Quatre saisons

Dans quelques semaines, le défenseur aura fait le tour des quatre clubs hennuyers de D1. Chacun d’eux correspond à une période de sa carrière.

Marco Casto vit ses dernières semaines à Mouscron. Arrivé en fin de contrat, il s’est déjà lié à Mons pour les deux prochaines saisons, avec option pour une année supplémentaire. Il aura alors fait le tour des quatre clubs hennuyers de D1. Moments choisis.

Le printemps louviérois

Lespremiersrayonsdesoleilréchauffentl’atmosphère, lesjeunespoussessortentdeterre, lesarbustesbourgeonnent. Detempsentemps, desgibouléesrappellentqu’ilnefautpasencoresedécouvrir.

MarcoCasto: « J’habitais à Mons à l’époque, mais comme mon oncle était délégué à La Louvière, c’est là que je me suis affilié à huit ans. J’étais un petit garçon turbulent et espiègle, et le football m’a permis d’extérioriser mon trop plein d’énergie. Il m’a aussi évité de tomber dans la délinquance. Plusieurs amis d’enfance ont mal tourné et ont fait de la prison. Avec eux, j’ai parfois fait les 400 coups, mais j’ai su redresser le cap à temps. A l’école, j’étais un élève moyen, mais j’essayais de suivre parce que mes parents accordaient beaucoup d’importance à mon éducation. S’il fallait me punir pour un mauvais bulletin, c’était la privation d’entraînement qui était la plus efficace. Mon père l’avait bien compris, et à maintes reprises, il a voulu m’imposer cette sanction. Mais, lorsque j’étais au lit, ma mère poursuivait la discussion avec lui et essayait de le calmer. Elle y réussissait la plupart du temps, si bien que le lendemain, je prenais tout de même la direction du stade. J’avais déjà mon petit caractère. Je l’ai sans doute hérité de mon père, qui avait lui aussi un sacré tempérament. Mon frère Toni, de deux ans plus âgé que moi, a plutôt hérité de caractère de ma mère. Il est doux comme un agneau. C’est sans doute ce qui l’a empêché de faire carrière dans le football. J’ai joué quelques matches avec lui en Réserve, mais par la suite, il a dû se contenter de la Promotion et de la Provinciale. C’est parfois nécessaire de se faire entendre. Mon franc-parler est naturel. Dans les équipes d’âge, déjà, j’ai eu des discussions orageuses avec certains de mes entraîneurs. Je n’hésitais jamais à leur dire ma façon de penser. Je ne récoltais pas encore les cartons jaunes à la pelle. Les arbitres étaient sans doute plus cléments avec les jeunes. Comme footballeur, j’admirais DiegoMaradona et je jouais moi-même en n°10, derrière les attaquants. En tant que fan de la Juventus, j’avais aussi un faible pour MichelPlatini et ZbigniewBoniek, pourtant je ne songeais pas un instant devenir professionnel. Manifestement, je devais avoir certaines dispositions, car le président PietroPalmieri refusait de me laisser partir malgré les appels pressants de plusieurs clubs. Si je ne compte aucune sélection dans les équipes nationales de jeunes, c’est parce qu’à l’époque, j’étais encore Italien. Je ne suis Belge que depuis 1993. J’ai fait mes classes en compagnie de DimitriDelière. Après cinq matches en Juniors, j’ai intégré le noyau A qui évoluait à l’époque en D3. Et, alors que je n’avais encore que 17 ans, le Sporting de Charleroi m’a recruté pour une somme déjà importante pour l’époque ».

L’été carolo

Ilfaitbeau, lesoleilbrille, lesjournéessontlongues. Lanatureestresplendissante. Parfois, unoragedechaleuréclateetdeséclairsstrientleciel.

MarcoCasto: « La première chose qui m’a frappé, en arrivant à Charleroi, fut de pouvoir me rendre à l’entraînement sans même devoir préparer mon sac de sport. Chaussures, équipements: tout était prêt lorsqu’on pénétrait dans le vestiaire. Pour moi, qui suis issu d’un milieu modeste, c’était déjà exceptionnel de ne rien devoir acheter pour jouer au football. GeorgesHeylens est l’entraîneur qui m’a lancé en D1, lors d’un déplacement au Cercle de Bruges, et je l’oublierai jamais. Il m’a aligné à l’arrière gauche, pour que j’acquiers des réflexes défensifs. Comme n°10, je n’avais jamais beaucoup songé à la récupération du ballon jusque-là. Par la suite, j’ai occupé différentes positions au Sporting: demi gauche, demi centre, demi défensif et même… stoppeur. J’ai été l’équipier de grands joueurs, comme PärZetterberg, EricVanMeir, RaymondMommens et DanteBrogno. Outre Georges Heylens, je citerai parmi le trio d’entraîneurs qui m’ont marqué: RobertWaseige, LukaPeruzovic et GeorgesLeekens. Ce n’est pas un hasard si je les ai tous les trois connus à Charleroi. C’était vraiment l’été de ma carrière au Mambourg. Waseige me fascinait par ses discours: il était capable de transformer un fait banal en un véritable événement, par la simple magie des mots. Il m’a appris le métier. Peruzovic était dur, mais m’a été utile. Leekens aussi. Il y a eu des coups de tonnerre avec chacun d’entre eux. Mais le beau temps revenait rapidement. J’ai aussi vécu de longues et belles soirées à Charleroi. On se retrouvait souvent après les matches, pour boire un verre et manger un petit bout, avec les coéquipiers et les épouses. On formait une véritable bande de copains. Des liens se sont serrés et ne se sont jamais défaits. Les copains d’alors sont devenus les… amis d’aujourd’hui. La moindre occasion sert de prétexte aux retrouvailles. Parfois, il nous arrivait de bâcler nos matches lorsqu’on devait se produire à Beveren ou au Beerschot, mais on était tout feu tout flammes à l’idée de recevoir Anderlecht le week-end suivant. On ne se démenait pas pour améliorer notre classement, simplement pour le plaisir de jouer un bon tour aux Bruxellois. Sur la fin, le ciel s’est assombri en raison des relations orageuses que j’ai entretenues avec certains supporters, qui m’avaient pris en grippe. Pourquoi l’atmosphère s’est-elle détériorée? J’avais été contacté par le Standard, et lorsqu’on connaît les relations qui unissent les sympathisants des deux camps, cela a probablement été mal perçu. Il était temps que je parte, que je découvre d’autres horizons ».

L’automne mouscronnois

Latransitions’effectueendouceur. C’estl’étéindien, il y aencoredetrèsbellesjournéesetlanatureseparedecouleurslumineuses. Alafin, pourtant, leventsedéchaîneetarrachelesfeuillesdesarbres. Ilesttempsd’engrangerdesprovisions.

MarcoCasto: « J’ai 25 ans lorsque j’arrive à Mouscron, en même temps que HugoBroos. Les premières semaines annoncent déjà l’automne, avec un premier tour très difficile qui verra les Hurlus menacés de relégation à l’approche de la trêve. Mais, par la suite, j’ai encore vécu de très belles journées d’arrière-saison, et même un véritable été indien avec ces deux quatrièmes places. Il y avait de la qualité dans l’équipe, avec des joueurs comme YvesVanderhaeghe et StefaanTanghe, et un collectif bien huilé, auquel l’entraîneur n’apportait que de très rares modifications. J’ai été fier de faire partie de cette équipe. Selon bon nombre d’observateurs, l’Excel pratiquait le meilleur football du pays. Je me souviens d’une période au cours de laquelle nous avons battu La Gantoise 7-1 et Genk 5-0. Il y a toujours eu une bonne ambiance dans le vestiaire, mais je n’ai pas retrouvé à Mouscron cette unité dans le groupe que j’avais connue à Charleroi. Les relations sont cordiales, mais professionnelles: après l’entraînement, chacun rentre chez soi. J’ai aussi connu un président d’exception en la personne de JeanPierreDetremmerie. Nous avons parfois eu des divergences de vue et il lui est arrivé de me rappeler à l’ordre, mais nous avons toujours fini par nous comprendre. Comme moi, il réagit impulsivement, mais possède un grand coeur. Le vent a commencé à tourner au début de la saison dernière. J’avais été contacté, pour la deuxième fois de ma carrière, par le Standard, et tout était réglé entre le club liégeois et moi, mais Hugo Broos a refusé le transfert… pour m’écarter du onze de base par la suite. Ai-je payé au prix fort mon exclusion à Lommel? Je pense qu’il y avait d’autres raisons à mon éviction. Il fallait mettre les frères Zewlakow en vitrine, dans l’optique de la Coupe du Monde et d’un transfert éventuel. Si vous me dites que c’est à partir du moment où Michal a évolué à l’arrière gauche que l’Excel a entamé sa belle série victorieuse, je vous coupe immédiatement: j’étais titulaire lors du premier match de cette série, une victoire 6-1 contre Alost. J’avais même inscrit un but, mais cela n’a pas suffi. Un autre jour sombre fut certainement ce déplacement à La Louvière, où privé d’arrière gauche, Hugo Broos avait préféré aligner le jeune Filston, afin de le tester dans l’optique de la saison suivante et du départ probable de l’international polonais. C’était pourtant un match qui me tenait à coeur. Au milieu de toute cette grisaille, j’ai encore connu une journée radieuse avec la participation à la finale de la Coupe de Belgique, la deuxième de ma carrière, alors que je n’avais pratiquement plus joué depuis six mois. Elle a été gâchée par la défaite et cette nouvelle exclusion que je persiste à considérer comme imméritée, mais j’en conserve néanmoins un grand souvenir. La saison actuelle, ma sixième sous le maillot des Hurlus, ne sera pas la plus glorieuse. LorenzoStaelens a joué la carte de la jeunesse et a privilégié Filston dès le départ. L’équipe a disputé un premier tour formidable et un deuxième catastrophique. Les blessures ne peuvent pas tout expliquer. Depuis plusieurs semaines, je n’ai plus voix au chapitre. Je m’accommode mal de ce statut de réserviste et j’ai bien sûr demandé des explications à l’entraîneur. Je peux comprendre qu’il privilégie ceux sur qui il pourra encore compter la saison prochaine ».

L’hiver montois

Lesjournéesraccourcissent, latempératurebaisse, lachaleurestintérieure. Leslonguessoiréesaucoindufeusontpropices àlaréflexion. C’estégalementletempsdescadeaux, qu’ondonneetqu’onreçoit.

MarcoCasto: « J’ai mûri, j’ai gagné en expérience. C’est cette expérience, et l’enthousiasme qui est toujours le mien à bientôt 31 ans, que j’espère offrir à Mons, où je retrouverai mon ami OlivierSuray, ainsi que MustaphaDouai, avec lequel j’ai joué une saison à Charleroi. Je pense que je terminerai ma carrière au stade Tondreau. J’espère connaître là-bas les mêmes joies que j’ai connues avec Mouscron. Les similitudes sont légion: l’Albert actuel, c’est un peu l’Excel de la première saison en D1. J’arrive dans la Cité des Dragons pour la… deuxième saison, comme je l’avais fait dans la Cité des Hurlus. MarcGrosjean, un entraîneur que j’apprécie bien que je n’ai pas encore eu la chance de travailler avec lui, m’a déjà offert un beau cadeau en me tendant la perche, dès la mi-avril. C’est la preuve qu’il croit en moi, malgré tout ce que l’on a écrit à propos de mon fichu caractère. Rien que pour cela, je considère déjà que j’ai une dette envers lui et l’Albert. Je ne me montrerai pas ingrat. Le football a changé, par rapport à mes débuts. Avec l’arrêt Bosman, mais aussi avec le changement des mentalités. Les jeunes n’ont plus de respect vis-à-vis des anciens. Je suis un râleur, mais lorsqu’on me demandait d’aller rechercher les ballons ou de redresser les buts après l’entraînement, j’obtempérais. Les jeunes d’aujourd’hui n’en font qu’à leur tête. Je ne citerai pas de noms. Ils obtiennent trop facilement ce qu’ils veulent, reçoivent trop rapidement leur chance dans un championnat de Belgique trop dévalué par l’exode des vedettes. La chaleur intérieure, oui, j’y suis très sensible. Au terme de ma carrière active, je ne me vois pas devenir entraîneur. J’ai d’autres projets, avec mon épouse. Je n’en dirai pas plus car il est trop tôt pour en parler. Je ne couperai pas totalement les liens avec le football, mais j’assisterai surtout à des matches de Promotion ou de Provinciale, comme le fait PhilippeAlbert, pour voir les copains. L’amitié est un sentiment très important pour moi. J’ai la chance d’avoir de nombreux amis dans le football. S’il fallait se retrouver au coin d’un feu, pour évoquer les bons souvenirs durant les longues soirées d’hiver, ce serait avec eux. Je pense pouvoir être fier de la carrière que j’ai accomplie. Des regrets, on peut toujours en avoir. Comme celui de ne pas avoir pu porter le maillot du Standard, alors que j’ai été approché à deux reprises. Défendre les couleurs de l’un des trois grands clubs du pays, c’eut été bien. Je n’ai pas connu l’étranger non plus. Pas même la… Flandre. La mentalité flamande, j’en ai malgré tout eu un petit aperçu à Mouscron. On y est très proche de la frontière linguistique et cela se ressent. La discipline est présente, on est ambitieux, on sait ce que l’on veut et on se donne les moyens d’atteindre ses objectifs. Je n’ai toujours décroché aucun trophée et je n’ai jamais été international. Mais, malgré tout, j’approche les 300 matches en D1. J’espère que mon père, là où il se trouve, est fier de ce que j’ai accompli également. Il est décédé voici six ans, d’un cancer du poumon. La vie de mineur, ce n’était pas toujours drôle. J’ai eu bien de la chance de devenir footballeur. Je pense à toi, Papa ».

Daniel Devos

« Il est parfois nécessaire de se faire entendre. Mon franc-parler est naturel »

« L’Albert actuel, c’est un peu l’Excel de la première saison en D1 »

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