» QUAND ON TRANCHE, IL FAUT Y ALLER JUSQU’AU BOUT « 

Le RC Genk n’est pas encore tout à fait sorti du trou mais Peter Maes a déjà fait le ménage. « Je note déjà un changement d’attitude », dit-il.

Le RC Genk s’est débarrassé de douze joueurs au cours du mercato. Un grand nettoyage destiné à rendre une âme au club après deux années de galère. Ceux qui sont toujours là ne peuvent cependant pas dormir sur leurs deux oreilles car PeterMaes l’a dit : ce noyau a trois mois pour faire ses preuves.  » Nous ne sommes pas encore au bout. Nous avons tranché mais on ne peut pas résoudre tous les problèmes d’un seul coup.  »

Quel climat avez-vous rencontré ici pour être aussi déterminé ?

PETER MAES : Tout entraîneur pense qu’il peut changer beaucoup de choses en arrivant quelque part. Mais quand une mentalité et une hiérarchie sont établies, on peut juste les mettre en quarantaine pendant trois semaines puis ça recommence. DimitriDeCondé (le directeur sportif, ndlr), qui avait déjà travaillé sur le terrain, m’a donné une bonne image de ce qui devait se passer. Il fallait rompre avec le passé et c’était valable aussi bien pour le groupe de joueurs que pour le staff. Quand un groupe a du succès, les meilleurs partent. Les autres restent mais, à la longue, ils sont moins motivés. Il fallait donc faire le ménage. La grande lessive, carrément. Parfois, il faut être un peu moins heureux pour mieux apprécier le bonheur.

Cela veut dire que le grand nettoyage n’est pas terminé ?

MAES : Nous avons fait en sorte de pouvoir travailler. Cela ne colle peut-être pas encore avec le style et le niveau de jeu que nous voulons voir mais je note déjà un changement d’attitude. J’espère ne plus devoir trancher mais c’est possible. J’ai fait de la place dans le noyau afin que ceux qui croient en leur avenir s’y imposent. Maintenant, nous allons voir de quoi ce groupe est capable. La suite au prochain mercato. Nous n’avons pas encore abattu tous nos atouts, nous ne disons pas que nous voulons atteindre le sommet. Nous avons encore du travail.

On dit que Genk ne joue pas bien, que les résultats sont irréguliers et que le club n’a pas transféré suffisamment.

MAES : Dans les circonstances actuelles, il m’est difficile de dire que nous sommes bons. Il y a un bout de temps que le club était en ruines. Reconstruire prend du temps. De plus, les finances n’étaient plus saines. Avant d’acheter, nous devions vendre.

Dans un club en crise, tout le monde s’accroche à ce qu’il peut. En tant que nouvel entraîneur, cela vous donne-t-il plus de pouvoir ?

MAES : Dans un club, que ça aille bien ou mal, il faut agir en concertation.

 » LE VESTIAIRE ÉTAIT TOUCHÉ  »

Mais n’est-ce pas vous qui avez dit qu’à Genk, trop de gens avaient leur mot à dire. Que vous ne vouliez discuter qu’avec le directeur général et le directeur sportif ?

MAES : Absolument pas. J’ai déjà assisté à une réunion du comité de direction. Je veux assumer mes responsabilités. Il y a déjà eu du changement avant mon arrivée et la façon dont je dois travailler est claire. Dimi et moi avons été très clairs : nous ne serons pas toujours d’accord, c’est même souhaitable, mais nous devons toujours faire bloc.

Ce qui explique que vous n’avez pas fait le difficile lorsque le club a transféré Sébastien Dewaest, un défenseur central droitier, alors que vous vouliez un gaucher.

MAES : Ça ne veut pas dire que nous n’en avons pas discuté ou que nous n’avons pas envisagé plusieurs options. S’il y a trop de divergences de vue et que nous n’arrivons pas à nous entendre, c’est une chose. Mais si l’autre partie a suffisamment d’arguments pour que je partage sa vision, pas de problème. Nous avons tous le même objectif.

Trop de gens se mêlaient-ils de ce qui se passait dans le vestiaire par le passé ?

MAES : Je serai bref : le vestiaire était touché, il fallait que des choses changent. Chercher pourquoi c’est arrivé, c’est perdre son temps.

Dans le staff technique aussi, il y a eu du changement ? Y avait-il des problèmes avec Hans Visser et Guy Martens ?

MAES : Absolument pas mais si on veut isoler les joueurs, changer les habitudes de personnes qui travaillent ici depuis 20 ans, il faut trancher. Et il arrive qu’on se sépare de bons collaborateurs. Car quand on tranche, il faut aller jusqu’au bout.

Vous avez dit que vous auriez pu vous rendre la tâche plus facile en conservant le staff mais n’est-ce pas le contraire ? En amenant des gens que vous connaissez, vous pouvez directement consacrer toute votre énergie au groupe.

MAES : Non car je ne connaissais pas PeterBalette(son adjoint, ndlr) non plus. Le seul que j’ai amené, c’est ErwinLemmens(l’entraîneur des gardiens, ndlr). Et sur le terrain, il est loin de moi. Non, j’aime repartir de zéro et reconstruire. On a plus d’emprise sur les choses comme ça.

Le RC Genk vit-il une année de transition ?

MAES : Je préfère parler de nouveau départ. Les six premières semaines, il s’agissait de survivre car mon noyau n’était pas complet. Nous l’avons fait et nous sommes dans le peloton. Nous avons dix points. C’est une base de travail. Je ne pense pas que nous aurions pu rêver mieux. Si vous me demandez si c’est ce que j’attendais, je vous répondrai que je n’attendais rien. Je veux voir de quoi ce groupe est capable, comment il travaille, s’il est fort mentalement. Nous verrons où cela nous mènera. Tout le monde sait bien entendu que Genk veut disputer les play-offs I. C’est notre objectif et nous y travaillons mais quand on débute quelque part et qu’on tranche dans un noyau qui était déjà en ruines, ce n’est pas simple.

 » NOUS SOMMES ENCORE FRAGILES  »

Avant le début du championnat, vous avez déclaré que vous n’étiez pas encore satisfait de l’attitude du vestiaire. Ce problème est-il réglé ?

MAES : Cela va déjà mieux mais c’est quelque chose qui ne change pas du jour au lendemain. Il faut que les joueurs soient prêts à se battre pour obtenir un résultat, qu’ils se préparent mentalement, qu’ils ne soient pas trop touchés après une défaite et qu’ils réagissent. Veulent-ils s’entraîner à 90 ou à 50 % de leurs capacités ? Bref, il y a beaucoup de choses à prendre en compte. Je les ai placés devant leurs responsabilités mais il faut du temps pour qu’ils s’habituent à tout cela.

Est-ce aussi valable en matière de leadership ? Vous parlez beaucoup de hiérarchie dans le groupe.

MAES : Quand on rafraîchit un groupe, il faut que d’autres joueurs reprennent le leadership. On verra au cours des prochains mois qui le fait mais c’est nécessaire.

Etes-vous satisfait du jeu développé par votre équipe. Contre Charleroi, vous avez eu 47 % de possession de balle. Or, on sait que vous voulez dominer.

MAES : Nous avons joué de meilleurs matches que celui contre Charleroi. Notre deuxième mi-temps à Gand, par exemple. A la mi-temps, nous avions 32 % de possession de balle. A la fin du match, 49 %. C’est une question de confiance mais nous sommes encore fragiles, nous perdons trop facilement le contrôle.

Ça vous fait peur ?

MAES : Je suis surpris que ce soit aussi grave, oui. Je ne m’en suis pas aperçu tout de suite mais après deux semaines, et ça s’est prolongé. J’ai vu que certains joueurs cherchaient à diminuer l’intensité des entraînements en discutant beaucoup ou en montrant leur mécontentement. Il faut faire preuve d’attitude au travail, pouvoir se remettre au boulot même quand on est énervé.

Après le match contre Saint-Trond, vous avez dit que le club manquait clairement d’un joueur capable de dribbler et de jouer vers l’avant. Vous comptiez sur Tornike Okriashvili pour cela. Etes-vous satisfait de ce qu’il a montré jusqu’à présent ?

MAES : Okri était un peu contaminé, il était un des joueurs qui devaient partir. Nous avons été clairs avec lui, je lui ai rendu une chance et je pense qu’il a compris. Il est beaucoup plus positif et travaille dur mais cela ne se voit pas encore en match. Contre Charleroi, j’attendais davantage de lui. Sous ses airs de dur, il a tout de même craqué sous la pression.

 » LE PANA A JOUÉ AVEC NOS PIEDS  »

Vous n’avez pas transféré d’attaquant de pointe en fin de mercato : est-ce grave ? Vous avez pourtant fait le forcing pour Nikolaos Karelis, ce qui signifie que vous le vouliez à tout prix.

MAES : Nous avons pris IgorDeCamargo pour son expérience, parce qu’il travaille dur et qu’il est parfait dans le vestiaire. Nous avons aussi misé sur un jeune, EnesÜnal, qui a les mêmes qualités mais est beaucoup plus jeune. Nous cherchions encore un attaquant rapide afin de pouvoir évoluer en 4-4-2. Un type comme ImohEzekiel qui nous permette de ne pas toujours combiner. C’est pour cela que nous voulions Karelis mais à la fin de la période des transferts, il était beaucoup trop cher. Le Panathinaikos demandait sans cesse plus d’argent. Comme nous n’avions pas d’alternative, nous avons décidé de ne prendre personne d’autre. Nous voulons effectuer des transferts ciblés. C’est la qualité qui compte, pas la quantité.

MAES : Nous avons misé sur plusieurs chevaux mais il constituait notre priorité absolue et les Grecs ont joué avec nos pieds. Quand nous avons voulu nous retourner, les autres options n’étaient plus disponibles.

Au début de l’été, vous auriez voulu conserver Jelle Vossen. Il a signé en Angleterre puis s’est retrouvé au Club Bruges. Qu’en pensez-vous ?

MAES : Le club et moi avons tout fait pour lui donner de l’importance mais il s’était passé tellement de choses qu’il ne se voyait plus jouer ici. Il faut l’accepter. Chacun a le droit de faire des choix. Et je n’ai rien à dire sur la façon dont il s’est retrouvé à Bruges.

On dit de Léon Bailey, un des transferts réalisés cet été, que c’est un phénomène. Est-ce vrai ?

MAES : Nous sommes très heureux d’avoir pu le transférer. Il a énormément de talent mais pourquoi toujours utiliser des superlatifs ? N’est-il pas suffisant de dire qu’il est talentueux ? Un phénomène… Allez, quoi ! Dites que c’est presque un dieu, tant que vous y êtes. Soyons réalistes. Il montre de belles choses à l’entraînement mais de moins bonnes choses aussi. Laissez-lui du temps. Je l’ai parfois aligné parce que nous avions besoin de lui mais cela ne veut pas dire qu’il est prêt.

Bailey, Alejandro Pozuelo, Neeskens Kebano… Ça vous fait beaucoup de médians offensifs.

MAES : Oui, mais ils sont différents, ça nous offre de la variété. Au cours des huit dernières semaines, j’ai vu que chacun tentait de respecter l’organisation sans prendre trop d’initiatives afin d’essayer de limiter les dégâts mais nous devons aussi pouvoir jouer en possession de balle, sans quoi nous serons trop courts offensivement. Nous devons être plus créatifs, plus mobiles en zone de vérité. Ces joueurs sont là pour ça. J’aurais seulement voulu qu’ils soient là plus tôt, en période de préparation. Maintenant, je dois les intégrer. Si on me demande un jour ce que je pense des périodes de transfert, je répondrai qu’elles durent beaucoup trop longtemps.

 » JE N’AI PAS DE PLAN DE CARRIÈRE  »

Où pensez-vous arriver un jour avec vos méthodes de travail ?

MAES : Cela ne me préoccupe pas. J’essaye de ne jamais me projeter dans l’avenir, de vivre le moment présent. A ce sujet, il ne vous reste que dix minutes. Après, j’ai entraînement.

En attendant, vous progressez sans cesse. On dirait que tout est planifié.

MAES : Ça ne l’est pas.

Peut-être choisissez-vous le bon moment pour quitter un club et arriver dans un autre ?

MAES : Je suis prudent, ça fait partie de mon éducation. Et peut-être que j’ai un bon feeling. A Lokeren, j’étais installé dans un certain confort et je sentais qu’il était temps d’en sortir, même si ça m’a fait mal de quitter des gens comme RogerLambrecht, Beirke, le magasinier ou Hilda, la cuisinière.

PAR KRISTOF DE RYCK ET JAN HAUSPIE – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Je préfère parler de nouveau départ que d’année de transition.  » PETER MAES

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