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 » Quand j’ai raison, je ne peux pas me taire « 

Sa mystérieuse blessure à la cheville, sa rencontre avec Sergio Agüero, sa foi en Vincent Kompany et l’amour qu’il porte à sa ville de Malines : Elias Cobbaut n’élude aucun sujet..

Un assist après un déboulé impressionnant de 80 mètres face à Gand, un hands sanctionné d’un penalty qui permit à ces mêmes Buffalos de recoller au score, un mauvais dégagement de la tête synonyme de but pour le Cercle dimanche dernier : en l’espace de deux rencontres, Elias Cobbaut a, à la fois, soufflé le chaud et le froid. Mais l’essentiel pour lui, aujourd’hui, n’est-il pas de s’être fait une place dans l’arrière-garde des Mauves ? Comme arrière central, en l’absence du duo Kompany-Sandler, ou au back gauche, où il s’est révélé par le passé.

Depuis ses débuts au YRFC Malines, à l’âge de 19 ans, sous la coupe de Yannick Ferrera, sa carrière avait suivi une jolie courbe ascensionnelle. Jusqu’à la défunte campagne, du moins. Car après une entame prometteuse avec une place de titulaire dans le onze de l’entraîneur, Hein Vanhezebrouck, Cobbaut a disparu des radars suite à une blessure à la cheville, qui paraissait pourtant anodine au départ.

 » C’est le foot « , explique le joueur, fataliste.  » Je ne connais pas un seul football qui ait fait toute une carrière sans se blesser. Ce sont les risques du métier.  »

Mais quand on a 21 ans, il est sans doute plus difficile de relativiser.

COBBAUT : C’était ma première blessure, je ne savais donc pas à quoi m’attendre. J’ai eu un coup au moral, je me suis demandé pourquoi ça m’arrivait à ce moment-là. Ça a duré quatre jours puis je me suis remis au boulot. J’ai retenu la leçon : un mauvais match, ça arrive. Mais il n’y a rien de pire que la rééducation après une blessure grave. Je sais désormais comment appréhender ce genre de situation et rien que pour cela, je peux dire que je n’ai pas perdu mon temps.

 » Ma blessure ? Le chapitre est clos  »

Cette blessure, elle a fait couler beaucoup d’encre. Quand vous avez dû quitter le terrain contre Charleroi, en août, on a d’abord parlé d’entorse. Vous ne deviez en avoir que pour quelques semaines mais finalement, vous êtes resté quatre mois sans jouer. Comment avez-vous vécu cette longue période d’incertitude ?

COBBAUT : Ce chapitre est clos. Il y a eu des choses anormales mais je ne ressens pas le besoin de m’épancher à ce sujet. Je n’aime pas revenir sur le passé. À quoi bon râler sur quelque chose qu’on ne peut de toute façon pas changer ? Il faut regarder devant soi. Je suis content d’être débarrassé de cette blessure et de pouvoir rejouer au football.

Vous en voulez à quelqu’un ?

COBBAUT : ( il grimace) Mieux vaut que je me taise… Mes parents sont kinésithérapeutes tous les deux et je leur ai posé des questions. Quand j’avais mal, mon père s’occupait de moi. À la maison, j’étais donc en de bonnes mains.

Vous soignez-vous davantage maintenant qu’avant votre blessure ?

COBBAUT : ( il approuve de la tête). Je dois avouer qu’avant, je ne m’occupais guère de mon corps. Je n’avais même jamais mis de la glace… Depuis ma blessure à la cheville, j’ai eu d’autres petits bobos qui m’ont forcé à faire quelques exercices supplémentaires après l’entraînement. À ce niveau, un joueur qui néglige son corps finira par avoir des problèmes.

La saison dernière, après la trêve hivernale, vous avez été confronté pour la première fois à un entraîneur qui ne croyait pas en vous. Après un match d’espoirs contre Genk, Fred Rutten vous aurait dit qu’il ne vous reprendrait plus en équipe première.

COBBAUT : Que les choses soient claires : je n’ai jamais été renvoyé dans le noyau B. Je ne jouais pas suffisamment bien pour évoluer en équipe première et Fred Rutten n’avait visiblement pas besoin de moi. Certains jours, j’étais de très mauvaise humeur en rentrant à la maison. Je me disais : ce Rutten,quel con ! Mais des entraîneurs qui ne croient pas en moi, j’en rencontrerai d’autres au cours de ma carrière.

 » Un joueur doit apprendre à vivre dans l’incertitude  »

Avec Vincent Kompany comme patron, vous n’êtes pas toujours repris non plus. Comment vivez-vous cette situation ?

COBBAUT : Un joueur doit apprendre à vivre dans l’incertitude. Ça fait partie du métier. Après le premier match contre Ostende, j’ai été écarté de l’équipe pendant un certain temps et j’ai compris pourquoi. J’avais participé à l’EURO Espoirs et repris les entraînements plus tard, il fallait que je m’habitue à un nouveau style de jeu au poste d’arrière gauche. C’est à moi de prouver que j’ai ma place dans cette équipe.

Jusqu’ici, Anderlecht a été pour le moins décevant. L’équipe trouvera-t-elle un jour la bonne carburation ?

COBBAUT : Nous savons tous où nous voulons en venir mais les résultats laissent à désirer de manière globale et c’est frustrant.

Vous jouez sans véritables arrières latéraux spécifiques, ce qui vous fragilise et rend votre jeu très prévisible.

COBBAUT : Dans notre système, les arrières latéraux ne sont pas obligés de passer leur homme pour centrer. Si nous avions gagné trois matches de suite, personne n’aurait remis notre système en cause. Pour les observateurs, c’est difficile à comprendre mais nous savons où le staff veut en venir. Notre apprentissage n’est toujours pas terminé.

À l’époque où il dirigeait les opérations, Simon Davies a dit que, par moments, vous défendiez naïvement.

COBBAUT : À raison. Nous devons mieux choisir les moments où nous ressortons balle au pied. Nous devons mûrir et apprendre à lire le jeu. Nous comptons trop sur les consignes du banc au lieu de prendre nos responsabilités. Il suffirait qu’un gars dise : on tape le ballon devant et on remonte tous.

 » Avant, je ne supportais pas la critique  »

N’avez-vous pas l’impression d’être arrivé à Anderlecht au plus mauvais moment. Il y a deux ans, Genk et le Club Bruges s’intéressaient à vous : aujourd’hui, ces clubs jouent en Ligue des Champions.

COBBAUT : Je sais pourquoi j’ai opté pour Anderlecht. Il est indéniable que le club traverse une des périodes les plus difficiles de son histoire mais je ne regrette absolument pas mon choix.

À Anderlecht, on dit que vous n’aimez pas trop qu’on vous rappelle à l’ordre.

COBBAUT : Au fil des années, je me suis calmé. Avant, je ne supportais pas la critique, il fallait toujours que je réponde. Toujours, hein ! À la longue, ça allait se retourner contre moi. À l’entraînement, il arrive que je me dispute avec un équipier mais après, c’est comme si de rien n’était.

Ça devait chauffer à l’entraînement, à Malines, avec un gars comme Seth De Witte. J’imagine qu’il ne supportait pas qu’on lui réponde.

COBBAUT : Ça ne s’est pas toujours bien passé… Quand un joueur plus âgé me fait une remarque justifiée, je me tais. C’est aussi le rôle des anciens et les jeunes doivent écouter, c’est vrai. Mais quand je sais que j’ai raison, je ne peux pas me taire.

C’est en jouant dans la rue que vous êtes devenu une grande gueule ?

COBBAUT : ( il approuve de la tête) Dans la rue, on ne doit pas se laisser marcher sur les pieds. Ça crée des liens. Quand on encaisse un but, on doit quitter le jeu et ça prend parfois du temps avant qu’on ne remonte sur le terrain. C’est là que je me suis forgé un caractère de gagneur. J’ai joué dans la rue dès l’âge de 12 ans, souvent sur une petite place. Mes parents devaient venir m’y rechercher le soir pour que je rentre à la maison. Aujourd’hui encore, j’ai du mal à rester chez moi sans rien faire. La vie, c’est dehors ( il grimace).

Elias Cobbaut :
Elias Cobbaut :  » A l’école, je n’étais pas le plus facile. « © koen bauters

 » Ce que fait le Vlaams Belang, c’est de la merde  »

Des ados qui traînent dans la rue, ce sont souvent des mauvais garçons.

COBBAUT : Ce n’est pas la même chose. Les mauvais garçons, ça reste au même endroit pendant cinq heures, ça siffle les filles, ça fume et ça emmerde le monde. Nous faisions autre chose. Beaucoup de bêtises, aussi, c’est vrai. Mais nous ne buvions pas, nous ne nos droguions pas, nous ne volions pas et nous ne nous battions pas. Si on nous avait ennuyés, nous nous serions sans doute défendus mais nous n’avons jamais utilisé les poings et nous n’avons jamais eu affaire à la police. Nous ne provoquions pas les flics et ils nous fichaient la paix. Ils savaient qu’il y avait bien pire à Malines…

Elias Cobbaut :
Elias Cobbaut :  » Soudain, je me suis retrouvé aux côtés de Sergio Agüero et David Silva. « © koen bauters

Vous postez régulièrement des photos de vos amis sur les réseaux sociaux. Ils sont visiblement originaires de partout.

COBBAUT : C’est quelque chose qu’on me dit souvent : il paraît que je ne parle pas et ne me comporte pas comme un Belge. J’aurais plutôt une tête de Marocain ou d’Espagnol. J’ai tout entendu mais je m’en fous. Il y a quelques mois, nous avons fêté la fin du Ramadan chez un ami. Nous venions tous d’horizons différents. Nos cultures sont différentes et pourtant, nous nous ressemblons. C’est ça qui rend mes amis uniques.

Malines est une ville multiculturelle mais le Vlaams Belang y prend de l’ampleur. Ça vous tracasse ?

COBBAUT : Parfois, je vois des slogans du Vlaams Belang sur mon compte Facebook. Pourtant, ce que ce parti fait, c’est de la merde. Mes amis et moi, on en rigole. Ils ont récolté beaucoup de voix lors des dernières élections mais je suis convaincu qu’ils n’arriveront jamais au pouvoir. Je suis ami sur Facebook avec Bart Somers. Il a écrit qu’à Malines, il y avait 117 nationalités différentes. C’est quand même beau. Avant, Malines avait la réputation d’être une ville au taux de criminalité élevé et maintenant, elle est vue comme une ville multiculturelle où il fait bon vivre. Je pense qu’on avait un peu gonflé cette mauvaise réputation. À Bruxelles aussi, c’est très dangereux. Mais ma copine va à l’école à Schaerbeek et il ne lui est encore rien arrivé. Les médias jouent un grand rôle dans tout cela.

 » Je sais que j’ai un rôle d’exemple à jouer  »

Vous êtes un Malinois pur jus mais on m’a dit qu’on vous voyait souvent sur le Meir, à Anvers.

COBBAUT : ( il rit) Par beau temps, vous me trouverez sur le Meir en T-shirt, pantalon de jogging et tongs. On ne rigole pas de mes pantalons. Je ne m’habille pas souvent de façon conventionnelle, je suis comme ça. S’il le faut vraiment, je porte un jeans mais dans mon groupe d’amis, celui qui n’est pas en training se fait charrier pendant des jours.

Comment gérez-vous votre notoriété ?

COBBAUT : Les gens ne m’approchent pas facilement. Ils me regardent et je les entends murmurer quelque chose du genre : c’était Cobbaut. Pourtant je suis abordable et je ne refuse jamais un autographe car je me souviens que, quand j’étais petit, j’attendais les joueurs à l’entrée du stade de Malines. Je sais que j’ai un rôle d’exemple et qu’au moindre faux-pas, je vais me retrouver dans le journal. Je sais donc très bien ce que je peux faire ou pas.

Vous ne posterez donc jamais une photo de vous en train de fumer la chicha ?

COBBAUT : En général, quand mes copains veulent aller au bar à chicha, je ne les accompagne pas. Par contre, ça ne me dérangerait pas qu’on m’y voit mais je ne fume pas. Chacun peut penser ce qu’il veut. Si un équipier aime les bars à chicha, pas de problème. Tant qu’il est bien à l’entraînement et en match…

 » Mon père voulait que je sois basketteur  »

Vous avez cinq frères et soeurs. C’est dur de grandir au sein d’une famille nombreuse ?

ELIAS COBBAUT : Le plus dur, ce sont les disputes ! Avec mes frères aînés, ça allait. Quand j’avais dix ans, ils en avaient déjà presque vingt. J’ai surtout grandi avec mes deux soeurs et mon frère cadet. Notre situation s’est vraiment compliquée quand nos parents se sont séparés. J’étais le plus difficile des six enfants. À l’école aussi. Je ne supportais pas les règles. Au football, je suis discipliné mais l’école, c’était une échappatoire. Un jour, pour faire une blague au prof, mon meilleur ami Stefan Verbist et moi avons saboté sa chaise. Il est tombé et ça nous a bien fait rigoler mais ça aurait pu mal se terminer.

Vous étiez hyperactif ?

COBBAUT : On me l’a souvent dit mais c’est n’importe quoi ! J’étais juste très difficile à éduquer.

Votre père, Bruno Cobbaut, était un joueur de basket connu. Quels souvenirs gardez-vous de sa carrière ?

COBBAUT : Malheureusement, je ne l’ai jamais vu jouer. Il a mis un terme à sa carrière en 1989, je n’étais pas encore né. Ce n’est qu’au cours des dernières années que je l’ai vu jouer en vrai avec les vétérans de son club. J’ai cherché des vidéos sur internet mais je n’ai rien trouvé. Il ne reste que de vieilles photos et des articles de journaux. Je sais que c’était un distributeur connu, le genre de joueurs pour lesquels le public va au basket. Jusqu’à un certain âge, je n’ai pas compris qu’il était réputé. Je ne m’en suis aperçu que quand les gens ont commencé à me parler de ses périodes au Racing de Malines, à Louvain, au Maccabi et en équipe nationale.

N’aurait-il pas préféré que vous jouiez au basket ?

COBBAUT : Il a essayé. Quand j’étais petit, il m’a offert un ballon de basket. Et qu’est-ce que j’en ai fait ? J’ai shooté dedans… J’ai un jour participé à un stage mais ce n’était pas mon truc. Alors, ça lui a fait mal au coeur mais mon père a accepté que je joue au foot.

 » À City, on a tous ouvert de grands yeux  »

En septembre, vous étiez l’un des joueurs anderlechtois à avoir participé au jubilé de Vincent Kompany à Manchester City. A priori, ce n’était pas prévu ?

ELIAS COBBAUT : Après l’entraînement au complexe de Manchester City, Simon Davies a demandé qui avait envie de participer au match de gala. Quatre joueurs se sont proposés mais pas moi. Aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi. J’étais content pour les autres mais je regrettais déjà de ne pas avoir levé le doigt.

L’après-midi était libre et je m’étais inscrit pour une visite guidée du centre d’entraînement. Soudain, mon téléphone a sonné : il y avait un absent, il fallait que je joue. Quelques heures plus tard, j’étais dans le vestiaire avec Sergio Agüero, David Silva, Joe Hart, Nigel de Jong…

Je leur ai serré la main et je suis allé m’asseoir sagement aux côtés de mes équipiers anderlechtois. À la mi-temps, je me suis retrouvé seul avec Silva et Agüero, j’ai donc eu la chance de pouvoir leur parler un peu.

Parlez-nous de votre rencontre avec Pep Guardiola.

ELIAS COBBAUT : Avant le coup d’envoi, il est venu me dire que j’entrerais au jeu après 25 minutes. Dans ce genre de match, il n’y a pas de tactique – les gens viennent au stade pour s’amuser – et j’ai compris que je devais y aller calmement dans mes interventions. Défendre et donner le ballon, c’était tout. Je ne suis pas allé une seule fois au duel. C’est pourquoi je trouve que ce tacle de Nicky Butt sur Craig Bellamy était un peu exagéré.

Jouer un match aux côtés de stars mondiales, ça devait quand même être spécial.

COBBAUT : Tous les joueurs d’Anderlecht ont ouvert de grands yeux. Le stade est magnifique, il y avait beaucoup de monde dans les tribunes, le centre d’entraînement est bien plus chic et plus moderne… C’est un autre niveau que celui auquel nous sommes habitués en Belgique. Ce match, c’était un peu la récompense du travail effectué au cours des dernières années. Mais j’espère que ce ne sera pas ma seule expérience en Angleterre : je veux y jouer à temps plein.

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