Quel succès!

En l’espace de dix ans, ce club est devenu LE grand braquet économique de France.

En 1987, quand le président de l’Olympique Lyonnais, qui s’est retiré depuis, a abordé Jean-Michel Aulas à la Bourse, la ville avait presque oublié le football et ses plaisirs. Quatre ans plus tôt, à l’âge de 37 ans, Aulas avait fondé sa société d’informatique, Cegid. Très rapidement, celle-ci est devenue l’Entreprise de l’Année en France. Elle a été cotée en bourse dès 1986. C’est dans le plus vieux bâtiment boursier de l’Hexagone que Roger Michaux a demandé à Aulas d’assumer la présidence de la fierté footballistique locale. Ou plutôt de ce qu’il en restait.

A part une poignée d’irréductibles, nul ne se souciait encore du club qui végétait en D2 depuis 1983, croulant sous les dettes. Lyon avait bien d’autres distractions que le football: une vie culturellement riche, avec un opéra renommé, un tourisme florissant suite à une rénovation particulièrement réussie de la ville, sur les rives du Rhône et de la Saone, des vignobles (Côtes du Rhône, Beaujolais) et surtout sa gastronomie, qui a d’ailleurs transformé Lyon en capitale culinaire de la France. Cette ville bourgeoise n’avait pas besoin de succès sportifs pour trouver son identité. Elle en avait déjà une.

Pourtant, Aulas a relevé le défi. Ancien joueur de handball en D1, il a dû mettre fin prématurément à sa carrière, à cause d’une blessure, mais il a conservé sa mentalité de battant. Au-delà du désintérêt apparent du public, Aulas a décelé l’énorme potentiel du club. Lyon est la deuxième plus grande agglomération de France, avec près de deux millions d’habitants dans la région. La ville avait donc un potentiel suffisant pour être représentée parmi l’élite du football. La région était prospère. Lyon était le centre financier du Sud, l’endroit où les nouvelles technologies s’installaient. Pourquoi un tel succès ne pourrait-il déteindre sur le sport? Malgré sa déchéance sportive, l’OL attirait encore une moyenne de 15.000 spectateurs, soit la quatrième assistance de France, toutes divisions confondues.

Conseils: Tapie et Bez sont écoutés

Jean-Michel Aulas a été élu président en juin 1987,… sans problème. Il se retrouvait à la tête d’un club qui n’avait pratiquement rien gagné en 50 ans. Jamais il n’avait été champion national, mais il avait remporté trois fois la Coupe de France, la dernière fois en 1973. L’équipe n’était restée qu’à deux reprises sur la scène européenne jusqu’au printemps: en 1965, elle atteignit les demi-finales de la C2, puis les quarts de finale, deux ans plus tard. Avant l’arrivée au pouvoir d’Aulas, le club rouge et bleu avait usé sept présidents et autant d’entraîneurs en moins de dix ans. La Ville avait beau verser un subside annuel de 33 millions de francs belges au club, le nouveau président a trouvé la caisse vide et une dette de 60 millions. Sachant que l’instabilité sportive et directorielle était liée au mauvais état des finances, Aulas a conconcté un plan de redressement, afin de rendre l’OL indépendant. Une première étape a été franchie en 1989, avec la remontée en D1, notamment grâce aux 22 buts d’ Eugène Kabongo, le Zaïrois qui s’était fait un nom à Seraing avant d’être transféré à Anderlecht puis à Lyon.

Lors de son entrée en fonction, le président a demandé à deux hommes de lui expliquer les tenants et les aboutissants de ce petit monde: Bernard Tapie et Claude Bez. Il a appris que pour rompre avec la grisaille du passé, il devait prendre des mesures drastiques. Il a enrôlé des entraîneurs, anciens joueurs. Comme Raymond Domenech, assisté par Bernard Lacombe, qui a repropulsé Lyon sur la scène européenne en 1992, après une absence de quinze ans. Ou comme Jean Tigana, avec lequel l’équipe a terminé deuxième en 1995 -un moment historique. Guy Stephan a succédé à Tigana, avant que Lacombe, ancien meilleur buteur international de tous les temps, ne revienne. L’OL a commencé à se faire un nom dans sa propre ville: en 1995, l’assistance moyenne a atteint 22.000 personnes. Aulas n’est pas encore satisfait.

Modernité: le président assure

Avant son arrivée, le club fonctionnait avec un modeste budget de 90 millions. Lorsqu’il remonte, en 1989, le budget est déjà de 380 millions. Ce chiffre augmente de 30% par année. En 1999, le budget est porté à 1,2 milliard, soit treize fois celui de 1987. L’OL devient ainsi la quatrième puissance économique du football français, après le PSG, Marseille et Monaco. Il emploie 85 personnes à temps plein, joueurs y compris. Les dettes sont oubliées depuis belle lurette: le club boucle la saison 1988-89 avec un bénéfice net de 260 millions.

En février 1989, Aulas annonce fièrement l’arrivée d’un nouveau partenaire. La société de communications Pathé apporte son capital et acquiert un tiers des parts, pour 100 millions. D’un coup, le budget est augmenté de 340 millions. Lyon est devenu une entreprise moderne qui tire la majeure partie de son budget des droits de retransmission: 40%, contre 23% des transferts, 14% de la billetterie et 13% des rentrées publicitaires. L’OL se suffit à lui-même. De 1989 à 1999, il ne clôture qu’un seul exercice avec une perte. Le public trouve de plus en plus facilement le chemin du Stade de Gerland, fraîchement rénové. De 22.000 en 1989, l’assistance moyenne grimpe à 35.400 durant la saison 1999-2000. Le nombre d’abonnements (18.000) est presque aussi élevé que l’assistance moyenne dix ans auparavant.

Dépensier: 1.500 millions pour Sonny Anderson

Ce supplément d’argent permet à Lyon d’être généreux sur le marché des transferts. Il ne doit pas regarder à un million. Aulas annonce la couleur à l’aube de la saison 1999-2000, à l’occasion de ses 50 ans: il veut le titre. Cette ambition est fondée: troisième, Lyon participe aux tours préliminaires de la Ligue des Champions. Sur le marché des transferts, il est le big spender: jamais encore un club français n’avait dépensé autant d’argent. Sonny Anderson, l’avant brésilien de Barcelone, coûte un milliard et demi.

Toutefois, l’argent n’est pas toujours une garantie de succès. Lyon n’a pas été attentif à la performance du modeste club slovène de Maribor, qui élimine le RC Genk au premier tour préliminaire et il subit le même sort. Comble de la catastrophe, il ne parvient pas à rester sur la scène européenne durant l’hiver: en Coupe UEFA, le Werder Brême s’avère trop fort pour lui. Une troisième place en championnat ne suffit pas. Malgré le lien personnel qui unit le président à son entraîneur, Bernard Lacombe, ce dernier est placé sur une voie de garage. L’Olympique engage Jacques Santini, qui fut une des figures de proue de St-Etienne dans les glorieuses années 70 et qui est directeur technique du club depuis 1986. Aulas imagine un duo, Santini fonctionnant comme superviseur, flanqué d’un jeune entraîneur français pour le travail de terrain. Par exemple Patrick Remy, l’actuel entraîneur de La Gantoise. Le projet n’aboutit pas.

Avec Santini et quelques nouveaux joueurs, dont Eric Deflandre, Lyon passe le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Il élimine l’Inter Bratislava et est versé dans la poule de l’Olympiakos, d’Heerenveen et de Valence, futur finaliste. Il atteint même le deuxième tour. Logique, estime le président: à ce niveau, la hauteur du budget et le niveau des prestations vont de pair. Il est donc logique qu’après Valence, dont le budget est de 3,6 milliards, Lyon et l’Olympiakos se qualifient au détriment du modeste Heerenveen, dont le budget annuel n’est que de 600 malheureux millions. Grâce aux revenus de la Ligue des Champions, le budget lyonnais est passé, lui, à 2,7 milliards.

Les Rouge et Bleu restent en lice pour quatre trophées jusqu’en mars mais c’est trop. Le tirage attribue un groupe redoutable à Lyon en Ligue des Champions. Il affronte le Bayern, Arsenal et le Spartak Moscou et est éliminé lors de la dernière journée. Dans les quarts de finale de la Coupe de France, Lyon trébuche contre le futur vainqueur, Strasbourg. En championnat, il parvient à coiffer Lille, la révélation mais Nantes est intouchable. Lyon doit se contenter du dernier des trophées, la Coupe de la Ligue, face à Monaco. Pourtant, Aulas est satisfait de ce trophée, le premier depuis 1973, ne serait-ce que parce que pas moins de 30.000 supporters ont effectué le déplacement au Stade de France, à Paris.

Ambitieux: un budget de 3 milliards

Lyon devait éclater cette année. Le budget a été une fois de plus revu à la hausse pour atteindre 3 milliards. Nul en France ne peut suivre l’Olympique. L’été passé, le club dépense 1,7 milliard en transferts, ce qui porte le montant de ses transferts à plus de 4 milliards en l’espace de trois ans. Aucun club français ne fait mieux. Une fois encore, l’Olympique court après son premier titre national. C’est son objectif avoué. Car en Coupe d’Europe, ce nouveau riche essuie une nouvelle gifle. Alors que le président rêvait déjà de la façon dont il allait dépenser les futurs revenus de la Ligue des Champions, son équipe est renvoyée en UEFA. S’il veut réaliser le même bénéfice, voilà Lyon obligé de rester européen jusqu’au printemps. Pour cela, il doit éliminer le Club Brugeois. Personne ne doute un instant d’y parvenir. Ça, c’est Lyon. Le Club est prévenu.

Geert Foutré

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