Quand Chatelle brusselait

Attentionné, sportif et intelligent, le médian est un gendre idéal. Mais il a toujours été positivement agressif. Cela l’a aidé quand il a dû se battre contre les blessures pour survivre dans le foot pro.

Dans le jardin où Thomas Chatelle réduisait à néant les fleurs qu’avait plantées sa maman, Bernadette, la jeune génération a repris le flambeau. Constantin et Victor jouent au foot et ce dernier semble au moins aussi passionné que tonton Thomas. Il ne donne le ballon à Constantin que lorsque ce dernier, fatigué d’attendre, menace d’arrêter de jouer et il célèbre chaque action réussie par un coup de pied au derrière de son camarade de jeu…

155 buts en une saison comme gamin

Il serait pourtant faux d’en conclure que, chez les Chatelle, on a le football dans le sang, au contraire. Marc et Bernadette en connaissaient à peine les règles lorsque Thomas commença à jouer. François, leur fils cadet, est plus doué pour le tennis. Seul Thomas fut toujours fasciné par le ballon :  » Lors des fêtes de famille, j’embêtais tout le monde car je voulais jouer au foot. Je rassemblais mes cousins, nous trouvions un ballon et c’était parti. Si on n’en trouvait pas, nous shootions dans une boîte métallique « .

Thomas était non seulement plus enthousiaste que les autres gamins de son âge, il était aussi plus doué. Au FC Saint-Michel, son premier club, il inscrivit 155 buts en une saison.  » Il était un peu la vedette locale « , raconte Marc.  » Avant lui, aucun joueur du club n’avait jamais été repris dans les sélections nationales « .

Thomas :  » J’étais rapide, on me donnait le ballon et je filais vers le but. Plus tard, en équipe nationale, on m’a dit que, si je voulais continuer à être sélectionné, je ferais mieux d’aller jouer dans un club de Nationale « .

Il disputa donc un tournoi avec le RWDM et fut élu meilleur joueur. Il ne fut pourtant pas transféré car son père, transformé en manager, estimait que ce n’était pas une bonne idée.  » C’était avant l’arrêt Bosman : quand on signait dans un club, on y était lié pour toute sa vie « , rappelle-t-il.  » J’ai donc conclu un accord avec le Racing Jet de Wavre puis avec le FC Malines. Chaque année, Saint-Michel leur prêtait Thomas. Il était ainsi libre de choisir lui-même où il jouerait la saison suivante. Après l’arrêt Bosman, il n’y a plus eu de problème « .

Thomas aurait aimé que le jugement soit rendu un peu plus tôt :  » Je me rappelle comme je pleurais pendant que papa remballait les gens du RWDM au téléphone « .

Partout où il jouait, Thomas marquait des buts et portait le brassard de capitaine.  » J’ai été capitaine dans tous mes clubs et dans toutes les sélections nationales « , dit-il.  » Je n’ai pourtant jamais été un leader dans le sens le plus strict du terme. Je ne suis pas du genre à hurler dans le vestiaire. Je suis plutôt une locomotive, j’essaye de transmettre mon enthousiasme à mes coéquipiers « .

Arrêté par la police à cause du tennis

Par contre, il eut du mal à le transmettre à sa famille. Sa maman, surtout, ne croyait pas trop que son fils puisse faire carrière dans le football.  » Nous sommes issus d’un milieu qui a peu d’affinités avec ce sport « , avoue-t-elle.  » A l’école, par exemple, les autres parents nous regardaient de travers quand nous disions que notre fils voulait devenir footballeur professionnel. Nous étions entourés de futurs médecins et ingénieurs. Pour eux, footballeur, ce n’était pas un vrai métier. Moi-même, j’avais un peu peur : c’est un milieu très dur et Thomas est quelqu’un de doux. Au début de sa carrière, il était même un peu naïf, il pensait que tout le monde voulait son bien. Mais comme il a débuté très jeune en équipe première de La Gantoise, il est rapidement passé de l’adolescence à l’âge adulte « .

Pour tranquilliser sa mère, il tenta de combiner football et études. Ce n’était pas évident car, à cause des stages à l’étranger avec l’équipe nationale, il manquait plus souvent qu’à son tour les cours de latin et de mathématiques. Toute la famille se mit donc à l’aider. Sa s£ur Nathalie, élève brillante, lui passait ses notes tandis que papa et maman faisaient des résumés que Thomas n’avait plus qu’à étudier.

Mais il n’y a pas que le football qui lui fait manquer l’école. Suite à un concours de circonstance, le tennis est aussi responsable d’une absence.  » A midi, je rentrais toujours manger à la maison avec mon ami Bruno « , raconte Thomas.  » Le jour de la demi-finale légendaire de Roland Garros entre Gustavo Kuerten et Filip Dewulf, nous étions évidemment devant le petit écran. Au moment où nous devions repartir à l’école, Filip a perdu un point crucial. J’ai refermé la porte derrière moi en lançant un gros juron. Juste à ce moment-là, un combi de police passait avec la fenêtre ouverte et les agents ont cru que je les avais insultés. Ils ont fait demi-tour et nous ont arrêtés, ont contrôlé notre identité et tout le bazar. Evidemment, nous sommes arrivés en retard à l’école et personne n’a cru à notre histoire « .

Pourtant, élève appliqué, Thomas n’aimait pas manquer l’école.  » Je plaçais la barre très haut, je voulais toujours avoir de bons points « , assure-t-il.

Bernadette :  » C’est quelque chose qu’il s’imposait, nous ne l’y obligions pas. Il ne supportait pas de ne pas comprendre. Lorsqu’il n’avait pas le temps d’approfondir quelque chose, il demandait au reste de la famille de le faire pour lui « .

Un Hobbit pour témoin

 » C’était parfois frustrant « , reconnaissent Bruno du Bois et Mathieu Englebert, deux copains de classe.  » Si nous jouions contre lui, nous perdions douze ou treize à zéro. Et en classe, il était aussi plus fort que nous « .

Pas de regrets : -If you can’t beat them, join them. Ils devinrent donc les meilleurs amis de ce garçon multi performant.  » Thomas était parti à l’étranger avec l’équipe nationale et n’avait pas eu le temps de faire un devoir de néerlandais « , raconte Mathieu.  » Lorsque le professeur annonça les points et que nous avons entendu que Thomas avait reçu un zéro, nous nous sommes révoltés. J’ai crié que Thomas ne méritait pas cela et j’ai lancé mon stylo à la tête du prof, qui m’a évidemment mis dehors « .

Bruno n’a pas non plus épargné ses peines pour faire plaisir à Thomas. Ex-étudiant en régie cinématographique, il était en Nouvelle-Zélande pour y évaluer les paysages du Seigneur des Anneaux au moment où Thomas a épousé Pascaline Destrée à Bruxelles. Bruno est revenu le temps d’un week-end afin d’être témoin de mariage de son meilleur ami. Le lendemain, il reprenait l’avion.  » Bruno ne pouvait pas rester plus longtemps « , rigole Thomas.  » Il avait un rôle important de figurant en Nouvelle-Zélande : il était Hobbit. Dans le Seigneur des Anneaux, les Hobbits sont des personnages qui mesurent un mètre « .

Le petit Bruno rigole et Bernadette ne peut contenir sa joie :  » Il ne se sent bien que lorsqu’il peut ennuyer les gens « , dit-elle.  » Son frère est sa victime toute désignée. Thomas est très direct, il ne peut pas mentir. Lorsqu’il entre ici, je devine son humeur rien qu’à la façon dont il referme la porte « .

Son père acquiesce :  » S’il est calme, c’est qu’il a mal quelque part ou que quelque chose le tracasse. S’il crie : – Salut tout le monde, c’est que tout va bien « .

 » Voici les clefs  » par Lenorman

Il ne faudrait cependant pas en déduire que Thomas Chatelle est quelqu’un de lunatique ou de capricieux. On s’en aperçoit d’ailleurs dans les petites anecdotes racontées, avec beaucoup de talent et d’enthousiasme, par Bruno. Ecoutons-le parler de leurs soirées karaoké.

 » Notre chanson préférée, c’est Voici les clefs de Gérard Lenorman. Elle avait à peine commencé que la dame du karaoké coupa la musique parce que nous y mettions trop d’enthousiasme. On nous pria de quitter le podium mais cela ne plaisait pas à Thomas. Le candidat suivant choisit une chanson à deux voix et Thomas se proposa de faire la deuxième voix mais l’homme n’avait pas envie et essaya de le jeter dehors. Mais sans succès « .

Bruno veut en raconter une autre mais Thomas lui coupe la parole. Il tient à sa réputation.  » Je me souviens encore du mariage de ma s£ur. Genk disputait son dernier match de préparation, contre Roda. Sef Vergoossen, l’entraîneur, tenait absolument à ce que je joue et j’ai rejoint la fête que dans la soirée. Je me suis mis directement dans l’ambiance mais le lendemain, il y avait entraînement. Mathieu et Bruno promirent de m’y conduire. Je pensais qu’ils n’étaient pas plus sains d’esprit que moi mais à huit heures moins le quart, ils sonnaient à ma porte. J’étais encore à moitié dans le coma mais ils m’ont installé sur le siège arrière et j’ai pu continuer à dormir « .

Bruno poursuit :  » Il s’éveillait de temps en temps et était toujours surpris de nous voir là. – Salut Mat, salut Brun, répétait-il. Nous avons suivi l’entraînement et je dois dire qu’il a tiré son épingle du jeu. Quand il fallait courir, il était devant, histoire de ne pas donner l’impression qu’il était mal mais dès que l’entraîneur avait le dos tourné, il nous faisait des gestes pour dire qu’il était mort « . (il rit).

Au cours de l’entretien, on passe des choses les plus sérieuses aux plus comiques. Thomas reprend tout son sérieux lorsqu’on évoque l’importance de ses amis :  » Je suis fier d’en avoir de pareils. Tous trois s’aperçoivent qu’ils ont réalisé leurs rêves de gosse : l’un est footballeur, l’autre est régisseur, le troisième est dentiste. Ils se sentent heureux. Les anecdotes, c’est l’affaire de Bruno. On dirait qu’il a écrit lui-même le scénario de la vie de son copain footballeur.

Pour nous, il est le témoin idéal car il n’élude aucun détail, même pas ceux concernant la vie amoureuse de Chatelle :  » Nous avons dû user de pas mal de subterfuges pour que Thomas et Pascaline sortent ensemble. Ils se sont rencontrés pour la première fois à une fête donnée par ma s£ur. En rentrant, nous nous sommes arrangés pour qu’ils soient assis dans la même voiture. Ce ne fut pas facile car il y avait deux bagnoles pour huit personnes. Nous étions six dans une et nous avons bien fait comprendre à Thomas que nous espérions être récompensés « .

Thomas :  » Bruno aime bien s’attribuer le mérite mais j’ai quand même fait quelque chose pour que ça marche aussi « . Chatelle peut en effet se targuer d’avoir réussi puisqu’un an après le mariage, le couple attendait son premier enfant. Là aussi, Bruno voudrait y être pour quelque chose :  » Un soir, nous avons rendu visite à ma s£ur, avec qui Pascaline a étudié. Comme il était tard, nous avons fait en sorte qu’elle et Thomas dorment dans le même lit tandis que les autres dormaient sur une chaise. (il rit). Disons qu’il leur a fallu du temps avant de nous rejoindre au petit déjeuner. Bon, je peux encore vous en raconter mais alors, il faut que vous coupiez votre enregistreur, OK ? »

par jan-pieter de vlieger

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire