« Quand un noir fait une erreur, ça se voit plus »

L’ex-défenseur alostois apporte sa soif de gagner au Standard.

On a tellement souvent évoqué la lenteur de l’axe central défensif du Standard par le passé que c’en est presque devenu une obsession. Alors, lorsque Godwin Okpara a débarqué, tout Sclessin s’est dit que le club possédait enfin le défenseur central à la fois solide et rapide qu’il cherchait depuis si longtemps. Mario Innaurato, le préparateur physique du club, chargé de remettre Okpara en état de marche, a d’ailleurs tout de suite constaté cette faculté chez le Nigérian et s’est efforcé de travailler le fond sans nuire à l’explosivité.

Mais bien entendu, d’autres questions se posent: l’ancien joueur d’Alost, qui vient de passer une saison et demie sur le banc au PSG, a-t-il conservé toutes les facultés physiques qui étaient les siennes lorsqu’il quitta la Belgique et Alost pour Strasbourg? Se fondra-t-il aisément dans un groupe de joueurs où les gagneurs ont parfois été mal perçus? Sa motivation et sa confiance sont-elles toujours aussi fortes que par le passé?

Le programme de préparation spécial qui vous avait été concocté est-il terminé?

Oui, pratiquement. Je suis arrivé ici avec plusieurs kilos de trop mais je les ai perdus et je me sens mieux de jour en jour. Mario m’a fait souffrir mais j’en avais bien besoin.

Vous aviez pris six semaines de vacances au Nigéria. N’était-ce pas un peu trop?

Non, pourquoi? Il est vrai que je n’avais absolument rien fait là-bas. Si vous y alliez, vous comprendriez pourquoi: la chaleur, l’altitude… Impossible de s’entraîner dans de telles conditions.

Vous avez disputé votre premier match complet à Blegny, un club de 1ère Provinciale où le Standard ne s’est imposé que 0-3.

Il est toujours difficile de jouer contre ce genre d’équipes qui ne songe qu’à défendre. Pour ma part, derrière, je n’ai pratiquement rien eu à faire. A la limite, nous aurions pu jouer sans gardien.

Le Standard compte évoluer en 4-3-3. N’est-ce pas ingrat pour un défenseur?

Non car nous serons plus souvent en possession du ballon. Seulement, il faut que nous assimilions le système. Avant de quitter la Belgique, je ne faisais pas tellement bien la différence entre le 4-4-2 et le 4-3-3. Si j’ai progressé sur un point en France, c’est justement celui-là. Michel Preud’homme sait exactement où il veut en arriver mais nous devons appliquer ses consignes pour que tout se passe bien.

« Preud’homme me fait penser à Ceulemans »

Pour un jeune coach, il n’hésite pas à prendre des risques.

Il me fait penser à Jan Ceulemans. Je me sens bien parmi ces gens-là parce qu’ils s’y connaissent, on sent qu’ils ont joué au plus haut niveau. A Strasbourg, Jacky Duguépéroux connaissait le football mais on sentait une différence dans sa lecture du jeu.

Luis Fernandez aussi a joué au plus haut niveau. Pourtant, le courant ne passait pas entre vous…

Oui mais lui, presque personne ne le comprend. Il était à la fois coach et manager. Lorsqu’il est arrivé, il a voulu vendre tout le monde, tout changer, amener de nouveaux éléments. Si cela avait marché, il aurait été un héros. Mais il s’est planté et il est responsable de ce qui est arrivé. Son prédécesseur, Philippe Bergeroo, était meilleur que lui. Il nous avait qualifiés pour la Ligue des Champions. Avec Fernandez, le club a dû être repêché pour participer à l’Intertoto.

Il affrontait La Gantoise la semaine dernière. Etes-vous allé voir le match?

Non, car nous avions deux entraînements le lendemain. Je me concentre désormais sur le Standard.

Vous devriez être associé à Van Meir en défense. Etes-vous complémentaires?

Tout à fait. Je me rappelle d’Eric à l’époque où il évoluait à Charleroi et j’ai continué à suivre le football belge d’assez près. On dit toujours qu’il n’est pas rapide mais il a une bonne vision du jeu, une bonne passe et beaucoup d’expérience. On ne construit pas une défense uniquement sur base de la vitesse des joueurs non plus.

Vous pourriez également former un duo avec votre compatriote Rabiu Afolabi mais on affirme que, d’un point de vue tactique surtout, il est dangereux de confier la clef d’une défense à des footballeurs africains. Ceulemans, qui vous adorait pourtant, mettait d’ailleurs souvent ce point en exergue chez vous.

Oui mais je vous l’ai dit: c’est surtout à ce niveau que j’ai progressé. N’oubliez pas que la plupart des joueurs africains qui débarquent ici sont très jeunes et que, comme ils sont déjà très forts physiquement, on leur en demande presque autant qu’à des joueurs expérimentés. Et puis, quand un noir fait une erreur, cela se voit parce qu’il est le seul sur le terrain. Quand c’est un blanc, il se fond dans la masse (il rit). Mais un gars comme Stephen Keshi, par exemple, ne commettait pas beaucoup d’erreurs.

« Je ne crois pas que l’équipe va passer à travers ses matches »

Les supporters du Standard ont fait le gros dos jusqu’à l’arrivée de Johan Walem car ils estimaient que leur club était sorti déforcé de la période des transferts. N’est-ce pas un peu vexant pour les nouveaux venus?

Tant que le championnat n’a pas débuté, on ne peut pas dire si nous serons plus forts ou pas. C’est à nous de prouver que nous pouvons faire mieux que l’équipe de la saison dernière et la pression est sur nos épaules, c’est vrai.

N’empêche que vous n’aurez pas beaucoup de crédit. Deux ou trois mauvais matches et les gens vont commencer à siffler.

C’est normal. Si nous voulons rester au sommet, nous ne pouvons pas nous permettre de rater trois matches de suite. C’est vrai au niveau individuel comme au niveau collectif. Mais je ne crois pas que cette équipe connaîtra ce genre de problème.

Le premier rendez-vous européen, c’est déjà pour la semaine prochaine. Serez-vous prêt?

Oui. Et l’équipe également. Avez-vous vu le match amical face à St-Etienne? C’était très bon. Et contre le Sporting Lisbonne (1-3), nous n’avons pas eu beaucoup de chance sur le plan offensif, sans quoi nous aurions pu marquer autant de buts que notre adversaire. J’admets cependant que nous avons encaissé trop facilement: nous devons gommer les erreurs individuelles.

D’un point de vue personnel, qu’attendez-vous de ce transfert au Standard?

Je me sens un peu comme un bébé qui vient de naître. Je dois retrouver ma confiance en moi parce que, quand on ne joue pas et qu’on se sent abandonné, on n’a plus goût à rien. Fernandez ne parlait qu’à certains joueurs: ce n’est pas comme cela qu’on forme une équipe. Heureusement, je suis un homme calme et, à Paris, je vivais à l’écart du centre et j’avais ma famille, sans quoi j’aurais pu sombrer. Je sais que je n’ai rien perdu de mes qualités mais je dois absolument me refaire une santé.

N’aurait-il pas été plus facile de signer pour une équipe qui avait conservé sa base?

Si, évidemment. Manchester United ne vend jamais rien et les joueurs qui y débarquent ne peuvent donc que progresser tandis que l’équipe est plus forte chaque année. Ici, nous repartons tous à zéro mais nous devons y arriver. Notre objectif est de gagner le championnat.

« Pour être champion, il suffit de devancer Anderlecht et Bruges… »

Vous placez la barre très haut…

Mais non… En Belgique, pour être champion, il faut devancer Bruges et Anderlecht, c’est tout. En Italie, cinq ou six clubs sont candidats au titre chaque année. Ça, c’est difficile! Seulement, pour être champion, il faut se convaincre que c’est possible.

Le niveau du championnat de Belgique a chuté et, en principe, vous êtes plus fort que lorsque vous étiez parti en France. Tout devrait être plus facile pour vous.

Je ne débarque pas avec un tel état d’esprit. Je me dis que j’ai un pari à gagner et je veux tout faire pour y arriver. Si je pense que cela ira tout seul, je vais m’endormir et ce sera pire.

Cette mentalité de gagneur ne plaît pas toujours en Belgique. Ne vous êtes-vous pas déjà accroché avec un équipier au cours d’un des premiers entraînements?

(il rit) Je ne sais même plus de qui il s’agissait. Nous nous sommes expliqués dans le vestiaire et nous en avons rigolé. Il est normal qu’on s’engueule au sein d’une équipe. Et pour ma part, je veux toujours gagner, y compris à l’entraînement.

Vous n’avez pas la réputation d’être un type facile.

Je suis quelqu’un qui sait ce qu’il veut. Quand on ne me connaît pas, cela peut poser des problèmes, c’est vrai. Victor Ikpeba a connu cela à Liège alors que c’est un type charmant, toujours souriant.

Avez-vous été surpris par l’intérêt du Standard?

En partie, oui, parce que je sais qu’on est vite oublié. Mais j’avais quitté la Belgique sur une bonne note, je crois. Des clubs anglais et espagnol se sont intéressés à moi également, mais le Standard était européen et c’est ce qui a fait pencher la balance.

« Marseille ne m’intéresse pas vraiment »

Financièrement, vous avez dû faire un sacrifice?

Non parce qu’il me restait deux ans de contrat à Paris et que le PSG paye toujours la moitié de mon salaire.

Vous avez signé pour trois ans mais, si vous aviez pu, vous ne vous seriez engagé que pour un an.

Oui, parce que j’ai toujours la bougeotte et de l’ambition. Ma famille restera à Paris. J’y ai ma maison et mes enfants vont à l’école internationale. A Liège, il n’y en a pas. Si c’est pour aller à Bruxelles, autant rester en France. Finalement, ce n’est qu’à 2h30 de TGV. S’ils le voulaient, ils pourraient rentrer chaque soir à la maison. Mais même si j’étais parti jouer en Angleterre, ils seraient restés là-bas. Ce n’est pas bon pour les enfants de changer tout le temps d’environnement.

Votre engagement avec le Standard prévoit-il une passerelle vers Marseille?

Non. D’ailleurs, ce club ne m’intéresse pas vraiment. Si je repars un jour à l’étranger, ce sera plutôt vers l’Angleterre.

Tout serait plus facile si vous possédiez un passeport européen.

J’ai demandé la nationalité belge. Il n’est d’ailleurs pas exclu que je m’installe définitivement ici après ma carrière, tout en faisant des aller-retour vers le Nigéria.

Patrice Sintzen

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