» Qu’est-ce qu’elle a l’image du Standard ? « 

Le directeur général du Standard revient sur tous les sujets sensibles qui ont émaillé le début de saison des Rouches.

P ierre François, le directeur général du Standard, est monté ces derniers temps aux barricades. Parfois avec succès, parfois avec son sens inné du rentre-dedans l’obligeant à assumer l’un ou l’autre éclat. Lui qui vit forcément un peu dans l’ombre d’un vice-président exécutif aussi médiatique que Lucien D’Onofrio nous a reçus dans son bureau de Sclessin, garni de photos et de souvenirs du Standard. Au milieu de tout ce rouge, une petite photo d’un cavalier et de sa monture :  » C’est mon fils, Samuel, lorsqu’il faisait des concours internationaux.  »

Pendant une heure et demie, l’ancien avocat du barreau de Liège ne va éluder aucune question, sa verve à l’énergie déjà légendaire faisant le reste.

Qu’est-ce que le titre vous a apporté sur le plan personnel ?

Pierre François : Lorsque le plaisir des dirigeants et celui des supporters se rejoignent, cela donne beaucoup de fierté.

Et un sentiment du devoir accompli ?

Il faut toujours être au service du club. Parfois les résultats suivent, parfois pas. C’est la particularité de la tâche. En voulant toujours bien faire, on n’obtient pas toujours des réussites. Le travail n’est pas toujours récompensé. Ce titre constitue évidemment une grande satisfaction et la vérification du rôle moteur du Standard dans la région. L’essentiel était d’atteindre l’objectif. On occupe souvent un rôle d’outsider et réussir à s’imposer de temps en temps ne fait pas de tort. Parfois, gagner, c’est bien. Demandez à Poulidor s’il n’aimerait pas compter un Tour de France !

Est-ce que ce titre a changé le Standard ?

Notre vice-président dit que ce qui compte, c’est d’être européen. Moi, j’ai le sentiment que quand on est champion, il faut revoir ses objectifs à la hausse, quitte à être déçu si on n’est que deuxième ou troisième. On se doit d’être européen mais maintenant qu’on a été champion, on doit essayer de le rester, c’est évident ! Même si l’objectif minimal est celui rappelé par Lucien D’Onofrio. Et puis, ce titre a amené un engouement extraordinaire. Il n’était déjà pas banal mais cette saison, on a dû stopper la campagne d’abonnement à la mi-juin.

Votre statut a changé : vous n’êtes plus outsider mais favori…

Peut-être moins depuis notre défaite contre Charleroi. Mais ce serait se tromper que de dire que c’était facile avant ce match et impossible après. Les choses n’ont pas fondamentalement changé. Ce ne sera pas simple mais cette saison, on a été cité parmi les favoris. Avant, on n’osait même plus nous placer parmi ceux-là.

Ce statut de favori a apporté de la confiance mais aussi une certaine forme d’arrogance…

Vous trouvez ? Je n’en suis pas persuadé.

Reprenons les propos de Mohamed Sarr après la défaite au Cercle Bruges, qui sous prétexte qu’il avait battu le Standard, lui aurait manqué de respect…

C’est vrai qu’on a souvent demandé le respect. Mais il y a aussi certainement une déception immédiate exprimée par le joueur. Car cette victoire du Cercle était totalement méritée. (Il réfléchit) Il n’y a pas d’arrogance dans tout cela.

Comment jugez-vous le travail de Laszlo Böloni ?

Le travail d’un entraîneur se vérifie plus facilement en fin de saison. Il avait un défi très difficile à relever dans la mesure où il succédait à une des icônes de Sclessin, un enfant de la maison. Il l’a fait avec son style, en imposant son autorité au groupe, en montrant son savoir-faire dans des matches aussi difficiles que ceux de Liverpool, d’Everton ou de Séville. On n’est pas là pour le coter mais pour voir s’il sait passer outre les mauvais moments avec son groupe. C’est ça le métier d’entraîneur : savoir gérer les bons mais aussi les mauvais moments. Ce n’est pas parce qu’on a réalisé un 4 sur 12 qu’il est devenu un mauvais entraîneur mais il faudra, au bout du compte, voir comment on sort d’une pareille spirale.

Et sa communication ?

Il est fermé à certains moments mais très disert à d’autres. Chacun, en termes de communication, a son style. Ce n’est peut-être pas nécessaire qu’il fasse référence à ce que l’ont fait ou pas en France et au Portugal. Ça, OK. Mais on ne peut imposer à quelqu’un de devenir un communicateur. Michel Preud’homme était un communicateur extraordinaire avec la presse. Bölöni communique moins. Il a un style plus renfermé, surtout lors des avant-matches. Mais je l’ai déjà entendu tenir des propos après les rencontres et ce n’est pas que de la langue de bois ou des – Tout va bien merci, ce sera encore mieux la semaine prochaine. Ce sont des analyses fouillées dans lesquelles il prend ses responsabilités et il dit sa façon de penser.

On évoque beaucoup ses nombreux voyages à l’étranger, privés ou professionnels. C’est un entraîneur davantage dans les avions que sur le terrain ?

Je ne le pense pas. Au niveau privé, il est parti à des moments bien choisis, en parfait accord avec la direction. Et il aime, lorsqu’un scouting s’impose, le faire lui-même ! Il a aussi cinq entraîneurs autour de lui. Ce n’est pas sans raison…

 » Ce n’est pas exclu qu’il y ait des départs en janvier « 

En transférant Fellaini, vous avez touché le pactole. Comment allez-vous investir les 20 millions d’euros ?

Actuellement, la question ne se pose pas puisqu’on ne peut pas acheter de joueurs avant janvier. mais on va réinvestir cet argent à la première occasion.

Il y aura donc des arrivées en janvier ?

Attendez, attendez. Je ne dis pas qu’on va le faire nécessairement. D’abord, on n’a pas encore touché l’entièreté de la somme. Cela se paie par annuités. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que les pertes d’exploitation s’élèvent entre 3,7 et 3,9 millions, chaque année. Le transfert de Fellaini est une manière d’assurer la pérennité du club et de participer aux efforts d’investissement. Mais pas uniquement de joueurs. Il y a l’Académie qui nous coûte 175.000 euros par trimestre pendant 27 ans. Et il y aura aussi des mises de fonds immédiates à envisager par le club dans l’optique de l’investissement d’un nouveau stade. On ne va donc pas changer notre façon de procéder. Mais ce qui est certain, c’est qu’aucun des actionnaires ne souhaite que cet argent retourne dans leur escarcelle, même à concurrence des sommes qu’ils n’ont pas mises en capitale mais simplement avancées.

Le départ de Fellaini a évidemment donné des idées à d’autres joueurs. Comment allez-vous contrer ces velléités de départ ?

C’est parce que Fellaini est parti pour un grand montant de transfert et vraisemblablement pour un beau contrat que, systématiquement, quand on rencontre un autre jeune joueur comme Witsel et Defour, on leur parle de leur départ. Et le titre de l’article devient – Il veut partir.

Witsel a quand même dit qu’en fin de saison, il serait temps pour lui de passer un palier…

Un jour ou l’autre, il sera temps pour lui. Nous en sommes convaincus aussi mais cela ne veut pas dire que ce sera en janvier ou en juin. Cela dépendra de l’évolution de sa carrière.

On a quand même l’impression qu’une grosse partie du noyau (Witsel, Dante, Mbokani, Jovanovic, Defour) pense davantage à son avenir qu’à son présent…

Vous déduisez des résultats insuffisants en octobre que les joueurs n’ont plus la tête à leur travail…

… Cela pourrait être une hypothèse

Je n’ai pas senti dans le groupe que l’atténuation était la règle et qu’il y avait des tensions au sein du vestiaire, ni des jalousies des uns par rapport aux autres. Même si certains auraient pu se priver de faire ces déclarations. J’ai d’ailleurs déclaré à l’un d’entre eux, sur le ton de la boutade, qu’il jouait mieux qu’il ne parlait. C’est à nous à les recadrer.

Tout cycle a une fin. Il faudra bien se préparer à une série de départs ?

Mais le club s’y prépare. Tous ceux que vous avez cités ont la qualité pour évoluer à un niveau supérieur. Mais l’exemple de Tom De Mul à Séville doit aussi servir de leçon. Il ne suffit pas d’être jeune, d’avoir de la qualité, d’être rapidement courtisé par tous les scouts des grands clubs européens pour réussir à l’étranger.

Mais allez-vous laisser la porte ouverte à un départ en janvier ?

Ce n’est pas exclu qu’il y ait des départs en janvier. Cela dépendra de ce qui est offert aux joueurs…

… et au club ?

Inévitablement.

 » Serviteur ? Je suis un serviteur du club « 

Pourquoi avoir quitté la vice-présidence de la Ligue Pro ?

J’étais vice-président francophone pour participer à un comité de direction. Et je considère que ce comité de direction ne fonctionne pas. Sa représentation est spéciale. Vous avez un président néerlandophone, un vice-président de chaque communauté, et deux autres élus néerlandophones, plus un invité qui est Herman Wijnants. Comment fonctionnent-ils ? C’est le président et le directeur général de la Ligue qui travaillent au quotidien. Ils informent les autres membres des décisions qu’on va prendre deux heures plus tard au conseil d’administration de la Ligue. La vice-présidence devient donc un titre et ça ne m’intéresse pas. Cela et ce que j’ai vécu à Genk font que j’en avais marre d’être le modérateur, certains diront le vilain petit canard francophone.

Comment réagissez-vous quand Jos Vaessen vous traite de serviteur ?

J’ai toujours été un serviteur du club. Je préfère être un serviteur que de mettre, comme Jos Vaessen l’a fait, un président fantoche au pouvoir.

Et quand un journal vous décrit comme le bras droit de Lucien D’Onofrio ?

C’est bien cela. Bras droit, ça veut dire que je travaille et vaut mieux être un bras droit qu’un bras gauche. Il n’y a rien de péjoratif. En revanche, serviteur, il le voulait péjoratif mais cela ne peut pas me blesser.

Avez-vous l’impression de vivre dans l’ombre de Lucien D’Onofrio ? Souffrez-vous du manque de reconnaissance de votre travail ?

Je n’ai pas admis que l’un de vos collègues puisse prétendre que le départ de Michel Preud’homme ait résulté d’une opposition entre lui et moi ; au motif que je regrettais que dans le monde du foot, les gens soient moins éblouis par les succès des prétoires que par les succès sur le terrain. Ça, j’en ai souffert. Mais que l’on parle moins de moi, je ne m’en tracasse pas.

Au niveau des supporters, vous êtes le personnage le plus controversé…

C’est mon rôle. Je ne peux pas être Monsieur oui-oui. Mais mes contacts sont toujours positifs. Je n’ai jamais pris de garde du corps pour aller d’une tribune à l’autre. Et mon rôle n’est pas de plaire à tout le monde.

par stéphane vande velde- photos: reporters

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