion de créer des automatismes, augmentent leur confiance. Evidemment, ceux qui ne jouent pas risquent de grincer des dents…

On parle de vendre des joueurs durant le mercato hivernal, à la fois pour réduire l’effectif et compenser les pertes financières. Sentez-vous des inquiétudes dans le groupe ?

En ce qui me concerne, je ne suis pas inquiet. Je ne peux pas parler pour les autres. On discute très peu de cela dans le vestiaire. En football, on vit plutôt au jour le jour. On sait qu’il y a un mercato en janvier et un autre l’été prochain, mais ces échéances apparaissent encore très lointaines.

par daniel devos- photos: reporters

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