« Quand tu reviendras, ce sera la fête mon ami ! »

Le coach du Standard a grandi, étudié et découvert sa passion pour le football à Târgu Mures, au cour de la splendide Transylvanie, en Roumanie : ses amis y sont fiers de lui.

« Bienvenue à Târgu Mures : c’est chez moi et vous allez découvrir la plus belle ville qui soit…  » Laszlo Bölöni nous téléphone de Belgique au moment précis où le c£ur de son terroir natal s’offre à notre regard. Cette cité de près de 150.000 habitants s’est développée le long d’une rivière, le Mures, avant de s’étendre vers la vallée de la Niraj et d’une collection de belles collines.

Située à 330 kilomètres au nord-ouest de Bucarest, la capitale roumaine, Târgu Mures constitue un centre administratif, économique, universitaire et culturel important en Roumanie.  » Il y a des personnalités brillantes mais le plus bel ambassadeur international de notre ville, c’est sans aucun doute Monsieur Bölöni « , commente Vlad-Mihai Amariei, journaliste à Radio Târgu Mures.  » Son élection en tant qu’entraîneur de l’année en Belgique est un sujet de fierté pour nous tous. C’est de la bonne publicité pour notre ville et aussi un sujet d’encouragement dans d’autres domaines que le football. Un jour, il s’est adressé aux élèves du collège qu’il fréquenta autrefois. Son message a été simple et il a parlé de discipline, de caractère et de travail. Il fit forte impression sur la jeune assemblée.  »

Simion-Virgil Biu, le directeur du collège Alexandru Papiu-Marian confirme les dires du jeune journaliste :  » C’était un bon élève. Ses anciens professeurs m’ont souvent parlé de sa parfaite organisation. Monsieur Raczkovy, notre ancien professeur d’éducation physique, évoque encore cet élève qui a signé notre livre d’or. Et je tiens à ce document. C’est la preuve qu’il n’a rien oublié et apprécié les valeurs acquises dans ce collège. Je les retrouve dans son humanisme et son intérêt pour les autres. De plus, il a su combiner des études universitaires et le football de haut niveau. C’est un intellectuel du sport et il n’hésitera jamais, je crois, à encourager un jeune durant ses études. On m’a dit qu’il jouait bien de la guitare ! Son frère, Istvan est aussi chirurgien dentiste. Esther, sa fille, est médecin si mes renseignements sont bons. Sa femme, Klara, était une grande comédienne appelée au plus bel avenir. Elle faisait l’unanimité à Târgu Mures mais a préféré mettre sa carrière entre parenthèses pour favoriser celle de son époux.  »

L’élégante Place des Roses exhibe des arguments qui attirent les regards : la préfecture, le palais de la culture, la cathédrale orthodoxe, le théâtre national, etc. Târgu Mures est coquette même si la vie n’y est pas facile. Le salaire moyen d’un salarié ne dépasse pas 150 euros. C’est peu, mais les gens sont tellement heureux de faire partie de la Communauté européenne. La région est riche en gaz naturel, or, cuivre, fer, marbre, charbon, etc. Les lendemains ne peuvent qu’être meilleurs et puis, il y a surtout la… liberté depuis la chute du régime du dictateur NicolaeCeausescu en 1989.

 » Ce n’est pas évident pour le moment mais nous préférons cela à un passé pas si éloigné : maintenant, on peut dire ce qu’on a sur le c£ur « , affirme Alexandre Luca, professeur de littérature française à l’université Petru Maior de Târgu Mures, notre interprète sur les terres de l’entraîneur du Standard.

Un des amis de l’entraîneur du Standard nous a dit très clairement que  » la politique était intervenue au moins une fois pour que Bölöni ne prenne pas part à un match international contre la Hongrie. Le régime dictatorial qui était en place craignait qu’on parle trop de la minorité hongroise de Transylvanie et que cela génère même des troubles en Transylvanie. « 

D’autres nous ont affirmé que les choses n’avaient quand même pas été aussi loin :  » Non, la Roumanie tient toujours à gagner contre ses adversaires régionaux : la Bulgarie et la Hongrie. Tout le reste, c’est du roman… « 

Vraiment ? Ne dit-on pas sur cette lancée que Bölöni songea même à se présenter à des élections sur les listes d’un parti de la communauté hongroise de Transylvanie ? Des ténors politiques nous ont affirmé qu’il se serait imposé haut la main. Même si la fièvre est montée entre jeunes des deux communautés au début des années 90, le calme est revenu et a accompli son £uvre comme le souligne un des amis de l’entraîneur des Rouches :  » L’idéal européen a fait son chemin et les deux grandes communautés de Transylvanie vivent désormais en parfaite harmonie. Nous avons tout à gagner en unissant nos atouts. « 

Le chemin du succès sportif fut long

Bölöni a préféré le débat sportif à la vie politique et, non content d’avoir été un grand joueur, il a rejoint Stefan Kovacs et Emerich Jenei, entre autres, dans la galerie des très grands coaches roumains de souche hongroise. Le chemin du succès fut long. Pour prendre sa revanche par rapport aux injustices, Bölöni a toujours misé sur le travail et l’excellence. A Chimica Târnâveni, il se retrouva très vite sous les feux de la rampe.

Attaquant formé dans ce club, Arpad Fazakas le connaît très bien :  » J’étais plus âgé que lui et avant qu’il ne soit transféré à l’ASA Târgu Mures, où il fut mon équipier, je venais le voir jouer avec les jeunes. Son papa a eu une crise cardiaque lors d’une rencontre au cours de laquelle Laszlo a marqué quatre buts. J’étais assis à côté de lui. Il est décédé quelques jours plus tard. Bölöni avait un pied gauche remarquable tant dans le jeu court que long. Le droit, c’était différent mais il le travaillait sans cesse. De toute façon, il était de loin plus fort que ceux qui jouaient des deux pieds. Sa lecture du jeu était exceptionnelle. Je me suis régalé avec lui à l’ASA Târgu Mures. Il ne laissait personne indifférent. J’étais certain que ce jeune joueur observé à Târnâveni irait très loin. Son frère joua aussi à Tärnâveni, en équipes de jeunes. Istvan avait du talent, m’a-t-on dit, mais pas le coffre de Laszlo et il n’a pas continué. Laszlo n’était jamais content de lui ou de la performance collective, même pas après un succès fêté par tout le monde. Pour lui, on pouvait faire mieux et on pouvait toujours améliorer quelque chose.  »

 » A l’ASA Târgu Mures, il a fait sensation et Bölöni a tout de suite eu une attitude de capitaine et il n’hésitait pas à donner son point de vue aux anciens et pièces importantes de l’équipe. Je lui ai rendu visite quand il coachait Nancy en France. Bölöni n’avait pas changé : c’était le même homme avec ses principes de joueur. Il n’a jamais rien laissé au hasard. Avec lui, même le plus petit détail est réglé, examiné mille fois sous toutes les coutures. Sans ce souci de la perfection, il n’aurait jamais pu réussir une grande carrière tout en devenant chirurgien dentiste… Quand nous jouions aux cartes, il lisait des livres, potassait ses cours. Même si la légende dit peut-être le contraire, il ne chantait pas bien. S’il avait dû pousser la chansonnette, toute l’équipe serait partie. La guitare, c’est autre chose. « 

Imre Halmaeyi a été médecin de l’ASA Târgu Mures durant des décennies et a été très marqué par Bölöni :  » Avec lui, il n’y avait jamais de problème. Il accordait beaucoup d’importance aux soins, à la diététique, au poids de forme idéal à ne jamais dépasser. Il voulait toujours être prêt. Et il en allait de même dans le cadre de ses études. Un jour, j’ai croisé un de ses professeurs avant un examen. Je ne lui ai pas demandé une faveur, mais bon… Quand j’ai revu ce prof, il m’a dit – Cet étudiant avait été proche de la cote maximum ! Quand Bölöni revient à Târgu Mures, nous évoquons souvent cette époque.  »

Vlad-Mihai Amariei, le journaliste de Radio Târgu Mures, se souvient des heures de gloire du club de la ville qui compliquait sérieusement la tâche des géants du foot roumain comme Steaua, Dinamo, Rapid Bucarest. L’ASA Târgu Mures était soutenu par l’armée. Les joueurs avaient souvent un petit boulot en plus. La privatisation qui a suivi la chute du président Ceausescu a eu un impact. Les deux premiers clubs de Bölöni ont été rayés de la carte. A Târnâveni, un marché a pris la place du stade. Le terrain de l’ASA Târgu Mures est en ruines. Le temps des succès européens est déjà loin, le club n’a gardé que l’une ou l’autre équipe de jeunes.  »

Avec un petit club en Europe puis la CL avec Steaua !

Ervin Szucher, du journal Kronika édité en hongrois, a consacré un livre aux grands succès de l’ASA Târgu Mures :  » Il y avait régulièrement près de 15.000 spectateurs dans ce petit stade. L’équipe entraînée par Tibor Boné y a disputé des matches européens contre le Dinamo Zagreb, l’AEK Athènes et Dinamo Dresde. L’ASA Târgu Mures disputa aussi la Coupe des Balkans. On n’imagine pas le bonheur que cela généra dans notre petite ville.  »

Le capitaine de l’ASA Târgu Mures, Florea Ispir, a gardé la forme et noté sur un bout de papier ce qu’il avait à nous dire à propos de Bölöni :  » C’était un professionnel à 100 %. L’homme et le joueur ont réussi à force de travail. Laszlo était un grand médian mais pas un joueur parfait. Il a travaillé sans cesse ses défauts comme un pied droit qui n’égalait pas le gauche et, à force de patience, a gommé cette carence. Bölöni n’a jamais cherché à faire l’impasse sur un entraînement : c’est un grand bosseur et cela explique ses réussites.  »

Ancien colonel de l’armée roumaine, Cornel Cacovean a présidé l’ASA Târgu Mures et fut même dirigeant de Bölöni au Steaua Bucarest. Le coach avait déjà 31 ans quand il fit son entrée dans un grand club. N’était-ce pas un peu tard ? Son trajet n’aurait-il pas été plus brillant s’il avait franchi ce cap plus jeune ?

 » Non, je ne crois pas « , explique Cacovean.  » Laszlo est parti quand il a jugé qu’il était prêt. Il était déjà international et tous les grands l’ont courtisé. J’en ai parlé durant des nuits entières avec lui. Nous avions notre appartement dans le même immeuble, lui au 9e étage, moi au 2e. Il a toujours eu cet humour un peu particulier. Laslo n’est pas toujours compris car il pense plus vite que les autres. Il explique mais sait être autoritaire aussi. Et quand il explique quelque chose, c’est logique et très précis. Il faut le suivre. Je crois que cela n’a pas changé. En 1984, Steaua a exercé un forcing incroyable pour le recruter et former une équipe de légende. Laszlo a exprimé des conditions incroyables… que Steaua a acceptées. Laszlo était bien obligé de relever ce défi. Ainsi, le Steaua a mis un cabinet dentaire à sa disposition. Il y a même soigné les joueurs du club. Malgré ses 31 ans, il est arrivé dans la capitale au bon moment. Les choses étaient bien en place et Laszlo a assumé un rôle important dans les grands succès internationaux de Steaua. « 

Tudorel Stoica, le papa d’ Alin Stoica, a joué avec Bölöni au Steaua Bucarest :  » Il s’est tout de suite adapté à son nouvel environnement. La pression ou les nouveaux schémas tactiques ne lui ont posé aucun souci. L’âge n’est pas un problème quand on est excellent, compétent et travailleur. Laszlo avait bien réfléchi à tout cela. Le joueur et l’homme étaient prêts à relever ce défi. Il a apporté sa science et son métier : cela a souvent fait la différence. Laszlo a acquis une place importante dans l’histoire du football roumain comme c’est le cas aussi de Mircea Lucescu, le coach du Shakhtar Donetsk. En 1986, à Séville, le Steaua a eu la joie de gagner la Coupe des Champions : c’était une première pour un club d’Europe orientale. Steaua a battu le Barça (0-0, 2-0 après les tirs au but) et tout le monde se souvient des exploits de notre gardien de but, Helmut Ducadam a évidemment été fabuleux et a fait pleurer toute la Catalogne mais il y avait plus que cela : Steaua était parfaitement organisé et Laszlo fut un des rouages les plus importants de cette fine mécanique. On ne peut que le citer en exemple.  »

Gagner la CL en tant qu’entraîneur après l’avoir fait comme joueur ?

Emerich Jenei était le coach de cette grande équipe roumaine. Au téléphone, il nous a confié son impression à propos de Bölöni :  » Pour un coach, travailler avec lui, c’était d’abord du bonheur. Laszlo était en quelque sorte mon représentant sur le terrain. Steaua lui doit beaucoup : on ne peut pas oublier son apport et son intelligence. Je savais que Bölöni était destiné au métier de coach. Ses réussites ne m’étonnent pas. Il a réussi en France, au Portugal, en Arabie Saoudite et maintenant en Belgique. Laszlo n’est pas qu’un coach. Il règle aussi tous les autres problèmes qui font la vie d’une équipe de football. Pour un club, c’est une bénédiction. Je n’ai qu’un souhait pour lui : j’espère qu’il gagnera un jour la Ligue de Champions en tant qu’entraîneur après l’avoir fait comme joueur. Ce serait merveilleux et il a tout ce qu’il faut pour y arriver, j’en suis persuadé.  »

Dimanche passé, une onde de joie et de fierté s’est répandue à Budapest, en Hongrie, où habite la maman de Bölöni et dans le c£ur de Târgu Mures en Transylvanie. Un de ses grands amis, Tibi Petris, qui a joué avec lui, a levé son verre de vin blanc à sa santé. Il est fier des succès de Bölöni en Belgique :  » Son titre d’Entraîneur 2009 constitue une magnifique récompense. Cette distinction est bien méritée, il me semble. Nous nous téléphonons régulièrement, parfois plusieurs fois par jour (quand on fait quelque chose, il contrôle et contrôle à nouveau tout) et je connais l’ambiance qui règne au Standard. Laszlo et ce club sont faits pour s’entendre. Le Standard est un club de feu. A Târgu Mures, tout le monde est fier de Laszlo. Santé Laszlo, bravo. Quand tu reviendras ici, ce sera la fête, mon ami.  »

par pierre bilic – photos : michel gouverneur

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