Quand fallait-il rejouer?

John Baete

Au lendemain des attentats sur le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington le 11 septembre, le président anderlechtois Roger Vanden Stock a déclaré qu’il ne comprenait pas la décision de l’UEFA de reporter la deuxième partie de la première journée en Ligue des Champions et les matches de la Coupe de l’UEFA.

Il a dit: « En ne jouant pas, nous faisons le jeu des terroristes ». C’est vrai, mais tout le monde n’a pas eu cette présence d’esprit.

Le fait de ne pas jouer peut être considéré comme un hommage à ceux qui ont perdu la vie et leurs familles. Mais on peut également dédier un match à la mémoire des disparus. Le choix dépend des convictions, religieuses ou philosophiques.

Comme Vanden Stock, on ne voit pas pourquoi il aurait été déplacé de se réunir pour assister à un match. Lors d’un enterrement, les proches se réunissent bien, en fin de cérémonie, pour se parler, et même partager un repas. C’est pour se souvenir des bonnes choses, exorciser le chagrin et la douleur mais certainement pas pour oublier. Dans la communauté sportive, on peut agir de même.

Peut-être que les mercredi et jeudi étaient trop proches de la catastrophe, mais l’UEFA a laissé jouer les parties du mardi. « Parce que les supporters étaient déjà dans les stades à l’heure du drame », a-t-on dit à l’UEFA. C’est une très bonne raison. Et nous n’aurions pas trouvé obscène que les matches des 12 et 13 septembre aient bel et bien lieu. Car qui pouvait dire combien de jours devaient se passer avant de reprendre les jeux du stade?

Aux Etats-Unis, tous les sports professionnels ont été mis en veilleuse entre le moment de la catastrophe et lundi dernier. En ce qui concerne la participation des Américains à des épreuves internationales hors Etats-Unis, les décisions n’étaient pas encore tombées dimanche dernier, la question qui passionnait le plus les gens outre-Atlantique étant de savoir si la Ryder Cup (la rencontre de golf entre les Etats-Unis et l’Europe qui se déroule tous les deux ans) de la fin du mois devait se disputer en Angleterre ou pas. Mais Michael Johnson a couru son dernier 400 mètres au Japon…

Quand on affronte la mort, il est impossible d’avoir tous la même opinion. Doit-on vivre comme avant directement ou après un laps de temps plus ou moins long? En 1972, des feddayins palestiniens s’étaient introduits dans le village des Jeux Olympiques de Munich et avaient assassiné plusieurs sportifs israéliens. Les sportifs américains avaient voulu annuler les Jeux, mais les Israéliens survivants insistèrent pour reprendre le programme. En Angleterre, les attentats de l’IRA n’ont que peu perturbé le déroulement de la Premier League.

S’il est vrai qu’on augmente la charge symbolique d’un acte de terrorisme en ne reprenant pas au plus vite le cours normal de la vie, on vit aussi à l’ère de l’information et on n’arrêterait plus de suspendre, annuler ou reporter des événements sportifs pour des causes identiques.

Evidemment, New York et les Etats-Unis sont très proches de nous pour des tas de raisons mais, en tant qu’être humain, on ne peut s’empêcher d’être tout autant interpellé par des massacres survenant dans un autre ailleurs.

En Europe, tous les calendriers sportifs du week-end dernier ont été respectés (sauf au Grand-Duché du Luxembourg où le gouvernement a tout annulé). Cela veut dire -une fois de plus- que le sport rassemble les êtres plutôt qu’il les sépare. Certains ont pu trouver exagéré que l’on prenne du plaisir dans un stade alors que des presque voisins pleurent leurs morts. Mais ces personnes ont-elles eu la même réaction à l’égard de comédiens ou de musiciens qui continuaient eux aussi à exprimer leur talent?

Faut-il être honteux de sacrifier à l’un ou l’autre loisir dans ces cas? Il est en tout cas plus démocratique de laisser les gens avoir l’occasion de se rencontrer, plutôt que de les obliger à ne rien faire.

Aux Etats-Unis, l’attaque terroriste a rappelé une question nationale qui s’était posée au moment de l’assassinat du président John F. Kennedy. Deux jours après le drame de Dallas, la compétition de NFL (football américain professionnel) reprenait. Beaucoup d’Américains furent terriblement choqués, mais la Maison Blanche, contactée, avait encouragé la reprise.

John Baete

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