« Quand on joue, c’est pour gagner « 

Castors Braine est le troisième club belge à disputer une finale européenne. Et le premier au niveau féminin.

1er mai 1989 : une date qu’aucun Brainois n’a oublié. Ce jour-là, les Castors jouent la cinquième et dernière manche de la finale des play-offs à domicile contre Malines. A 26 secondes de la fin, une faute offensive est sifflée à KerryTrotter. Sur leur dernière attaque, les Malinois inscrivent le panier victorieux et s’imposent d’un point. Malgré cinq finales, Braine ne parviendra jamais à remporter le moindre trophée.

5 mars 2015 : dans cette même salle Gaston Reiff, Castors Braine – qui a déjà réalisé le doublé coupe-championnat au printemps 2014 – bat Istanbul et se qualifie pour la finale de l’Eurocoupe. Rien n’a changé dans cet endroit mythique, sauf que les Castors sont désormais des… filles.

L’histoire débute il y a une quinzaine d’années, lorsque JacquesPlatieau, un homme d’affaires de la région, inscrit sa fille au club local. Il devient dirigeant, puis président, et se pique au jeu. Il est ambitieux. Au point que jouer une finale européenne n’est pas, pour lui, une fin en soi.  » Quand on joue une finale, c’est pour la gagner « , clame-t-il.

Disputer une finale européenne, pour le basket belge, ce n’est pas banal. C’est seulement la troisième fois que cela arrive, après Malines (battu par Cantu en 1972) et Mons (battu par Riga en 2008), et la première fois au niveau féminin.

Au niveau national, la domination de Castors Braine est écrasante : les filles sont invaincues, tant en coupe qu’en championnat, et gagnent sur des scores impressionnants. Toutes compétitions confondues, les Brainoises n’ont subi qu’une seule défaite : à Mersin, lors du quart de finale aller de l’Eurocoupe, après une série de 51 victoires consécutives.

Un vrai club belge

Castors Braine, ce n’est pas uniquement un assemblage de joueuses étrangères. Il y en a, bien sûr, et de qualité : les Américaines CelesteTrahanDavis et SidneySpencer, la Lettone AneteSteinberga et l’Estonienne MerikeAnderson. Mais il y a aussi des Belges, comme la capitaine MarjorieCarpreaux, revenue au pays pour se rapprocher de la famille après avoir bourlingué plusieurs années à l’étranger.

 » Et Braine n’a pas tardé à devenir mon club de coeur, c’est une vraie famille « , s’enthousiasme-t-elle. Au premier abord, elle ne paie pas de mine, mais c’est la reine des assists et elle est capable de servir une partenaire sur un plateau d’argent grâce à une passe aveugle ou une passe dans le dos.

Il y a aussi des jeunes, comme les deux Liégeoises JulieAllemand et ManonGrzezinski, arrivées de Sprimont l’été passé. Julie, 18 ans, avait reçu en 2013 le Mérite Sportif de la Communauté Française, catégorie Espoirs.  » Grâce à mon titre de MVP du Championnat d’Europe B cette année-là. La Belgique avait décroché la médaille d’argent en U18 « , se souvient-elle.

Pour faire de Castors Braine un vraiclubbelge, on trouve même deux Flamandes : KimMestdagh et KyaraLinskens. Kim est la fille de l’assistant-coach de l’équipe nationale PhilipMestdagh, elle a donc baigné dans le basket depuis sa plus tendre enfance. Formée à Ypres, où elle est née comme EmmaMeesseman, elle est revenue en Belgique après quatre années à l’université américaine de Colorado State et une saison à Zamora en Espagne.

 » Braine m’a permis de devenir professionnelle en Belgique, ce qui n’est pas courant « , explique-t-elle. Grosse marqueuse, elle est l’une des principales candidates au titre de Joueuse de l’Année 2015, avec sa capitaine qui avait décroché le trophée l’an passé.

Un jeu spectaculaire

Le jeu de Castors Braine est spectaculaire : il s’appuie sur une défense agressive, une transition rapide et une belle précision à distance. Au niveau européen, l’équipe souffre parfois dans le jeu intérieur, car l’adversaire dispose souvent d’un pivot lourd (et onéreux).  » Mais notre force, c’est le collectif « , assurent les joueuses, le staff et le président.

Le public afflue. Au point que, pour la finale, le club a choisi d’émigrer au Spiroudome de Charleroi, qui pourra accueillir 6.000 personnes. Ces gens viennent pour le sport, mais aussi pour l’ambiance, géniale, avec une vraie communion avec les joueuses.

 » J’ai joué sept ans en Europe, mais c’est la première fois que je me sens comme à la maison « , affirme Trahan-Davis.  » Même si l’éloignement de la famille me pèse parfois, j’adore la Belgique, la diversité de ce pays et la convivialité des gens.  »

En principe, c’est elle qui sera directement opposée à AnnWauters, l’icône belge de Villeneuve d’Ascq, l’adversaire en finale (19 mars en France et 26 mars en Belgique).  » C’est une joueuse fabuleuse, un phénomène du basket belge. Mais je me sens prête à l’affronter. La clef du match, ce sera la défense. C’est elle qui nous permettra de bien construire nos attaques.  »

 » En début de saison, on a joué un match amical contre Villeneuve d’Ascq et on avait été battues « , se souvient Allemand.  » Mais à l’époque, on n’avait pas encore trop l’habitude de jouer ensemble. Depuis lors, on a beaucoup progressé et j’estime qu’on a nos chances.  »

Julie, qui dispute sa première saison professionnelle, est théoriquement la doublure de Carpreaux à la distribution. Elle marque moins, mais a un temps de jeu quasiment équivalent à celui de la capitaine.  » Disons que Marjorie est un peu plus euphorique dans son jeu. Moi, je prends moins de risques. Je suis là pour organiser le jeu et cela va de mieux en mieux. Par contre, j’ai un peu perdu mes sensations au niveau du un-contre-un, qui était ma force à Sprimont.  »

Un coach expérimenté

Le coach letton AinarsZvirgzdins a succédé à Thibaut Petit, parti à Verviers-Pepinster.  » On sent qu’il a une longue expérience « , constate Trahan-Davis.  » Il est très intelligent et on apprend tous les jours en l’écoutant. Il est très exigeant, aussi. Il est capable de piquer une colère lorsqu’on perd stupidement le ballon, même lorsqu’on mène de 50 points, mais c’est nécessaire car il considère chaque match de championnat comme une préparation à la Coupe d’Europe.  »

 » Tactiquement, il est très fort « , renchérit Mestdagh.  » A chaque match européen, il adapte sa tactique pour perturber l’adversaire.  »

TonyMarion, qui a joué les cinq finales perdues au siècle passé, est présent à toutes les rencontres à domicile. Et pour cause : il travaille à la commune comme gestionnaire de la Maison des Sports.  » On ne peut pas comparer le basket féminin avec le basket masculin « , estime-t-il.  » Mais ce qui arrive est magnifique pour la commune de Braine-l’Alleud.

 » Braine-l’Alleud représente quelque chose dans le basket belge et ce club ne demandait qu’à revivre, fût-ce à travers les filles « , constate le président Platieau.  » A l’époque de gloire des Castors, le club vivait grâce à un seul homme, AndréRenauld. Aujourd’hui, la pérennité est mon principal souci : je veux que le club survive après mon départ.  »

PAR DANIEL DEVOS – PHOTO : BELGAIMAGE

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