Quatrième homme

Bruno Govers

Barré la saison passée, le jeune joueur polyvalent a pleinement saisi sa chance sous l’ère Vercauteren.

F ranky Vercauteren l’a sorti définitivement, sans doute, de la Réserve au sein de laquelle il s’est longtemps confiné. En deux campagnes et demie passées sous les ordres d’ Hugo Broos, le jeune Mark De Man (22 ans) n’aura eu droit qu’à un temps de jeu des plus limités : une rencontre à peine face au Germinal Beerschot en fin de saison 2002-03. Et ce, grâce à un généreux coup de pouce du destin : la suspension de Besnik Hasi d’une part, ainsi que les blessures des deux autres milieux défensifs Yves Vanderhaeghe et Junior. Depuis, plus rien. Nada. Pas une seule minute durant le défunt exercice. Idem tout au long du premier tour de la compétition actuelle. Même si, cette fois, l’intéressé peut avancer de larges circonstances atténuantes : une déchirure à la cuisse et une mononucléose. Excusez du peu.

Six mois de galère, conjugués à une année sans, qui l’amènent à s’interroger sur son futur au Sporting, l’hiver dernier. Suivra-t-il les traces de son vieux complice Maarten Martens qui avait pris la tangente vers le RKC Waalwijk quelques mois plus tôt ? Il en a bel et bien l’occasion puisqu’à quelques heures du terme du mercato, Willem II Tilburg lui fait un appel du pied. En deux coups de cuiller à pot, l’affaire est rondement menée entre toutes les parties : le manager Jacques Lichtenstein, le joueur et les deux clubs. Mais c’est compter sans un élément perturbateur : le coach, Hugo Broos, qui ne veut nullement entendre parler d’un prêt. A ses yeux, Mark De Man, quatrième homme dans la hiérarchie des milieux récupérateurs et quatrième également dans celle des arrières centraux derrière Vincent Kompany, Hannu Tihinen et Lamine Traoré est, d’après lui, susceptible de progresser d’un ou plusieurs crans.

Bien vu de la part de Broos, même s’il n’a pas pu mettre cette théorie en pratique. Son ex-adjoint s’y est appliqué : après un match pour du beurre contre Ostende, Mark De Man eut droit à deux minutes d’expression au Lierse, comme back droit. Depuis, il a été partie prenante dans toutes les joutes livrées par les Mauves jusqu’ici : tantôt comme remplaçant (essentiellement comme milieu), tantôt comme titulaire (à l’arrière latéral face à Lokeren et au Standard, une rencontre où il figura parmi les meilleurs de ses couleurs au côté de cet autre jeunot qu’est Anthony Vanden Borre). Avec Goran Lovre, le RSCA semble paré en son milieu pour bon nombre d’années. D’autant qu’après le Serbe, d’ores et déjà invité à prolonger son bail jusqu’en 2009, la même faveur devrait être d’application, sous peu, à De Man aussi.

 » Avec le recul, je sais gré à l’ancien entraîneur d’avoir opposé son veto à mon départ « , observe-t-il.  » Pourtant, au moment même, je n’étais pas du tout réfractaire à l’idée de rebondir ailleurs. On prétend souvent que lorsqu’un coming man n’a pas eu l’occasion de s’illustrer plus ou moins régulièrement en Première anderlechtoise aux alentours de la vingtaine, il est préférable qu’il aille voir ailleurs pendant une certaine période. Dans les grandes lignes, j’épousais ce profil et c’est pourquoi, au même titre que Martens ou d’autres, tels que Sergio Hellings et Sherjill Mac Donald, j’ai songé à prendre du galon ailleurs. A présent, vu la tournure des événements, il va sans dire que je suis extrêmement heureux d’être toujours là. Je dois assurément une fière chandelle à Vercauteren, qui m’a lancé et maintenu dans le grand bain. Mais je suis très reconnaissant aussi envers son prédécesseur, qui avait probablement vu juste avec moi « .

Perdu pour le football

C’est la deuxième fois, à vrai dire, que Mark De Man est retenu de force au Parc Astrid. Six mois après son arrivée en provenance d’Oud-Heverlee, en 1998, il avait déjà songé à prendre la poudre d’escampette. Non pas pour les Pays-Bas mais plutôt pour un retour, tout simplement, dans son club d’origine, où il avait signé sa carte d’affiliation cinq ans plus tôt. C’est que lui, modeste provincial, ne se sentait pas vraiment à l’aise dans un milieu où la plupart de ses nouveaux coéquipiers avaient déjà célébré moult titres ou trophées individuels. Comme un certain Yasin Karaca, par exemple, considéré à l’époque comme une star en devenir, mais qui éprouve les pires difficultés à surnager à Ostende aujourd’hui. Ou le gardien Urko Pardo qui, lui, a fort bien tenu la distance puisqu’il est actuellement troisième gardien au Barça.

 » Les rapports du scout du RSCA, Marcel De Corte, étaient extrêmement élogieux à son égard « , se souvient Manu Ferrera, le premier mentor à avoir eu Markske sous ses ordres au Sporting.  » Il avait été subjugué par sa polyvalence, car dans son cercle d’origine, le joueur avait été mis avec un égal bonheur à toutes les sauces : numéro 10, médian défensif, arrière. Au moment de finaliser son passage dans les rangs anderlechtois, le joueur fut malheureusement victime d’une double fracture tibia/péroné encourue lors d’une rencontre devant Rhode-Verrewinkel. Malgré ce coup du sort, le club prit le risque de le transférer. Mais, pendant près d’une demi-saison, il n’allait se révéler d’aucune utilité. Au départ, il boitait bas. Il lui fallut patienter de très longues semaines avant de marcher normalement. A un moment donné, j’ai même cru qu’il était perdu pour le football. Après quelques mois, j’ai répondu personnellement à une offre de Charleroi et Mark a été pris en charge tour à tour par Eddy Van Dale et Daniel De Temmerman chez les B. Vercauteren avait un faible pour lui et fut à coup sûr à la base d’une progression qui l’a conduit au plus haut niveau « .

Entre le coach actuel des Mauves et De Man, la complicité, à l’évidence, ne date pas d’hier. Il y a tout juste dix ans, au moment où il était encore coordinateur des jeunes au FC Malinois, Vercauteren avait déjà été séduit par le joueur à la faveur d’un tournoi pour jeunes pousses. Ses parents furent d’ailleurs conviés derrière les célèbres casernes en vue d’évoquer un possible transfert. Mais ils déclinèrent l’offre pour des raisons purement pratiques, tout comme ils refusèrent plus tard une proposition de Saint-Trond. En tant que pilote d’avions militaires (de F16 d’abord puis de Boeing), le papa n’avait tout bonnement pas la possibilité de véhiculer son rejeton trois fois par semaine du domicile familial à Hamme-Mille jusqu’au terrain des Sang et Or. Et comme la maman travaillait à temps plein à l’aéroport national elle aussi, il valait mieux ne pas insister.

La donne n’était plus du tout la même, toutefois, quand le Sporting vint à son tour aux nouvelles. Et pour cause, puisque Mark, à l’instar de ses compagnons de classe, était un fan des Mauves. Et d’un certain Pär Zetterberg en particulier. Chaque année, d’ailleurs, il était un assidu lors du galop amical d’avant-saison qui, depuis belle lurette, oppose les banlieusards louvanistes aux troupes anderlechtoises. La situation parentale n’ayant pas changé, la délivrance pour le footballeur en herbe eut pour nom Abdel Boubman, le père d’un autre adolescent du coin qui se chargea d’amener pour ainsi dire journellement les deux compères à Neerpede.

Un maillot de Zet

 » En guise de cadeau d’adieu, mes potes et la direction du club m’avaient offert un maillot dédicacé de Zet « , dit-il.  » Et voilà qu’aujourd’hui, je le côtoie au quotidien, c’est fou ( il rit). J’ai eu très dur à mon arrivée au Sporting, pour les motifs que l’on sait. Mais j’ai mordu sur ma chique et mon travail s’en est trouvé récompensé. Après une année à peine, je sautais déjà de catégorie. Par la suite, j’ai effectué très tôt la jonction avec l’équipe B. J’étais toujours teenager à ce moment-là et, pour la première fois, je me suis fais la réflexion que je pourrais faire du football mon métier. Mon statut chez les Diablotins me confortait également en ce sens car dans toutes les catégories d’âge par lesquelles j’ai transité, j’ai chaque fois été nommé capitaine. Il n’y a que chez les Espoirs, à présent, que j’ai dû céder mon brassard à Maarten Martens. Ce n’était pas anormal, dans la mesure où il avait déjà un vécu au RKC Waalwijk alors que moi-même j’attendais toujours patiemment mon tour en équipe fanion du Sporting. Maintenant qu’il en est ainsi, la concurrence sera plus ardue pour ce morceau d’étoffe. Même si je n’en fais nullement une fixation car Maarten est un bon capitaine qui se double d’un excellent ami « .

Utilisé à plusieurs places par Vercauteren depuis son entrée au jeu au Lierse, Mark De Man n’éprouve aucune préférence particulière. S’il confesse une plus grande expérience dans une position axiale, un rôle sur le flanc recueille lui aussi ses faveurs. C’est d’ailleurs là qu’il a livré sa meilleure prestation sous le maillot du Sporting, face au Standard. Ce qui veut tout dire quand on sait qu’au gré des circonstances il a dû museler tantôt Milan Rapaic, tantôt Sergio Conceiçao, qui permutaient à qui mieux mieux. Non content de jouer à la perfection sa mission de garde-chiourme, le petit nouveau se permit aussi quelques incursions de la meilleure veine après avoir déposé un opposant sur le mauvais pied. De quoi marquer des points précieux, assurément, dans l’estime du coach.

 » Quelles que soient ses intentions avec moi, je ne vais jamais bouder mon plaisir « , précise-t-il.  » A mon âge, c’est tout simplement formidable d’être sur le terrain. A la limite, je suis prêt à jouer partout. Même au goal. Cette déclaration peut prêter à sourire mais chez les moins de 16 ans, j’ai dû remplacer un jour au pied levé le titulaire. Le score était de 2-2 face au Standard à ce moment-là et j’ai eu la satisfaction de garder mes filets intacts. Je ne prétends pas que j’ai le potentiel pour inquiéter la hiérarchie actuelle. Mais je peux quand même titiller Walter Baseggio au cas où un joueur de champ devrait être appelé à dépanner au goal ( il rit) « .

Dans l’attente d’une confirmation, quel que soit le registre, Mark De Man caresse encore une autre ambition : faire son entrée sur la scène européenne avec les Mauves. Un doux rêve qui lui a toujours été refusé jusqu’ici.

 » En principe, j’aurais dû être de la revue lors de la visite de Panathinaïkos dans nos installations il y a deux ans « , avance-t-il.  » Malheureusement, le club avait omis de reprendre mon nom sur la liste officielle qui avait dû être déposée à l’UEFA avant la compétition. Par la suite, je me suis rattrapé en figurant à l’une ou l’autre reprises sur la feuille de match. Mais je ne suis jamais entré au jeu. J’espère que cet honneur me sera réservé la saison prochaine. Pour le reste, j’aspire à signer également un nouveau bail. Je suis lié jusqu’en 2006 et j’ai cru comprendre que la direction avait l’intention de le prolonger de trois ans. Pour moi, pas de problème. Je suis même disposé à me lier les dix prochaines années. Car je me sens bien ici. Dès lors, pourquoi troquer la proie pour l’ombre ? »

Bruno Govers

Son transfert à Willem II a été réglé en deux coups de cuiller à pot mais HUGO BROOS S’Y est OPPOSé

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