Quel problème mental ?

L’histoire du sport regorge de clichés plus énervants les uns que les autres. Le dernier en date concernait Justine Henin qui, frappée par la peur de gagner, ne parvenait pas à remporter ses finales ou ses parties contre Kim Clijsters. Elle aurait eu un problème mental, Madame Juju. Mais voilà qu’elle gagne à Roland Garros en finale contre Kim après avoir battu Serena Williams en demi-finales. Serait-elle guérie ? Ou ferait-elle une rechute si elle ne gagnait plus à l’avenir qu’une finale de Grand Chelem sur deux ?

Justine a évidemment été la première à tomber dans le piège de son soi-disant problème mental en l’admettant et en en parlant elle-même. Mais selon nous, elle a passé le cap et a évolué depuis quelques mois. Quoi de plus naturel, c’est le lot de tous les jeunes de 21 ans… l’âge de la majorité encore récemment !

Ce qui est surtout gênant, quand on parle de problème mental, c’est qu’on occulte l’intellect chez le sportif. Or, c’est bien de cela dont il s’agit : au départ, il y a le talent puis le plaisir que l’on prend à le mettre en friche, à le cultiver. Le sportif doué commence à s’entraîner de plus en plus… mais sachez bien qu’il s’agit ici d’un plaisir pour lui et pas d’un sacrifice. Il préfère de loin être sur un terrain à jouer que sur les bancs de l’école et son sport ne devient en aucun cas un travail. Les résultats arrivent et, forcément, on veut de plus en plus gagner. Or, perdre ne fait pas nécessairement plaisir.

Et c’est là que l’intelligence joue son rôle. Comme on ne peut pas gagner tout le temps, on se dit qu’on doit être patient et bien programmer ses entraînements et ses matches. Le sport, c’est une question de pourcentages. Selon le talent et les développement techniques et physiques, on gagne et on perd plus ou moins de matches. Et on fait les comptes une fois tous les ans, en gros, pour effectuer des changements d’entraînement s’il y a lieu.

Dans un secteur où tout le monde veut gagner, pourquoi faire un plat de l’une ou l’autre défaite ? Les accepter fait partie du processus de construction du sportif. Et avoir du mal à passer ce stade n’est jamais -au grand jamais-, une preuve de faiblesse mentale. C’est simplement faire preuve -temporairement- de manque de perspective, de relativisation et de maturité que d’assimiler la défaite à un échecpersonnel. A ce niveau, Kim a sans doute reçu meilleure éducation sportive avec une maman gymnaste de compétition et un père footballeur pro.

Elle a toujours réagi avec le plus parfait esprit sportif dans ce domaine, accueillant tous les résultats avec un sourire éclatant, comme samedi, et ne se remettant pas trop en cause :  » J’ai mal joué, mais Justine était tellement bonne qu’elle m’a empêchée de bien jouer aussi…  »

La performance est le résultat de l’équilibre de divers facteurs superposés que Justine a atteint mieux que jamais en se renforçant physiquement l’hiver dernier dans des proportions appréciables. Posez la question de son soi-disant problème mental à son préparateur de Floride et il vous enverra un medecineball dans l’estomac. Tous les grands champions û c’est-à-dire des êtres supérieurement doués û ont toujours dit que la seule condition à leurs performances était leur forme physique.

Maintenant, est-il utile de se demander si Justine va remporter d’autres Grands Chelems ? Elle est déjà arrivée en finale de Wimbledon et est plus puissante qu’avant… Mais, d’un autre côté, Yannick Noah a gagné Roland Garros il y a 20 ans et plus de Grand Chelem par la suite, ce qui ne l’a pas empêché de marquer les imaginations.

Son coach de l’époque, Patrice Hagelauer, a dit récemment que ce succès prouva au sport tricolore qu’il était capable de gagner de grandes choses, ce qu’il fit. C’est un peu excessif. On aurait par exemple aimé que les Diables Rouges gagnent en Bulgarie mais ils n’ont pu réaliser qu’un bon match nul, preuve de progrès face à des adversaires qu’on n’attendait pas aussi forts. Le groupe d’ Aimé Anthuenis est sur la bonne voie mais il sera dur de rattraper la défaite à domicile contre les mêmes Bulgares en septembre.

par John Baete

Justine gagne parce qu’elle ne considère plus une défaite comme un échec personnel

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