Puni pour avoir engueulé un assistant !

Wachovia Center, Philadelphie. Vendredi 11 janvier. 17 h 30. Joakim Noah s’échauffe en compagnie de ses coéquipiers. Un jeune assistant chronomètre ses longueurs de terrain. Après une quinzaine de minutes de sprints, il lâche quelques tirs. On le sent terriblement concentré.

18 h 00. Devant le vestiaire réservé aux Bulls, Jim Boylan, nouvel entraîneur en chef depuis le licenciement de Scott Skiles le 27 décembre, assure le traditionnel point presse de l’avant-match. A la surprise générale, il annonce la suspension de Noah pour  » raisons disciplinaires « . Il n’en dira pas plus et personne ne lui en demandera davantage. Les journalistes américains sont des gens bien élevés !

19 h 00. Le match débute. Noah, en civil, T-shirt blanc, pull rouge en pointe et cardigan rayé, est assis avec son équipe, directement derrière le staff technique. Fidèle à son habitude, comme si de rien n’était, il encourage ses équipiers… même si l’effusion est plus contenue que d’habitude. Il est très souvent le seul à se lever et à applaudir une belle action, un geste technique, un panier… rare durant le premier quart temps où les Bulls prennent rapidement 18 points dans la vue. A chaque temps mort, il rejoint le groupe disposé autour du coach et de ses adjoints pour ne rien perdre des consignes.

20 h 30. Le match se termine sur la victoire des Bulls (97-100) grâce à un excellent Andres Nucioni (27 pts – 7 assists). Les joueurs regagnent le vestiaire. Peu après, Boylan en ressort et – marketing oblige – se place devant le panneau des Bulls et de leur sponsor GMC pour la traditionnelle conférence de presse d’après-match. L’homme est satisfait. Quelques minutes plus tard, le vestiaire s’ouvre aux journalistes. Joakim est debout, tout au fond, sac au dos, prêt à partir. Il gagne une petite salle annexe où nous tentons de le rejoindre. Elle est malheureusement offlimit. Il pousse ensuite la porte du fond. Sans doute pour échapper aux questions dérangeantes. D’un petit geste de la tête, il nous fait signe de le rejoindre par derrière. On le retrouve dans le stade, assis aux côtés d’un groupe de jeunes prolongeant le plaisir. Joakim est étonnamment détendu. Cool et relax, il échange quelques mots avec des potes de son âge, pose pour une photo avec un teenager fasciné et visiblement heureux de l’aubaine, signe un autographe, enlace un enfant, sourit naturellement et sans retenue. Le moment est exceptionnel et révélateur de la sympathie, du naturel et de la spontanéité du jeune joueur. D’habitude, avec les stars de la NBA, c’est plutôt la soumission aux prescriptions de la NBA : triangle autocar-vestiaire-terrain, minutage et filtrage des contacts – quand ils daignent en avoir ! -, code vestimentaire…

Dès le lendemain, on en apprendra plus sur cette suspension. Noah a eu des mots – certains disent une réaction verbale violente, une tirade, comme on l’appelle ici – avec un des entraîneurs adjoints, Ron Adams (60 ans). Ce dernier est un vétéran des staffs techniques de NBA mais a aussi travaillé au Japon, au Canada et chez nous où il coacha Ostende avec succès dans les années 80.

Le coach Boylan a immédiatement traduit cet écart en suspension d’un match. Mais c’était sans compter sur les propres coéquipiers de Noah, particulièrement offusqués par ses paroles et son comportement. Moins de 24 heures plus tard, au terme de l’entraînement à l’Université de Georgia Tech préparatoire au match contre les Hawks du lendemain, les joueurs eux-mêmes, sous l’influence des anciens, Adrian Griffin et Ben Wallace, demandent la prolongation de la suspension de leur jeune coéquipier. Une décision extrêmement rare dans le sport professionnel qui transforme une anecdote en un cas de figure !

 » Je comprends la frustration de Joakim par rapport aux remarques de Ron Adams « , a expliqué Wallace,  » mais on ne peut pas accepter qu’il l’exprime de cette manière et qu’il transgresse ainsi la frontière qui doit exister entre les joueurs et le staff. On ne parle pas à un homme mûr comme il l’a fait. On peut ne pas aimer quelqu’un en tant qu’entraîneur, mais on doit le respecter en tant qu’homme « . Des paroles de sagesse assez étonnantes de la part d’un joueur qui a eu ses moments noirs avec l’autorité, notamment avec Flip Saunders à Détroit.

Selon Boylan, Noah n’en est pas à son coup d’essai. Il avait eu maille à partir avec Scott Skiles qui lui aurait gentiment conseillé de la fermer. On lui reproche aussi des arrivées tardives, sanctionnées par des amendes. Et, même si ce n’est pas dit explicitement, on lui reproche son sens du show, son caractère (trop ?) démonstratif. D’un rookie, on attend davantage de retenue que d’expression.

 » On n’est plus à l’unif « , poursuit Boylan.  » C’est la NBA, L’hyper professionnalisme. On y côtoie des hommes plus âgés, plus matures. C’est à Joakim de s’adapter à eux et non l’inverse. L’équipe lui a envoyé un message très clair. Je sais qu’il est suffisamment intelligent pour le comprendre et adapter son comportement en conséquence « .

Beau joueur, malin et diplomate, l’intéressé a rapidement calmé le jeu. Avec beaucoup d’humilité, de surcroît :  » Que voulez-vous que je vous dise ? Je suis un bleu. Je dois accepter la décision de l’équipe. Suis-je d’accord avec leur avis et la sanction ? Cela n’a aucune importance et ça ne fait aucune différence. Je respecte mes coéquipiers et leur opinion. Ils m’ont clairement signifié que ce que j’avais fait et dit était inacceptable. Je dois maintenant tirer les leçons nécessaires et aller de l’avant « .

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