QU’EN PENSES-TU, Raymond ?

La semaine passée, le Sorcier s’est trompé de vestiaire comme cela lui est arrivé un jour à Marseille après avoir adressé une collection de reproches à ses joueurs au terme de la première mi-temps. Cette fois, cependant, l’équipe adverse ne l’a pas laissé filer la cigarette au bec. Au paradis des footballeurs, Raymond-la-Science griffonne déjà ses plans sur un bout de papier. Hors-jeu, pressing, ne l’entendez-vous pas, il explique, décortique :  » T’a pigé fieu ? » Mais qui essaye-t-il de convaincre là-haut ? Allez savoir…

Quatre-vingt-trois ans, une vie au service du football avec tant de joies, des moments plus éprouvants aussi, un palmarès unique. Raymond Goethals a terminé sa carrière dans un pays qui l’avait beaucoup marqué dès ses débuts dans le métier d’entraîneur. Durant les années 50, il fréquente l’école des entraîneurs de Joinville et y est profondément influencé par un instructeur hors normes : Pierre Pibarot. Ce dernier était allé voir ce qui se passait en Hongrie où est née la défense en ligne. Sur sa lancée, le Bruxellois suit les cours de l’école des entraîneurs de Cologne sous la direction de Hennes Weisweiler.

Il cherche, s’instruit, confronte ses idées à celles de grands stratèges étrangers. Et sa carrière est une longue quête vers la perfection.  » Il faut trois conditions pour faire un bon entraîneur : la compétence, le travail et la chance « , disait-il. Après ses débuts dans le métier à Waremme, il devient le chantre du hors-jeu à St-Trond. Cela fait tant de bruit que l’équipe nationale espagnole demande à St-Trond de croiser le fer avec elle à Séville pour découvrir les principes de la défense en ligne. Plus tard, Raimundo devient le roi du béton belge à la tête des Diables Rouges. Il va en finir avec cette étiquette qualifiant la Belgique de  » championne du monde des matches amicaux « .

Jeu à plat, organisation défensive : il complète sa palette en soignant la production offensive à Anderlecht et au Standard avec des tas de succès européens à la clef. On le retrouve au Brésil et au Portugal mais c’est en France qu’il met la touche finale à son £uvre. Luciano D’Onofrio lui a trouvé Bordeaux puis, plus tard, Marseille. L’OM est un club à sa mesure avec de grands joueurs, une communion avec le public, un succès en finale de la Coupe des Clubs Champions face à l’AC Milan (1-0, but de Basile Boli) le 26 mai 1993.

A 72 ans, le Sorcier se retire, certain d’avoir marqué son époque. Il ne fait qu’une exception et, en Coupe d’Europe, dépanne brièvement Anderlecht embêté par l’insuffisance d’ Herbert Neumann. Les voyages ont forgé les philosophies tactiques du technicien bruxellois. L’évidence tranche par rapport à l’immobilisme actuel des entraîneurs belges. Si Eric Gerets est devenu aussi fort, c’est parce qu’il a osé aller au charbon au PSV, à Kaiserslautern et à Wolfsburg. Il aurait été plus aisé de rester en Belgique. Mais il ne serait pas devenu un grand coach, comme Raymond Goethals ne serait pas devenu un mythe, sans ses incursions à l’étranger.

G eorges Leekens et Robert Waseige ont osé secouer leur confort avec des fortunes diverses. Ce n’est pas le cas d’ Hugo Broos et d’ Aimé Anthuenis, par exemple. Leur coaching poussif, vieillot, dépassé sur la scène internationale, exige pourtant un bon courant d’air frais. Un 3-0 à l’Inter ? Ce ne serait jamais arrivé avec toi, Raymond, même avec l’équipe des Taxis verts. En te rendant un dernier hommage lundi passé, à Koekelberg, la famille du football a certainement pensé à l’excellent Anderlecht-Bruges qui a relancé la lutte pour le titre, au brio de Charleroi, au succès du Brussels au Cercle, au prochain rendez-vous du Standard en Coupe de l’UEFA. Qu’est-ce que tu en penses, Raymond ?

par Pierre Bilic

 » Il faut trois conditions pour faire un bon entraîneur : LA COMPÉTENCE, LE TRAVAIL ET LA CHANCE  » (Raymond Goethals)

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