Quand j’étais joueur…

Pourquoi le plus sympa des Hurlus raccroche-t-il à 35 ans ?

S teve Dugardein nous reçoit chez lui, dans un joli clos à Mouscron. L’endroit est calme et idéal pour retrouver la famille, réfléchir, définir de nouveaux espaces de liberté et d’action :  » Je me suis offert un cadeau : choisir le moment de ma fin de carrière. La mécanique craque un peu, j’ai les chevilles douloureuses et mon fils, Ange, descend les escaliers plus vite que moi… Le moteur était encore bon pour la D2 mais le mental refusait de suivre. Je n’étais plus animé par le désir d’en remettre une couche à l’entraînement après une blessure ou un séjour sur le banc. C’était nouveau pour moi cette attitude et je me suis mis à réfléchir… Cette panne sèche d’envie me semblait irréversible. J’étais certain, pour la première fois de ma carrière, de ne plus pouvoir remonter la pente.  »

Victime d’une gastro, blessé et suspendu au mauvais moment, le médian défensif a vécu une fin de premier tour difficile. Le coach de son dernier club (OH Louvain), Marc Wuyts, fit appel à lui avec parcimonie et c’est en lisant la presse qu’il a appris que la direction ne comptait plus sur lui. En plein hiver, on l’incita à trouver un nouvel employeur.

 » J’aurais préféré qu’on me le dise mais je n’en veux à personne, certainement pas à Wuyts. Je le comprends. Il a fait des choix et je n’apportais plus assez pour les contester. A sa place, j’aurais probablement agi de la même façon. Ce n’est pas lui mais Rudi Cossey qui m’a recruté pour OH Louvain. Quand Cossey a été limogé, cela m’a perturbé. L’attente à mon égard ne collait pas avec mes potentialités. Tout au long de ma carrière en D1, j’ai été un récupérateur. Je chassais le ballon et je ravitaillais les artistes. A Louvain, on attendait plus de moi, comme d’un meneur de jeu. Impossible ! On me prenait quelque part pour un autre. Bref, comme Louvain ne croyait plus en moi, il fallait sortir du problème car j’étais sous contrat jusqu’en 2010. Nous avons trouvé une solution à l’amiable. J’en ai longuement parlé avec mon épouse, Delphine. A 35 ans, il était temps de passer à autre chose. Mais je garderai un souvenir positif de mon passage à Louvain. C’est un club bien organisé qui se retrouvera un jour en D1. OH Louvain devrait réaliser son rêve dans deux ou trois ans…  »

Pour le moment, Dugardein souffle, règle de petits problèmes administratifs et s’occupe de sa famille. Puis, petit à petit, il faudra choisir un autre métier pour gagner sa croûte. Dugardein a un diplôme d’éducateur en poche. Son passé et sa passion pour le football le destinent probablement à un job d’entraîneur de jeunes.

Son regard s’illumine :  » Je crois que c’est la meilleure solution pour moi. « 

Il y a pas mal de clubs de D1 et de D2 dans la région. L’Excelsior de Mouscron est aux premières loges et il serait dommage de ne pas profiter des richesses emmagasinées par cet enfant du cru.

La radio crache un vieux succès de Michel Delpech : Quand j’étais chanteur… Steve sourit en interprétant quelques paroles à sa façon :  » Quand j’étais joueur. J’ai mon rhumatisme qui devient gênant…  » Puis il ajoute :  » Quand j’étais joueur, c’est un bon titre, non ? » Footballeur, Dugardein le restera jusqu’à son dernier souffle. Tout commence au FC Nouveau Monde, une équipe de corpos où joue son père. Ce dernier l’affilie finalement à l’Excelsior de Mouscron. A 16 ans, Steve fait son entrée en équipe fanion :  » L’Excel fréquentait alors la D3. Un coach y a assume un rôle primordial : André Van Maldeghem. Il n’a pas propulsé Mouscron en D1 mais sans lui rien n’aurait été possible. Je lui dois beaucoup car il m’a toujours fait confiance. « 

 » Leekens a fait de moi un joueur de D1 « 

En 1996, après avoir raté plusieurs fois la montre en or de peu, Mouscron accède à l’élite dans un climat de liesse régionale.  » Ce sont des moments que je n’oublierai jamais « , souligne Dugardein.  » C’est l’£uvre de Georges Leekens. Je l’ai souvent maudit car rien n’était jamais bon. J’ai pesté, j’ai même poussé un ouf de soulagement quand il est parti mais, avec le recul, c’est lui qui a fait de moi un joueur de D1. La découverte de l’élite a été fantastique. J’avais des frissons toutes les semaines. L’Union Belge nous a malheureusement piqué Leekens en pleine saison. Cela a permis aux Diables Rouges de redresser la tête mais Mouscron a accusé le coup. Si Leekens était resté, l’Excel aurait décroché le titre en découvrant la D1. Il y avait du talent et du métier ; deux gamins venus de Courtrai sans cesse lancés en profondeur par Dominique Lemoine : Emile et Mbo Mpenza. L’organisation était parfaite et Leekens excellait dans la préparation des phases arrêtées et du trafic aérien. « 

Après Leekens, c’est au tour d’Hugo Broos de prendre les commandes. Le grand chef blanc transforme la surprise en valeur sûre de la D1. L’Excel s’installe dans un 4-4-2 et grandit en s’offrant des installations modernes, un centre de formation, etc. En 2004, Dugardein est approché par le Standard :  » J’étais chaud boulette. Jouer là-bas m’aurait permis de jouer en équipe nationale. J’étais tout près… Mais le Standard a exigé que je largue mon agent, Didier Frenay, qui avait droit à une commission. Pas question car Frenay m’avait toujours bien conseillé. L’affaire est tombée à l’eau : dommage mais une trahison m’aurait été impossible à supporter. « 

Dugardein se retrouve alors en L1, à Caen, pendant une saison. Les Normands disputent la finale de la Coupe de la Ligue mais l’équipe manque de vécu au top et descend. Dugardein retrouve l’Excel, les frites et les fricadelles des Chtis. De 2005 à 2008, il offre sa sueur entre les lignes d’un club qui aborde son déclin. Dugardein file à Louvain même s’il aurait préféré rester un an de plus. Le club lui promet cette satisfaction avant de changer d’avis. Mais des gros ennuis s’y accrochent comme la brume au sommet des beffrois quand l’hiver frappe à la porte. Mouscron est la croisée des chemins. Vit-on le chant du cygne chez les Hurlus ?

 » Si l’Excel avait décroché le titre qu’il méritait, ce club aurait évité pas mal de problèmes « , certifie Dugardein.  » Les temps sont délicats. Mais Mouscron ne lâchera jamais son club. L’Excel a beaucoup apporté à sa région : notoriété, fierté, des installations pour les jeunes, etc. Sans foot, y a presque plus rien ici… « 

par pierre bilic – photos: reporters/ gouverneur

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire