Qu’a-t-on fait de MON GROUPE ?

L’entraîneur néerlandais retrouve le prochain week-end le Brussels qu’il a fait monter en D1.

Petit à petit, la vie reprend son cours au Cercle Bruges. Le drame vécu par le capitaine Denis Viane, qui a perdu sa compagne atteinte d’une leucémie à l’âge de 26 ans, a traumatisé tous ses équipiers.  » On a vécu deux semaines très difficiles « , reconnaît l’entraîneur Harm van Veldhoven.  » Personne n’avait la tête au football et je dois relativiser l’élimination en Coupe et la lourde défaite subie au Sporting Charleroi. Mon groupe est très solidaire, et c’est aussi la raison pour laquelle il était aussi affecté. Cela dit, il faut aussi se rendre compte que les chiffres sont là, sévères. A Charleroi, ce n’était pas la première fois qu’on prenait cinq buts. C’était déjà arrivé au Club et à Anderlecht (en ayant joué une partie du match à 10 contre 11) et à Beveren (où on a livré notre plus mauvais match). Notre style de jeu nous expose à ces scores fleuves. On essaie de pratiquer un football offensif : on encaisse beaucoup, mais on marque beaucoup aussi. Je n’ai pas encore trouvé l’équilibre parfait entre l’attaque et la défense, mais mon équipe offre souvent du spectacle et a réussi à prendre les points nécessaires pour se mettre à l’abri. On travaille déjà afin de trouver des renforts dans l’optique de la saison prochaine « .

 » Au moins, on soigne le spectacle  »

Ce football offensif correspond-il à votre tempérament ?

Je me suis toujours efforcé de produire un football attractif. C’était déjà le cas au Brussels la saison dernière : on avait inscrit 69 buts, et même si c’était un étage plus bas, c’est un chiffre appréciable. J’estime que c’est en pratiquant un tel football qu’on permet le plus facilement aux joueurs de progresser individuellement. Or, faire progresser ses joueurs, c’est tout de même l’objectif de tout entraîneur, non ? En outre, avec la victoire à trois points, il est préférable de gagner une fois que de réaliser trois matches nuls. Alors, pourquoi jouer avec le frein à main ? En débarquant dans la Venise du Nord, j’ai essayé de restaurer l’image du Cercle. La saison dernière, le Cercle n’avait marqué qu’à 28 reprises, mais avait réussi à engranger 35 points. Une telle efficacité relevait presque du miracle. Et les miracles ne se produisent pas chaque année.

L’optimisme n’était pourtant pas de rigueur vu le départ de Nordin Jbari…

J’ai essayé de remplacer ce grand attaquant par Dieter Dekelver, Darko Pivaljevic et Paulus Roiha. Cela fonctionne bien. Le Cercle est une équipe modeste, qui connaît ses limites et qui ne dispose pas d’un gros budget. J’ai l’impression qu’au rapport budget/points obtenus, le Cercle serait en tête du classement.

Comment êtes-vous devenu l’entraîneur du Cercle ?

En fin de saison dernière, j’ai pris la décision de quitter le Brussels. C’était un risque, car ma carrière n’est vieille que de quatre saisons et je n’allais pas forcément être le plus demandé. Or, après avoir été à deux reprises champion de D2 (avec Lommel et le Brussels) et atteint la finale de la Coupe (perdue 1-0 contre Westerlo), j’avais envie de franchir un palier supplémentaire : entraîner en D1. Mon premier contact avec le Cercle a été établi 14 jours après mon départ du stade Edmond Machtens. J’ai signé une semaine plus tard, après avoir pesé le pour et le contre : mon épouse réside toujours à Mol, où elle est enseignante et où mes deux enfants vont à l’école. Ils me rejoignent le week-end dans mon appartement à Ostende. Sentimentalement, ce fut aussi très dur de quitter ce groupe du Brussels avec lequel j’avais partagé tant de joies.

 » Je ne voulais pas être limogé après cinq journées  »

Vous avez donc pris vous-même la décision de ne pas poursuivre l’aventure dans la capitale ?

Effectivement. En théorie, la logique voudrait qu’un entraîneur qui a remporté le titre reste à la tête de l’équipe, mais j’avais envie de poursuivre mon travail avec le groupe qui avait été formé. J’ai eu le sentiment que le projet que les dirigeants bruxellois souhaitaient développer n’était pas le mien et qu’il y avait des doutes sur mes capacités. J’ai préféré anticiper. Je ne voulais pas courir le risque d’être limogé après cinq journées, si l’équipe loupait son départ. J’ai besoin de pouvoir travailler dans un climat serein.

Johan Vermeersch s’immisçait-il trop dans la gestion sportive ?

Je ne tiens pas à m’étendre sur tout ce qui s’est passé entre Johan Vermeersch et moi. D’ailleurs, sur le plan humain, j’ai entretenu d’excellentes relations avec le président du Brussels et je suis plein d’admiration devant tous les efforts qu’il consent pour son club.

On raconte que, durant un match, il était descendu de la tribune jusqu’au bord de la ligne de touche, afin de redisposer certains joueurs sur le terrain. Vous vous seriez alors demandé si l’entraîneur, c’était encore bien vous ?

( Il hésite) Je n’entrerai pas dans les détails. Je peux confirmer qu’effectivement, il lui est arrivé de descendre en bord de touche afin de réagir en tant que supporter. Chacun aime gagner, lui le premier, et il se sent tellement impliqué qu’il lui est parfois difficile de prendre ses distances. Il aurait sans doute dû s’abstenir, mais après une bonne discussion, on parvenait généralement à accorder nos violons.

On vous aurait reproché, également, votre mauvaise connaissance de la langue française. Ce qui, à la tête d’un club bruxellois, aurait été néfaste pour l’image…

Si mon seul défaut était ma mauvaise connaissance de la langue française, je crois que je pourrais envisager une très belle carrière. C’était sans doute un handicap, mais certainement pas la seule raison de mon départ.

 » Il y a des gens malheureux au Brussels  »

La crise que traverse actuellement le Brussels vous fait-elle mal au c£ur ?

Je suis sensible aux malheurs de tous les clubs où j’ai vécu de bons moments. La disparition de Lommel m’a aussi profondément touché. Je travaille avec le c£ur. Au Brussels, en un an et demi, j’avais bâti un véritable groupe. Quoi qu’on en dise, la réussite ne coulait pas de source. En décembre 2002, Strombeek était avant-dernier en D2. 18 mois plus tard, la même équipe (devenue le Brussels) remportait le titre avec 70 points à son actif. Pour certains, ce sacre était gagné d’avance, car on avait transféré de très bons joueurs. Mais on ne forme pas un groupe d’un coup de baguette magique, il y a tout un travail psychologique à effectuer. Et, si certains joueurs avaient effectivement un niveau supérieur à celui de la D2, ce n’était pas le cas de tout le monde. Malgré une pression intense, on a passé une saison formidable durant laquelle chacun s’est serré les coudes. On a aussi vécu des moments difficiles : on a commencé le championnat avec un point sur six. Pour le grand favori, cela faisait mauvais genre. La défaite à Virton, à quelques encablures du port, a aussi provoqué une petite tempête. On a redressé la barre en réagissant collectivement. Au-delà du formidable esprit qui régnait dans le groupe, j’estime avoir fait progresser mes joueurs individuellement. Il ne faut pas oublier, non plus, qu’on avait un noyau très étroit : 16 joueurs de champ et trois gardiens.

Pour rester dans les limites du budget, on avait préféré la qualité à la quantité, et à condition d’être épargné par les blessures, le noyau étriqué permettait à chacun de bénéficier d’un temps de jeu appréciable…

Peut-être, mais j’avais comme attaquants Ibrahim Tankary, Dieter Dekelver, Aloys Nong et Said Makasi. J’ai dû, moi aussi, effectuer des choix. Mais ils ont été acceptés. C’est aussi une question de dialogue. Christ Bruno s’est régulièrement retrouvé sur le banc, mais je lui en ai expliqué les raisons. Lorsque certains joueurs sont malheureux de leur situation, il faut pouvoir les garder motivés afin de les relancer au moment voulu.

Quel est votre meilleur souvenir des 18 mois passés au Brussels ?

Le titre fut la récompense du travail accompli. Mais le plus beau souvenir fut l’hommage que m’ont rendu les joueurs lorsque je leur ai annoncé mon départ. J’ai rarement vu un groupe réagir d’une telle manière. Mais cela me fait mal, aujourd’hui, de voir que ce groupe a complètement éclaté. Ewen Verheyden et Ive Thijs sont au FC Malines, Denis Dessaer joue à Denderleeuw, Longrie est à Tirlemont (toujours en D3), Kersten Lauwerijs à Overpelt-Lommel (tous en D3), Didier Ernst à Eupen (en D2), Ibrahim Tankary à Zulte-Waregem (également en D2), Dieter Dekelver au… Cercle Bruges et Christophe Kinet… à la maison. Et je sais qu’il y a, au Brussels, des gens que j’ai appréciés qui sont actuellement malheureux.

 » 12 ou 13 transferts, c’était beaucoup trop  »

Aviez-vous pressenti les problèmes qui allaient surgir ?

Non, mais, lorsque j’ai appris que 12 ou 13 transferts allaient être réalisés, j’ai directement pensé que c’était beaucoup. De l’extérieur, je ne peux pas juger si les joueurs engagés répondent au profil que le nouvel entraîneur souhaitait en fonction de son style. Mais je sais qu’à un moment donné, il faut trouver un équilibre. Et la cohésion est d’autant plus difficile à trouver lorsqu’il y a 12 ou 13 nouveaux éléments. A un moment donné se posent également des problèmes de hiérarchie. Certains nouveaux prennent plus d’importance que certains  » monuments  » qui ont servi la cause du club depuis des années, et ce n’est pas toujours facile à accepter.

Estimez-vous que l’équipe qui fut championne de D2 la saison dernière aurait pu tenir la route en D1 ?

Qualitativement, il existait une bonne base. Quantitativement, le noyau devait être renforcé. J’avais suggéré de laisser partir trois joueurs, et d’en engager six autres à leur place. C’eût été l’idéal, et je crois que si l’on avait suivi cette idée, le Brussels serait aujourd’hui mieux classé.

Certains joueurs regrettent l’ambiance de la saison dernière…

Je trouve qu’il est très important, pour un entraîneur, d’être à l’écoute de ses joueurs. Il faut essayer de les comprendre, veiller à ce qu’ils viennent avec plaisir à l’entraînement et au match. Lorsqu’un joueur joue avec plaisir, il sera toujours enclin de faire un effort supplémentaire. Y compris pour son entraîneur. On peut parler de tactique pendant des heures, mais l’aspect mental est essentiel. Des erreurs individuelles, on en commettra toujours. Il faut pouvoir les compenser au niveau collectif. Il ne m’appartient pas de juger le travail d’un collègue. Je prendrai simplement un exemple. Tout en étant très distant, un entraîneur peut expliquer très clairement un dispositif tactique au tableau noir. Pour chaque joueur, le message est clair : c’est cette tactique-là qu’il faut appliquer et pas une autre. Personnellement, j’estime qu’il faut pouvoir être souple et accepter un autre comportement. Tout en essayant de rester sur la même longueur d’ondes que ses joueurs. Pour cela, la communication est essentielle. Il faut que les joueurs se sentent bien, et puissent s’entretenir de leurs problèmes avec l’entraîneur. Il faut se rendre compte, aussi, que les schémas que l’on dessine au tableau noir ne se retrouvent pas toujours sur le terrain. Il faut pouvoir l’accepter. C’est la philosophie que j’ai toujours défendue. J’essaie aussi de jouer en fonction des qualités de ma propre équipe, même si parfois, le dispositif adverse m’oblige à intervenir. Au Brussels, je jouais la plupart du temps en 4-3-3, qui pouvait se convertir en 4-4-2. Au Cercle, c’est pareil, sauf que je dispose d’autres joueurs et qu’il faut leur trouver un rôle plus adapté à leurs qualités. Au Brussels, je disposais d’un Kinet que je laissais toujours évoluer assez haut sur le flanc gauche. Il redescendait parfois, lorsqu’il fallait contrôler le match, mais je savais qu’en jouant haut, avec ses assists, sa frappe de balle et ses coups francs, j’allais toujours disposer d’un atout. Je savais aussi qu’un Richard Culek, à partir de la deuxième ligne, était toujours capable d’inscrire un but lorsqu’il montait. Mais je savais aussi que, si les attaquants n’étaient pas assez alimentés, ils allaient rarement pouvoir faire la différence. Si un attaquant obtient une occasion, ses chances de réussite seront minces. Par contre, s’il en obtient trois, il y a des chances qu’il en convertisse une en but. Emilio Ferrera a sans doute d’autres idées que les miennes, et c’est son droit : chaque entraîneur a ses méthodes. Mais je suis certain d’une chose : si j’étais resté au Brussels et si j’avais compté, aujourd’hui, aussi peu de points que lui, j’aurais été limogé depuis longtemps.

Daniel Devos

 » MON MAUVAIS FRANçAIS n’était certainement pas la seule raison de mon départ « 

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