« Quand je jouais à Sclessin, j’avais les jetons »

Rencontre avec le surprenant transfert des Rouches.

Lorsqu’un stade contient 30.000 personnes, 30.000 entraîneurs décortiquent, analysent, jugent. Le football n’étant pas une science exacte, n’importe quel avis se défend.

Durant la période des transferts, ces mêmes spectateurs se transforment en managers. Le principe critique demeure. Chaque nouvelle, de la plus petite rumeur à l’annonce officielle, est soupesée. Forcément, les passionnés s’avouent rarement satisfaits. Comment en effet rallier toutes les causes autour d’un nom? Comment offrir au public belge des têtes d’affiche aussi ronflantes que celles jetées en pâture aux tifosi ou aux fans anglais? Impossible!

Sans faire d’esbroufe, sans chercher à tout prix le coup fumant, le Standard travaille bien. Avant de partir au Portugal, Michel Preud’homme a planifié la marche à suivre.

Contrairement à une situation subie lors de la reprise en main de l’effectif, ici, il construit. A sa guise. Imprimant un sceau qui lui est propre. Son équipe, il la connaît. Il la sent. Phalange pensée en fonction d’un équilibre. D’une répartition tant latérale que verticale de différentes lignes de force. La manière dont le schéma se dessine fait la part belle à la pénétration par les flancs. D’où, pour la coquette somme de 50 millions, l’arrivée de Gonzague Vandooren (22 ans en août).

Le grand public masque mal sa surprise. Vous n’avez pas beaucoup joué, l’année passée, avec le Lierse. Dix-huit matches, on ne peut guère parler d’une réussite.

Gonzague Vandooren: C’est inévitable pour un joueur de passer une carrière sans connaître un moment de poisse. Ce fut mon cas. Je dénombre six blessures embêtantes encourues sur l’ensemble de l’année. Après avoir été opéré du genou, je me suis fracturé un doigt, occasionné une entorse de la cheville, j’ai été victime d’un gros hématome sur le quadriceps, plus quelques bobos. Il s’agissait d’accidents de jeu. Normal. Imputable à mon tempérament. Sur le terrain, pas question de tricher. Quand l’arbitre donne le coup d’envoi, je pars à l’abordage. Ainsi se présente mon jeu. Je vais au feu sans calcul. Alors, normal que je prenne des coups. Je tiens à faire remarquer que mes ennuis sont le fruit de traumatismes. On ne trouve aucune trace de lésions musculaires. De ce coté, je suis tranquille. Cela dit, ces diverses interruptions m’ont empêché d’atteindre un rythme de croisière. Ma progression n’a pas été constante. Je jouais trois, quatre rencontres. Ensuite, j’effectuais un stage à l’infirmerie. Voilà probablement pourquoi le public retient une impression en demi-teinte. Ou estime carrément que je me suis planté. Ce n’est pas le cas.

Il ne devait pas être évident de briller au sein d’une équipe décevante…

La prochaine saison sera meilleure que celle que nous venons de boucler. Les dirigeants ont intelligemment cerné le problème. Le Lierse n’avait plus d’équipe. Le talent, bien présent, stagnait. Malheureusement, l’esprit de groupe faisait cruellement défaut. Nous ne pouvions plus nous appuyer sur un collectif. Des clans se sont formés. Il devenait impossible d’atteindre un objectif commun. D’autant plus malheureux que je considère que la grande victime de ce malaise a été Walter Meeuws. Un bon entraîneur. Un homme correct. Il a subi la loi du milieu: pas de résultat, pas de prolongation de contrat! Pourtant, je reste intimement persuadé que nous pouvions terminer parmi les cinq premiers. Au lieu de cela, nous avons laissé aller la fin de championnat en offrant de nous une image indigne.

Est-il faux de prétendre que la mentalité anversoise ne vous plaisait pas outre mesure?

Je ne suis pas parfaitement bilingue. Cela m’embêtait. Surtout au niveau de mes rapports avec équipiers et supporters. Bon, je dois à la vérité de reconnaître que je préfère évoluer en Wallonie.

A la mi-mai, les Rouches entraient en contact avec vous. En respectant la plus grande confidentialité. Trois semaines plus tard, tout était réglé. Voilà l’exemple d’une transaction rondement menée.

Heureusement! A partir du moment où le Standard me voulait, je n’avais plus qu’une idée en tête. Partir! Au plan belge, un rêve de gosse se réalise. Bien entendu, je sais qu’à présent, la donne diffère. A Lierre, j’étais assuré de ma place. Je vais devoir batailler ferme pour m’imposer à Sclessin. Qu’à cela ne tienne! Cela ne m’effraye pas. D’abord, je pense que Michel Preud’homme compte sur moi. Ensuite, je mettrai tous les moyens en oeuvre pour m’imposer. Accepter un tel challenge implique que l’on connaisse les risques. Qu’on les assume.

Une tâche délicate vous attend peut-être: effacer Mornar du coeur des supporters.

Faire oublier Mornar? Non. C’est une star. Moi pas. J’ai tout à prouver. A vrai dire, je ne pense pas trop à cela. Mon but vise à obtenir rapidement du crédit afin de justifier mon transfert.

Le Lierse vous avait engagé pour évoluer en pointe alors qu’au Standard, vous serez aligné dans l’entrejeu. Que vous inspire ce changement d’orientation?

Effectivement, j’ai cru comprendre cela au cours des différents entretiens que j’ai eus avec Michel Preud’homme. Le coach m’a expliqué ce qu’il attendait de moi. Milieu gauche. Pas de problème. Ça me plaît. J’ai déjà occupé la fonction à Mouscron. Il faudra juste me laisser le temps de créer les bons automatismes. De toute manière, n’importe quel nouveau doit bénéficier d’un temps d’adaptation.

Vous n’arriverez pas totalement en terre inconnue.

Je connais Van Buyten et Wuillot. Le premier par le biais de l’équipe nationale des Espoirs à l’époque où nous nous y retrouvions. Le second a épousé la soeur de Casto. Marco étant un ami, j’ai eu l’occasion de me lier avec Laurent. Mais cela n’a guère d’importance. Vous savez, la vie se construit autour d’arrivées, de départs. Quand on quitte l’école primaire pour accéder aux humanités, on doit aussi se faire de nouveaux potes. Pareil en colonie de vacances. Rien de très exceptionnel à cela.

Eric Van Meir, vous l’avez oublié?

Non, pas du tout! Bonne chose, l’arrivée d’Eric. Il me fait songer à Vidovic. On lui reproche ne pas courir à la vitesse d’une gazelle. Pas bien grave. Son expérience et son intelligence comblent cette lacune. Puis quelle présence au sein des rectangles. Défensivement, il apparaît tel un roc. Offensivement, dès qu’il monte, le danger devient immédiat. Le connaissant, il sera motivé à la manière d’un gamin de 20 ans. Certain! Croyez-moi, un Van Meir déterminé représente un bâton de dynamite.

La perspective de goûter à nouveau à l’aventure européenne doit vous stimuler, non?

L’expression goûter à nouveau » me semble exagérée. Je n’ai pas eu le temps, avec Mouscron, de me plonger au coeur de ces ambiances particulières. Nous avions quitté le Canonnier et notre parcours s’est limité à sa plus simple expression. Je crois que je vais réellement découvrir l’épreuve. Evidemment, je m’en réjouis. A Sclessin, ce sera l’enfer pour l’adversaire.

Vous faites allusion à la rage de vaincre qui vous habitera?

Pas uniquement. Je suis certain que les supporters mettront le feu. J’adore le public de Sclessin. Incroyable! Les sympathisants de l’Excel sont bien aussi. Différents cependant. Moins fanatiques. Plus enfantins. Avec les Ultras par contre, l’adrénaline grimpe en flèche. Je vais vous faire un aveu: lorsque nous nous produisions à Liège, j’avais les jetons! Je me souviens d’un jour où Marco Casto tentait de me parler. Je n’entendais rien de ce qu’il me disait tellement le vacarme issu des tribunes était oppressant. Etre poussé par une foule aussi chaleureuse doit donner des ailes.

Le Standard vous servira-t-il de tremplin pour accéder plus facilement au noyau A de l’équipe nationale?

Bof… Je n’ai rien planifié. Je prends la vie comme elle vient. Endosser le maillot des Diables peut se faire à n’importe quel moment. Maintenant, plus tard, on verra.

Vous donnez parfois l’impression d’être un peu marginal par rapport au monde du football. Vous êtes différent de la plupart de vos confrères.

Vrai? Merci! A mes yeux, voilà un compliment.

A ce point-là?

Oui. Apparaître comme un marginal me rend fier. J’adore le foot. Vraiment. J’aime le jeu, mais pas trop ce qu’il y a autour! A titre indicatif, je ne lis quasiment aucun journal. Je n’ai jamais confectionné de press-book. Ce genre de trucs, très peu pour moi. Il n’y a que la vérité du gazon qui compte. S’amuser. Prendre son pied. Donner du plaisir aux gens. Je ne me destinais nullement à une carrière professionnelle. Je me suis laissé tenter seulement après avoir bouclé mes humanités maths-physique-chimie. Sans regrets. Toutefois il ne s’agissait ni d’une priorité ni d’un idéal de vie.

Difficile de ne pas être -disons- quelque peu différent, quand on porte le prénom de Gonzague.

Original, hein! Notez, je l’ai échappé belle. C’était soit Gonzague, soit Gaston. Mes deux frères se prénommant Gauthier et Guillaume, les parents voulaient rester fidèles la lettre « G ». Gonzague, c’est chouette. Ça ne s’oublie pas.

Daniel Renard

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