Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?

Seulement deux clubs wallons en D1 et l’épine du voisin carolo hors du pied : la belle affaire pour les finances montoises ? Ça reste à prouver.

Ce qu’on n’a pas autour de soi, il faut aller le dénicher ailleurs. Ainsi, le nouveau principal sponsor maillot de Mons est une entreprise flamande, basée à Renaix : Vérandas Willems. Le club n’avait pas le choix à partir du moment où il était ignoré, voire carrément snobé par l’industrie locale et surtout les grandes sociétés nationales.

 » Nous sommes montés tard, via le tour final, et nous avons donc directement pris du retard sur les autres clubs « , reconnaît le directeur général Alain Lommers.  » Mais cela ne peut pas être la seule explication au manque relatif d’intérêt de la part du monde industriel.  » Dès les premiers mots, la déception et l’amertume coulent de la voix du DG. Tentons de comprendre pourquoi ce club n’est pas parvenu à séduire comme il l’aurait voulu, cet été, sur le marché du sponsoring.

Les grandes entreprises répondent poliment mais envoient Mons à la gare

 » Toute la Wallonie du foot s’est réjouie qu’après la chute en D2 de Charleroi, Mons soit remonté « , dit Lommers.  » On n’allait donc pas avoir que le Standard. Là, tu te dis que tu vas automatiquement être parrainé à gauche et à droite. Nous avons vite contacté des sociétés privées et publiques de grande envergure. A ma grande surprise, plusieurs réponses se ressemblaient : -Nous avons changé de stratégie, nous préférons nous concentrer sur le Standard en Wallonie, Anderlecht à Bruxelles et le Club Bruges en Flandre. Je suis retombé. Je ne conteste pas l’image et l’aura du Standard, mais pourquoi mettre tous ses £ufs dans le même panier ? Au bout du compte, on enrichit les riches et on appauvrit les pauvres.  »

Le pactole de la Loterie au Standard : merci Reynders !

 » J’ai un problème quand la Loterie Nationale consacre une enveloppe d’un million d’euros à la D1 et donne tout au Standard. Didier Reynders, un Liégeois, ministre en charge de la Loterie… l’explication est évidemment là. Encore une fois, je ne remets pas en cause la notoriété du Standard, mais pourquoi n’est-il pas possible de réserver une petite partie du pactole à un club comme Mons ? Chez nous, la Loterie se contente de louer quelques seats : peanuts, deux fois rien. C’est quand même une institution nationale mais elle place toutes ses billes à Liège : si ce n’est pas du favoritisme, il faut m’expliquer.  »

Electrabel : vous avez l’énergie de ne taper que très haut

Autre exemple frappant : Electrabel. Encore une grande société contactée cet été par Mons. Et toujours la même réponse : on a d’autres chats à fouetter, des chats plus célèbres, plus beaux, plus ambitieux.

Alain Lommers :  » J’ai envie de leur écrire pour leur rappeler que ce club et surtout le groupe dont il fait partie (le grand groupe industriel SGI appartenant au président Domenico Leone) consomme beaucoup d’électricité et pourrait décider de quitter Electrabel pour un autre fournisseur. Pour eux, ça ne ferait pas une grande différence, mais ce serait une réaction symbolique. Nous pourrions aussi lancer une action auprès de nos supporters, en leur demandant par exemple de ne pas rester dans les grandes banques qui investissent massivement à Anderlecht et au Club Bruges mais ne veulent rien faire pour Mons. Mais là encore, ce serait tellement anecdotique pour les entreprises concernées. A croire que seuls le Standard et Anderlecht consomment de l’électricité en Belgique. Le raisonnement d’Electrabel et d’autres grands groupes, c’est : on aide les grands, les petits ne nous intéressent pas. C’est logique, comme plan marketing ? Je suis déçu, vexé, même jaloux.  »

VOO, sponsor du Standard et de Charleroi, a aussi fait savoir qu’un sponsoring de Mons n’entrait pas du tout dans ses intentions.

Mons n’a pas piqué un seul sponsor à Charleroi

La chute en D2 de Charleroi aurait pu faire le bonheur financier de Mons. Il n’en est rien.

 » Je ne me faisais pas d’illusions « , dit Lommers.  » Quand nous sommes descendus, La Louvière qui était toujours en D1 a cru flairer la bonne affaire. Là-bas, ils ont crié sur tous les toits qu’ils allaient récupérer des sponsors et des spectateurs chez nous. Il n’y a eu aucun effet dans ce sens-là. Même chose quand La Louvière a disparu : nous n’avons hérité de rien. Idem quand Mouscron a été rayé et quand Tubize est descendu. Depuis que la chute de Charleroi est acquise, nous n’avons rien vu venir de là-bas. Le problème de tous ces clubs est qu’ils sont généralement condamnés à tourner avec une majorité de sponsors régionaux. Tellement régionaux que, pour eux, aller s’impliquer une quarantaine de kilomètres plus loin, ce n’est déjà plus intéressant. Une société régionale reste dans sa région. « 

Quels arguments pour convaincre ?

Alain Lommers :  » Tous nos matches de championnat sont quand même retransmis en direct. Notre site internet enregistre largement plus de 100.000 visites par mois, avec des pointes à 200.000. C’est éloquent, c’est un aspect à ne pas négliger. Mons est un chef-lieu important. Ce sera la capitale européenne de la culture en 2015. Et nous avons Elio Di Rupo, même s’il n’est pas encore Premier ministre…  »

Reynders au Standard, Dehaene à Bruges : que fait Di Rupo ?

Le directeur général montois signale que  » Dexia sur le maillot du Club Bruges, on sait d’où ça vient. De Jean-Luc Dehaene, évidemment. Cette banque a décidé de concentrer son sponsoring en Wallonie sur Mons… Basket. Pour nous, encore raté. Je suis surpris quand je vois à quel point les politiciens sont omniprésents dans tous les clubs flamands. J’ai mangé récemment avec Louis Tobback : il a demandé à la Ville de Louvain de prêter 2 millions à OHL. Sans intérêts, je crois. La Ville va aussi refaire une tribune du stade et améliorer l’éclairage. Et si le club se maintient, il aura un nouveau stade dans les trois ans.  »

Le stade de Mons, justement, on a l’impression que les autorités communales ont bien contribué à sa transformation.  » OK, mais les travaux ont été suspendus quand nous sommes redescendus en D2. Aujourd’hui, alors que nous sommes à nouveau en première division, une des deux grandes tribunes est complètement inutilisable et une autre, derrière un but, doit être refaite. En Flandre, on est proactif. Ici, on a attendu que le club retrouve la D1 pour rouvrir le dossier de la rénovation du stade. Et ainsi, nous n’avons que 8.600 places. Cela représente un important manque à gagner lors des gros matches. « 

Le stade dans son état actuel coûterait déjà 14 euros par an à chaque contribuable montois.  » C’est un calcul de notre échevin des Finances. Un calcul à sens unique. S’il raisonne comme ça, il faut mentionner ce que coûte à chacun la nouvelle piscine, le palais de justice, le club de basket, le site du Grand Large, etc. Ce serait bien aussi de signaler, pour être complet, ce que rapporte le RAEC Mons aux Montois. Ce club est une PME qui emploie 40 personnes à temps plein, qui paie des taxes communales, qui fait vivre des fournisseurs de la région. Et qui s’occupe d’un nombre énorme de jeunes dans un centre de formation professionnel. Encore ceci : avec une moyenne de 4.500 personnes par match, nous sommes l’entité montoise qui déplace le plus de monde lors de ses représentations à domicile. Il faut savoir ce que l’on veut : mettre certains sports à un haut niveau ou ne plus rien faire ? « 

Comment séduire un gros sponsor flamand ?

Holcim (ciments, bétons, etc) fut un sponsor historique de Mons avec une présence de près de 40 ans. Mais il va falloir s’y faire : sur les maillots, c’est désormais Vérandas Willems qui est sponsor principal.

 » Il y avait deux problèmes avec Holcim « , explique Lommers.  » Cette société a son siège social en Suisse, et je ne sais pas si les décideurs installés là-bas se préoccupent beaucoup de ce qui se passe à Mons. L’autre difficulté, c’est leur nouvelle orientation en matière de sponsoring. Quand nous les avons contactés pour prolonger le contrat, ils nous ont dit qu’ils voulaient désormais se concentrer sur le social et le culturel. Selon moi, ils voulaient parler de la position de Mons comme capitale européenne de la culture en 2015. Et je crains que d’autres sponsors potentiels raisonnent de la même manière, se préoccupent plus de cet événement que du club de foot. Ce serait bien de pouvoir mêler la culture et le football en 2015 : avec un stade terminé, nous pourrions accueillir des expositions, des concerts, etc. La grande fête de la culture, ce ne sont pas que des musées et des spectacles dans les rues. « 

Exit Holcim, donc, et place à Willems.  » Avant de s’engager comme sponsor principal, le patron est venu plusieurs fois. Il voulait savoir exactement ce que ce club représentait. Mons a eu, dans le passé, une mauvaise image en Flandre. Cet homme a compris que c’était une vision erronée des choses et, un jour, il nous a lâché : -Je me sens bien à Mons. Une autre société flamande était également intéressée pour apparaître en grand sur notre maillot.  » Objectif : boucler le budget de 5,5 millions

A combien se négocie le soutien d’une firme comme Vérandas Willems ? 400.000 euros par saison ? Cela ne doit pas être loin de la vérité. Ce qui est sûr, c’est que Mons a commencé le championnat avec le plus petit budget de D1 : 5,5 millions de dépenses estimées (y compris pour le centre de formation). La masse salariale représente entre 50 et 55 % de cette somme. L’idéal est de rester sous la barre des 50 % mais Mons a déjà été au-dessus de 60 %. Alain Lommers espère parvenir à 5,5 millions de rentrées. Les recettes commerciales (sponsoring essentiellement) devraient atteindre 1,5 million. Les droits télé rapporteront au minimum le même montant. Le reste sera apporté par la billetterie, l’horeca, le business club, le merchandising, etc.

 » Lors de notre dernier passage en D1, nous avions un budget de 6,5 millions et nous étions quand même descendus. L’an passé, le Lierse avait un budget pharaonique mais a failli basculer. De toute façon, nous n’avons pas le choix car nous ne dépensons pas l’argent que nous n’avons pas. Quand j’entends les salaires qu’on propose dans certains clubs, je me dis que le monde du football est devenu fou. « 

PAR PIERRE DANVOYE

 » J’ai un problème quand la Loterie Nationale consacre un million d’euros à la D1 et donne tout au Standard. « 

(Alain Lommers)

 » Mons capitale européenne de la culture en 2015 : je crains que cela nous fasse perdre des sponsors. « 

(Alain Lommers)

Le plus petit budget de D1 : 5,5 millions. Et environ 1,5 million en recettes de sponsoring.

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