Quand les feux follets flinguent…

Je me serais drôlement gouré si je vous avais livré mon pronostic d’avant Barcelone-Manchester : persuadé que les gars de Man U pourraient fermer la porte aussi bien que Chelsea et que leur force de frappe était par ailleurs supérieure à celle des Londoniens, je les voyais disposer d’un Barcelone que j’imaginais un peu trop petite demoiselle ! Petite parce que ce doit être rarissime de jouer à ce niveau avec la moitié des joueurs de champ sous 1,80m ; demoiselle parce que ce doit l’être tout autant lorsque trois des cinq pions offensifs ne dépassent même pas le 1,70 m et font moins de 70kg.

Ce fut, à l’inverse, les Mancuniens qui apparurent grands balourds. Davantage encore que le statisme de Rio Ferdinand ou Nemanja Vidic sur les deux buts catalans, ce qui fut frappant fut l’errance de Michael Carrick, Ryan Giggs et Anderson en zone médiane, figés face aux ballons espagnols leur passant et repassant sous le nez, un peu comme les vaches voient passer les trains.

Je n’imaginais pas cette victoire, mais elle est roborative : elle rappelle qu’on peut encore jouer dans une équipe du top sans être à peu près tous grands comme des volleyeurs ! Je reste toutefois mesuré quand je lis que le Barça, bien plus que d’autres riches ténors, a opté pour une philosophie tournée vers l’offensive… comme s’il suffisait de le vouloir pour faire triompher le Beau qui devient le Bien ! Je vois plutôt le Barça comme disposant d’un quintette offensif habilissime, n’ayant pas son équivalent pour faire indéfiniment circuler le ballon dans la moitié adverse… sauf qu’il ne le garde pas indéfiniment : aux abords du rectangle, la patience cède le relais à la prise de risque qui peut faire la différence,… et cette prise de risque est de plus en plus le fait de DEUX des gars de ce quintette ! Pas d’abord Xavi, régisseur d’exception mais la plupart du temps derrière le ballon et plus bas que ses quatre potes. Pas Samuel Eto’o, chasseur de buts du top, mais d’autres club du top ont leur chasseur du top. Pas toujours Thierry Henry, dans la mesure où il reste copain avec les grands espaces. Il en reste deux : évidemment Lionel Messi le maître en la matière, mais aussi Andrés Iniesta qui m’apparaît de plus en plus épigone du Roi Lion : ces deux p’tits gars-là n’ont pas leur pareil pour entrer dans un grand rectangle aux heures de pointe, pour foutre la panique dans la forêt des jambes adverses, pour parvenir à faire éclore des une-deux lilliputiens. Messi et Iniesta savent jouer collectif dans un mouchoir de schtroumpf !

Cette efficacité-là relève d’une exploitation lucide des talents individuels dont tu disposes, bien davantage que d’un génie tactique : Josep Guardiola a bien fait son nouveau boulot, il est beau garçon,… mieux vaut toutefois juger sur plus long terme avant d’ériger le nouveau-venu en extra-terrestre de la profession, ou en apôtre du jeu libéré… ce que d’aucuns firent d’ailleurs avec Frank Rijkaard lors de la victoire de 2006 ! D’ailleurs, le Barça de Josep adopte strictement le même dispositif que celui de Frank en 2006 : une défense à quatre, un triangle médian avec pointe vers l’arrière, trois attaquants occupant bien toute la largeur. La différence est dans les noms car trois gars seulement du onze de 2009 avaient déjà entamé la finale de 2006 : Victor Valdés dont j’ignore toujours s’il est top ou sub-top, Carles Puyol davantage guerrier emblématique que défenseur irremplaçable, et Eto’o égal à lui-même. En 2006, Iniesta avait commencé en cirant le banc, Xavi passait sa saison à l’infirmerie, Messi tétait encore sa mère.

Alors, à mon hit-parade du plaisir éprouvé en finale, Barça 2006 ou Barça 2009 ? Kif dans le secteur défensif, pas kif offensivement : Mark van Bommel n’arrivait pas à la cheville de Xavi, il n’y arrive d’ailleurs toujours pas au Bayern ; Deco aimait aussi les mouchoirs, mais pas ceux des schtroumpfs comme Iniesta ; Ronaldinho épatait la galerie davantage qu’Henry, mais il épatait moins les marquoirs ; Ludovic Giuly avait virevolté, mais les virevoltes de Messi sont incomparables ; déjà auteur d’un but en 2006, Eto’o reste égal à lui-même, mais je l’ai déjà dit.l

par bernard jeunejean

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