Quel stade pour LES ZÈBRES ?

La Coupe du Monde à Charleroi ? Tout est devenu urgent mais personne n’y voit clair.

Charleroi fait officiellement partie des sept villes belges retenues pour la candidature à la Coupe du Monde 2018 ou 2022 : la bonne affaire ! Car tout reste à faire ! Il manque un stade, un emplacement (à trouver avant le 15 décembre), des croquis (à remettre en mars 2010). Et il faudra trouver des sources de financement.

 » Qui dit Coupe du Monde, dit stade de 40.000 places : nous n’avons pas besoin de cela « , tranche Abbas Bayat, le président du Sporting.  » Pour nous, 20.000 sièges, c’est largement suffisant.  » Vu la chute spectaculaire du nombre de spectateurs aux matches de son équipe, on le comprend.  » Spectaculaire ? Je ne suis pas d’accord. Cette saison, nous n’avons pas encore reçu le Standard. Ni Anderlecht. Ni Genk. Ce sont ces matches-là qui nous permettent d’attirer beaucoup de public. Et de toute façon, c’est normal d’avoir moins de monde que dans le passé. A cause de la crise, on vend moins de voitures, moins de télévisions, moins de publicité. Et moins de tickets pour des matches de foot.  » Il n’empêche qu’il n’est pas rare, aujourd’hui, que les Zèbres jouent devant 7.000 ou 8.000 personnes (6.700 contre Gand !) alors qu’ils avaient une moyenne de 12.000 spectateurs il y a quatre ans.

Ingrid Colicis, l’échevine des Sports, est toujours en pétard complet avec les Bayat et ne les a plus rencontrés depuis deux ans. Mais elle rejoint quand même le président sur un point : la Coupe du Monde à Charleroi, c’est une hérésie.  » Le Collège communal a donné son accord sur le projet « , dit-elle.  » Je fais partie d’une équipe, donc j’accepte la décision. Mais je me sens comme la sportive en désaccord total avec son coach.  »

Premier problème à régler : démolir le Mambourg

Charleroi est confronté à un problème indépendant du projet Mondial. Un problème bien plus urgent. Les riverains qui se sont opposés à la transformation du stade pour l’EURO 2000 et ont triomphé devant la Justice, viennent de remettre leurs conclusions à la cour d’appel de Liège, qui rendra bientôt un verdict définitif. On saura pour quelle date le stade doit être démonté partiellement, on connaîtra le montant des dommages que la Ville devra leur verser (probablement avec effet rétroactif depuis le début des nuisances en 1999, ce qui représentera une fortune). La cour d’appel décidera aussi s’ils toucheront une astreinte par jour de retard au cas où le démontage ne serait pas terminé dans les temps. On sait déjà que le calendrier ne pourra pas être respecté et les riverains réclament 10.000 euros par jour de retard !  » Nous savons que nous n’échapperons pas à des astreintes « , dit Ingrid Colicis. Eric Massin, l’échevin de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme, a déjà prévenu les riverains qu’il serait matériellement impossible d’entamer la démolition avant 2011 !

Si le stade est entièrement démonté, l’ardoise se chiffrera environ à deux millions car les tribunes pourraient alors être revendues. S’il est simplement mis en conformité (une tribune abattue, deux autres transformées), le coût passera à huit millions. Pour ces frais, les dommages et intérêts, et les astreintes, la Ville demandera l’intervention de la Région, qui avait avalisé le permis de bâtir.

Autre manque à gagner pour la Ville : le Sporting réclamera une diminution de son loyer.  » En 2000, il avait été convenu d’un loyer symbolique d’un franc belge par an « , signale Abbas Bayat.  » C’est devenu 50.000 euros annuels. Pour un stade de 25.000 personnes. La Ville ne pourra plus nous réclamer la même somme si nous n’avons plus que 10.000 places après le démontage. Il faudra une discussion.  » Un démontage qui n’est finalement pas trop le problème du président :  » La Ville doit nous fournir un stade conforme pour les 20 prochaines années, point à la ligne. « 

Le stade actuel va de toute façon disparaître entièrement. Soit partiellement dans un premier temps pour permettre au Sporting de continuer à jouer pendant la construction d’une nouvelle base. Soit en une seule fois. On ne sait pas encore ce que deviendra le site quand il aura été rasé. Ecolo propose d’y aménager des bureaux et des logements.

Faire les gros frais d’une pelouse chauffée pour quelques mois ?

A partir de la saison prochaine, tous les clubs de D1 devront avoir une pelouse chauffée. Faut-il faire cette dépense au Stade du Pays de Charleroi à partir du moment où les heures du Sporting y sont comptées ? Abbas Bayat reste clair :  » La Ville doit nous offrir un stade en conformité.  » Un système de chauffage peut coûter jusqu’à un million d’euros. Ingrid Colicis :  » Nous avons envoyé une demande de dérogation à la Ligue Professionnelle mais elle l’a rejetée. Nous nous préparons donc à faire les travaux l’été prochain. Mais il est peut-être possible de s’en tirer à meilleur compte. Ce serait apparemment possible avec moins de 600.000 euros. « 

Il faut un site pour le 15 décembre !

Le calendrier de la candidature belgo-néerlandaise pour la Coupe du Monde est clair : tous les sites devront être connus le 15 décembre prochain. A Charleroi, on n’est nulle part. Un terrain à Gosselies (Trévieusart) a longtemps eu les faveurs mais le projet est tombé à l’eau car il n’est pas possible d’y aménager les sorties d’autoroute nécessaires. Ecolo pousse depuis longtemps un site à Marchienne, à proximité du Ring 3. Pour les Verts, ce serait une façon de réhabiliter un quartier défavorisé. Mais pour d’autres politiciens carolos, déplacer autant de monde dans une zone sinistrée équivaudrait pour Charleroi à se tirer une balle dans le pied. Il a aussi été question d’une construction à Wayaux, le long de l’ancienne route Charleroi-Bruxelles, mais le handicap politique est insurmontable : ce terrain ne fait pas partie de l’entité de Charleroi. Eric Massin a repéré six ou sept sites d’une taille suffisante (10 à 15 hectares). Il les dévoilera ce samedi à la majorité communale. Il voit aussi deux autres endroits capables d’accueillir un stade de 25.000 places.

Construire, mais avec quel argent ?

Dénicher un site en moins d’un mois ne sera déjà pas simple  » et il y a bien d’autres obstacles « , continue Ingrid Colicis.  » La FIFA exige des esquisses pour le 15 mars 2010, Alain Courtois les veut même à la fin du mois de février pour avoir le temps de bien boucler le dossier. Mais il n’y a toujours pas d’architecte ! Nous ne pouvons pas prendre le premier que nous trouverions au coin de la rue. Il faut organiser un concours. Et rien que ces esquisses coûteront plusieurs centaines de milliers d’euros à la Ville. Comment imaginer en trois mois des plans qui tiennent la route ? Ce n’est pas crédible. Depuis le début, je dis : -Qu’on arrête ! Rennes et Nantes viennent de se retirer de la candidature pour l’EURO 2016, tellement les cahiers des charges sont démesurés. Cela devrait faire réfléchir tout le monde à Charleroi.  »

Et le financement ? Ingrid Colicis :  » Alain Courtois dit que ça suivra. J’attends de voir. Il n’y a toujours aucune promesse du fédéral et on ne voit rien venir du côté des régions. Pour le moment, il faut toujours se contenter de formules comme : -Peut-être que ceci, peut-être que cela.  »

Jean-Pierre Deprez, conseiller communal MR, pousse le projet Coupe du Monde et prévoit que si Charleroi respecte les délais de stade et reste ainsi officiellement candidate, la Ville participera probablement à l’effort financier :  » Mais l’apport communal serait minime. Ce n’est pas parce que nous soutenons la construction d’un stade qu’il faudra fermer des écoles ! Pour le reste, il faudra aller chercher des budgets au fédéral et à la Région : c’est faisable.  »

Un projet crédible : 25.000 places en ville. Mais adieu la Coupe du Monde !

Un seul projet crédible est actuellement sur la table. Il a été conçu avant la décision carolo de participer à l’aventure du Mondial. C’est un projet privé, lancé par Foruminvest qui se définit comme un  » groupe d’investissement et de promotion de centres commerciaux et de centres-villes « . Ce géant d’origine néerlandaise, fondé dans les années 80, a déjà réalisé une quarantaine de centres commerciaux aux Pays-Bas, en France, en Turquie, en Italie et en Belgique. Il a notamment créé le complexe des Grands Prés à Mons. Foruminvest prévoit 3 milliards d’investissements dans les cinq prochaines années.

Son projet se situe sur le site du Palais des Expositions, pas loin du centre de Charleroi. Ce nouveau stade de 25.000 places surmonterait 40.000 mètres carrés de commerces. Une patinoire serait aussi aménagée. Ainsi que d’autres installations sportives. Et une moitié du Palais des Expos, chancre carolo, serait rasée. Coût total : 150 millions.

 » C’est un projet à notre taille, c’est tout ce dont nous avons besoin « , tranche Abbas Bayat.  » La situation est idéale. Il y aurait suffisamment de places de parking et les transports en commun passent par là. Dans beaucoup de grands pays de football, des stades sont implantés en pleine ville et ça marche très bien. L’aspect social est aussi important : tous ces nouveaux commerces créeraient de l’emploi. « 

Jean-Pierre Deprez a pu voir les plans et est sous le charme :  » Ils ont été dessinés par les architectes qui ont rénové Wembley et imaginé l’Emirates Stadium d’Arsenal. Ce stade serait une espèce de totem pour les gens qui entreraient dans Charleroi, un peu comme le Stade de France l’est à Saint-Denis. Ce serait un puits de lumière qui s’élèverait au-dessus de la ville et attirerait instantanément tous les regards. « 

L’échevine des Sports est aussi favorable au projet du Palais des Expos. Donc, tout semble réglé ! Ou en tout cas, tout… semblait réglé jusqu’au jour où le collège communal a décidé de s’embarquer dans l’aventure de la Coupe du Monde. Car le projet d’Alain Courtois a redistribué toutes les cartes.

Une chose est sûre : si Charleroi construit un stade susceptible d’accueillir le Mondial, ça ne pourra pas être au Palais des Expos. Tous ceux qui soutiennent ce site en sont bien conscients.  » Il est impossible d’aménager à cet endroit un stade de 40.000 places qui réponde au cahier des charges de la FIFA « , signale Ingrid Colicis.  » Notamment pour des raisons de sécurité et de mobilité – 600 cars doivent pouvoir entrer sur le site. Il faut aussi enterrer le projet d’un stade de 25.000 places qui pourrait passer, le temps d’un mois, à 40.000 sièges. Les gens de Foruminvest nous ont dit qu’ils étaient disposés à ériger une enceinte de 40.000 places à l’extérieur de la ville, à condition qu’une surface commerciale y soit associée. Mais jouer sur la capacité comme certains l’imaginent, Foruminvest ne veut pas se lancer dans une aventure pareille.  » Eric Massin, lui, y croit :  » Il est techniquement possible de passer de 45.000 à 20.000 places après la Coupe du Monde. « 

En plus du Mondial, le projet du Parc des Expos a une autre épine dans le pied : on vient d’approuver à Charleroi l’aménagement de la Rive Gauche, un espace de 30.000 mètres carrés dans le bas de la ville. On y installera des commerces, des bureaux et des logements. Et des économistes qui se sont penchés sur le dossier sont formels : deux centres commerciaux pareils, presque dans le même quartier, ne sont pas viables.

Bref, on n’avance guère et tout pousse à dire que le Sporting devra jouer un bon moment dans un demi-stade. Avant d’évoluer dans des pantoufles bien trop grandes pour ses pieds si on lui offre un monstre de 40.000 sièges.

par pierre danvoye

L’avenir du Sporting : un demi-stade puis des pantoufles bien trop grandes ?

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