© BELGAIMAGE-CHRISTOPHE KETELS

 » Quand je casserai ma pipe, ils pourront tout brûler « 

Francis Bertrand fait le taf avec ses Sport/Foot Magazine achetés chaque semaine depuis 1980. C’est près de 7.000 entrées dans son tableau Excel.

Madame Bertrand nous emmène dans le saint des saints, au sous-sol, où son mari Francis ( » Fransi « , comme ils disent ici) est occupé avec le photographe. On va donc les découvrir, ces archives qui couvrent les 40 ans du magazine. Parce que l’homme, non seulement achète tout, mais il lit tout et il garde tout. Ça en fait des kilos de papier. Et ça ne plaît pas à tout le monde.  » Moi, ça m’énerve « , lance madame, sourire en coin.  » Il y a à manger pour les souris là-dedans.  »

Le trésor de Francis est stocké entre des vélos, une machine à laver, la chaudière, la cuve à mazout. On est à Flémalle, pas si loin du stade du Standard mais surtout encore plus près de l’aéroport de Liège. Ça s’entend. Le lecteur / collectionneur est du terroir, ça s’entend aussi. Un accent, ça ne se renie jamais.

Jamais abonné !

C’est comme quand on prend souvent le bus ou le train : on a évidemment intérêt à passer à la formule de l’abonnement. Ce lecteur ne l’a pourtant jamais fait.  » Je fais très souvent des séjours à la côte belge, j’avais une caravane installée dans un camping à La Panne. Rien que le fait d’imaginer que le facteur aurait déposé mon magazine dans la boîte et qu’il allait y rester plusieurs jours alors que j’étais si loin, ça m’était insupportable. Et donc, je n’ai jamais rien changé.

Le mercredi, je vais dans une librairie, ou alors dans une grande surface mais seulement si je n’ai pas le choix. Parce que j’essayerai toujours de donner une chance de survie aux petits libraires. J’achète Sport/Foot Magazine, et aussi Spirou, chaque semaine, depuis 1989. C’est une autre grosse collection que j’ai ici. Spirou fait aussi le bonheur de mon petit-fils. »

Il n’en dira pas autant de notre magazine. Et on sent que ça le désole un peu.  » J’ai une fille, elle n’en a rien à cirer du foot et du cyclisme. Mon beau-fils, pareil. Il fait des trails mais le foot ne l’intéresse absolument pas. Et mon petit-fils, à 13 ans, je ne crois pas qu’il ait déjà mis une fois des godasses aux pieds. Lui, son truc, c’est le tir à l’arc. Donc, quand je casserai ma pipe, toute ma collection sera bonne pour la casse. Ou alors ma descendance en fera un grand feu.  »

 » Tout sur le Net ? Mon oeil !  »

Y a-t-il un intérêt, à l’heure du numérique, à tout stocker comme Francis le fait ? Il dégaine, sûr de lui.  » J’étais comptable et, un jour, un jeune a débarqué dans mon bureau. Il organisait des quizz et il m’a expliqué que ça ne servait à rien de conserver les versions papier parce que, soi-disant, tout était sur Internet. J’ai rigolé, quelques mois plus tard, quand il s’est repointé, un peu tête basse : Monsieur Bertrand, vous n’auriez plus par hasard le magazine sorti au moment du titre du Lierse en 1997 ? Je ne trouve rien sur le Net. Une façon pour moi de lui prouver que je ne faisais pas tout ça pour rien.  »

Et quand il dit  » tout ça « , c’est un gigantesque travail d’archivage.  » Ça ne sert à rien de tout garder si c’est pour ne rien retrouver. J’ai créé un fichier Excel, il a maintenant plus de 6.000 entrées. Je répertorie chaque reportage qui me marque, pour pouvoir retomber facilement dessus à tout moment. J’indique le thème, un extrait du titre, des mots clés, la date, le nombre de pages, l’intérêt de l’article et surtout le numéro du classeur où je vais ranger le magazine concerné.  »

Deux exemples concrets et récents prouvent que sa méthode est bonne.  » Je me souvenais que vous aviez donné le nom d’un restaurant de Chaudfontaine où Michel Preud’homme a ses habitudes. J’avais envie d’en savoir plus sur cette adresse. Avec mon tableau, je l’ai vite retrouvé. Et au moment de la mort de Robert Waseige, j’ai pu ressortir sans peine plusieurs reportages que vous lui aviez consacrés.  »

La Tribune vs Top Chef

Ça lui prend un temps dingue  » mais il vaut mieux faire ça qu’aller au café, non ?  » Entre-temps, il regarde du foot à la télé mais il refuse d’en bouffer.  » Si on veut, c’est tous les jours. Non, pas pour moi. Je me contente des matches du Standard – évidemment que je suis supporter du Standard, à Liège tu es d’office rouge politiquement et sportivement -. Et de La Tribune. Je ne regarde pas en direct, je laisse madame s’amuser le lundi soir devant Top Chef ou un truc du style. Je m’offre La Tribune le lendemain matin.  »

Et puis il y a cette confidence, d’un homme plutôt content de son coup, avant notre adieu à cette bibliothèque pas comme les autres.  » Un jour, j’ai écrit chez vous pour proposer que vous indiquiez la note globale de chaque équipe mais aussi le nombre de joueurs utilisés, dans votre Top Foot. Peu de temps après, vous avez commencé à le faire. J’ai l’impression d’y être quand même pour quelque chose. « 

Francis Bertrand

Depuis quand êtes-vous lecteur ?

FRANCIS BERTRAND : Je n’ai rien raté, je suis allé en librairie dès la sortie du tout premier numéro, ça fait donc pile 40 ans.

Quel est votre club favori ?

BERTRAND : Le Standard, depuis toujours. Et le FC Cologne, un souvenir de mon service militaire que j’ai fait dans cette ville au début des années 70. Pendant mon service, je suis allé voir quelques matches, j’ai vu la Juventus là-bas. Les deux clubs jouent en rouge et blanc, c’est un hasard.

Quelle est votre rubrique préférée ?

BERTRAND : L’éditorial, la page de Bernard Jeunejean, et j’aimais beaucoup aussi Le monde de, une rubrique qui permettait par exemple de découvrir les goûts culinaires d’un footballeur venu d’Uruguay ou d’Afrique.

Quelle a été pour vous la Une la plus marquante ?

BERTRAND : Si je dois citer une couverture à chaud, je dirais la caricature de Michel Preud’homme quand vous lui avez consacré un reportage à l’occasion de ses 60 ans, l’année dernière. Elle était parfaite, tous les détails de son visage étaient dessus.

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